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18/03/2002 | LUXEMBOURG | N°s12086,13012

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2002, s12086,13012


Tribunal administratif N°s 12086 et 13012 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits en date respectivement des 30 juin 2000 et 6 mars 2001 Audience publique du 18 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du Gouvernement en conseil en matière de changement d’affectation

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JUGEMENT

I.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12086 du rôle, déposée le 30 juin 2000 au greffe du tribunal administrat

if par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

Tribunal administratif N°s 12086 et 13012 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits en date respectivement des 30 juin 2000 et 6 mars 2001 Audience publique du 18 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du Gouvernement en conseil en matière de changement d’affectation

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JUGEMENT

I.

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12086 du rôle, déposée le 30 juin 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 portant sa réaffectation au ministère des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération et de la Défense, ainsi que d’une décision implicite du Gouvernement en conseil refusant d’annuler ledit arrêté du 17 décembre 1999 et de proposer, sur la base de l’article 6.4. alinéa 3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, à l’autorité investie du pouvoir de nomination de procéder à un changement d’administration et de le nommer dans l’administration formée par les fonctionnaires du cadre supérieur du ministère des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération et de la Défense ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 29 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR au nom du demandeur ;

Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Jean-Paul KILL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour Monsieur …, déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2001 ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 13012 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2001 par Maître Jean-Paul KILL, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du Gouvernement en conseil du 6 octobre 2000 concernant son maintien dans la carrière de l’attaché du Gouvernement au ministère des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération et de la Défense et confirmant l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 ayant opéré sa réaffectation audit ministère, ainsi que, en ordre subsidiaire, contre ledit arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 ;

Vu la demande de Maître Jean-Paul KILL tendant à voir joindre les affaires inscrites sous les numéros du rôle respectifs 12086 et 13012 déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2001 par Maître Jean-Paul KILL au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2001 ;

Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en remplacement de Maître Jean-Paul KILL, dans les affaires inscrites sous les numéros 12086 et 13012 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique WATGEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 janvier 2002.

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Monsieur … a suivi la carrière de l’attaché de Gouvernement à l’administration gouvernementale. Après avoir été affecté à l’ancien ministère de la Force publique et à la suite de la constitution du nouveau Gouvernement en 1999, il fut « réaffecté au ministère des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération et de la Défense », ci-après appelé « le ministre des Affaires étrangères », par arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999, ceci au vu de l’arrêté grand-ducal du 11 août 1999 portant constitution des ministères, de l’article 6, alinéas 2 et 3 de la loi modifiée du 31 mars 1958 portant organisation des cadres de l’administration gouvernementale, ainsi que de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.

A l’encontre de cette décision, Monsieur… a fait introduire, par courrier de son mandataire datant du 31 décembre 1999, une « requête en annulation sinon en réformation » sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé « le statut général », auprès du Gouvernement en conseil pour solliciter le rapport dudit arrêté du 17 décembre 1999, ainsi que, sur la base de l’article 6.4, alinéa 3 du statut général, la proposition à l’autorité investie du pouvoir de nomination de procéder à un changement d’administration dans son chef et de le nommer dans l’administration formée par les fonctionnaires du cadre supérieur du ministère des Affaires étrangères, sinon, sur base de l’article 6, alinéa 2 de la loi modifiée du 31 mars 1958 portant organisation des cadres de l’administration gouvernementale, son affectation par le Gouvernement en conseil dans le cadre spécial des fonctionnaires de ladite carrière supérieure.

Ledit recours étant resté sans suite, Monsieur… a fait introduire, par requête déposée en date du 30 juin 2000, un recours contentieux inscrit sous le numéro 12086 du rôle tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 prévisé, ainsi que contre la décision implicite de refus du Gouvernement en conseil de faire droit à son recours introduit en date du 31 décembre 1999.

Le Gouvernement en conseil ayant par la suite rejeté ledit recours introduit en date du 31 décembre 1999 par une décision du 6 octobre 2000, Monsieur… a fait introduire un deuxième recours contentieux, inscrit sous le numéro 13012 du rôle, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du Gouvernement en conseil du 6 octobre 2000, ainsi que, en ordre subsidiaire, de l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 prévisé.

Les deux recours portant à la base sur la même décision de réaffectation de Monsieur… au ministère des Affaires étrangères, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre et de les toiser par un seul jugement.

Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours inscrit sous le numéro 12086 du rôle en faisant valoir que le demandeur, en ayant fait usage de la possibilité prévue à l’article 33 du statut général d’introduire un recours devant le Gouvernement en conseil à travers le courrier de son mandataire datant du 30 décembre 1999, n’aurait pas encore épuisé ledit recours à la date de l’introduction de sa requête en date du 30 juin 2000, étant donné que le Gouvernement n’avait pas encore statué y relativement à cette date.

Il est constant qu’à travers le courrier de son mandataire datant du 31 décembre 1999, le demandeur s’est adressé dans le délai de recours contentieux à l’autorité ayant pris l’arrêté litigieux du 17 décembre 1999, en l’occurrence le Gouvernement en conseil, pour solliciter, sur base de l’article 33 du statut général, l’annulation, sinon la réformation dudit arrêté du 17 décembre 1999. Il a ainsi formulé une réclamation s’analysant en substance en un recours gracieux au sens des dispositions de l’article 13 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, de sorte que le délai du recours contentieux a été valablement suspendu et qu’un nouveau délai a commencé à courir, conformément aux dispositions du paragraphe (3) dudit article 13, à partir de l’expiration du troisième mois suivant l’introduction de cette réclamation, étant entendu que le Gouvernement en conseil n’a statué sur cette réclamation qu’en date du 6 octobre 2000, soit après l’expiration du délai de trois mois ainsi prévu par la loi.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté invoqué par le représentant étatique n’est pas fondé.

Le délégué du Gouvernement conclut en outre à l’irrecevabilité des deux recours sous examen pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur … en faisant valoir que le transfert des attributions de l’ancien ministère de la Force publique vers le ministère des Affaires étrangères n’aurait en pratique pas opéré de changement dans les attributions concernant l’armée, étant donné que la direction de la défense auprès du ministère des Affaires étrangères resterait chargée des mêmes tâches à ce niveau que l’ancien ministère de la Force publique et que les tâches à exercer par le demandeur seraient restées en substance les mêmes que celles lui attribuées avant son changement d’affectation. Ledit changement n’aurait par ailleurs entraîné aucun changement au niveau de sa carrière, alors qu’il serait resté intégré dans l’administration gouvernementale et dans sa carrière d’origine, de sorte que les décisions déférées n’emporteraient aucun désavantage matériel ou moral dans son chef.

Il est constant que le recours sous examen est dirigé non pas contre l’arrêté grand-ducal du 11 août 1999 portant constitution des ministères, par le biais duquel les attributions de l’ancien ministère de la Force publique ont été réparties entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires étrangères, mais contre une décision administrative à portée individuelle qui s’en est suivie, en l’occurrence celle opérant à la suite de cette nouvelle répartition des compétences ministérielles l’affectation du demandeur à l’un des deux ministères concernés.

Dans la mesure où l’arrêté du Gouvernement en conseil déféré, tel que confirmé sur réclamation par la même autorité en date du 6 octobre 2000, a pour le moins entraîné dans le chef du demandeur l’obligation de changer de département ministériel et partant d’environnement professionnel, celui-ci se trouve affecté à suffisance dans sa situation individuelle par les effets des décisions déférées, de manière à justifier d’un intérêt à agir au sens de la loi. Le moyen afférent n’est partant pas fondé.

Le délégué du Gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit en ordre principal en faisant valoir qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en matière de changement d’affectation.

Le demandeur rencontre ce moyen en faisant valoir que du fait de sa non-intégration dans l’administration formée par les fonctionnaires du cadre supérieur du ministère des Affaires étrangères, il se trouverait exclu d’office du système d’affectation aux représentations diplomatiques luxembourgeoises à l’étranger, ainsi que nécessairement des privilèges afférents consentis sous forme d’émoluments et d’accessoires à la rémunération, tels qu’indemnités de poste et indemnités de logement et autres accessoires à la rémunération. Il estime dès lors que l’article 26 du statut général constituerait une base légale suffisante du recours en réformation par lui introduit, étant donné qu’il s’agirait d’une contestation relative à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat.

Il est constant que même si les prétentions du demandeur tendant à se voir intégrer dans le corps diplomatique comportent, de manière incidente, un volet relatif à son traitement en ce sens qu’une affectation afférente entraînerait le cas échéant l’attribution de diverses primes liées à cette fonction, il n’en reste pas moins que l’incidence ainsi alléguée sur le traitement ne se confond pas en l’espèce avec l’objet du litige, lequel a clairement pour objet l’affectation du demandeur à partir de l’ancien département ministériel de la Force publique au ministère des Affaires étrangères et non pas une contestation relative à la fixation du traitement de l’intéressé.

Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel ne s’inscrit pas, suivant les développements qui précèdent, dans les prévisions de l’article 26 du statut général.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1. Quant à l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17.12.1999 Quant au fond, le demandeur conclut en premier lieu à l’annulation de l’arrêté déféré pour cause d’incompétence ratione materiae du Gouvernement en conseil, auteur de l’arrêté litigieux du 17 décembre 1999. Il soutient plus particulièrement à cet égard que ladite décision aurait opéré non pas un changement d’affectation dans son chef, mais un changement d’administration au sens de l’article 6.4 du statut général, étant donné que son transfert vers le ministère des Affaires étrangères aurait opéré une modification substantielle des tâches à accomplir en ce que, d’une part, ses attributions en matière de forces de l’ordre lui auraient été enlevées, et que, d’autre part, il aurait été chargé de nouvelles attributions en matière de police de sécurité et de défense dans des dossiers qui, avant son arrivée, auraient été traités par des diplomates et qui rentreraient clairement dans les attributions de la carrière de l’attaché de légation du ministère des Affaires étrangères. Le demandeur estime qu’il se trouverait ainsi en fait, et sans nomination régulière, intégré dans une autre administration, en l’occurrence celle constituée par le cadre spécial dont dispose le ministère des Affaires étrangères pour les fonctionnaires de la carrière supérieure administrative affectés à l’administration centrale ou au service extérieur dudit ministère et regroupant les membres du personnel diplomatique. A partir de ce constat il conclut que l’autorité compétente pour opérer le changement d’administration aurait été celle investie du pouvoir de nomination, en l’occurrence le Grand-Duc, et non le Gouvernement en conseil.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur reste intégré dans l’administration gouvernementale, dans le cadre de laquelle il exercerait exactement les mêmes tâches qu’avant son changement d’affectation et que le Gouvernement serait à considérer comme une seule administration, en l’occurrence l’administration gouvernementale, de sorte que le fait pour un fonctionnaire d’être affecté à un autre département ministériel ne saurait être interprété comme étant un changement d’administration.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur, tout en admettant qu’il est resté « juridiquement intégré dans son ancienne administration, à savoir l’administration gouvernementale », insiste pour dire qu’il se trouverait en fait et sans nomination régulière intégré dans une autre administration, à savoir le Corps diplomatique, pour soutenir que l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 serait illégal pour fausse qualification de son objet. Il soutient en outre qu’il serait un fait que tous les fonctionnaires de la carrière supérieure du ministère des Affaires étrangères, à l’exception de lui-même et de Monsieur …, seraient intégrés dans le cadre spécial et seraient ainsi membres du Corps diplomatique, lequel serait à considérer comme une administration à part au sens du statut général.

Il est constant en cause que l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 constitue non pas une décision administrative refusant de faire droit à une demande de Monsieur… de changer d’administration, en l’occurrence de l’administration gouvernementale vers le Corps diplomatique tel que régi par la loi modifiée du 30 juin 1947 y relative, mais une décision intervenue d’office et ayant opéré son affectation, à partir de l’ancien ministère de la Force publique, au département ministériel des Affaires étrangères tout en le maintenant dans sa fonction et dans son emploi d’origine dans la carrière supérieure de l’administration telle que déterminée à l’article 1er, 1. de la loi modifiée du 31 mars 1958 portant organisation des cadres de l’administration gouvernementale.

Il est encore constant au vu des moyens et arguments avancés en cause que le demandeur ne conteste pas la portée ainsi circonscrite de l’arrêté du Gouvernement en Conseil du 17 décembre 1999, étant donné qu’il énonce lui-même que ledit arrêté a pour objet, fût-ce à tort à son sens, de le « garder juridiquement intégré dans son ancienne administration, à savoir l’administration gouvernementale ».

Le contrôle de légalité à effectuer par le tribunal dans le cadre du recours en annulation sous examen ne pouvant s’étendre au-delà l’objet même du litige entrevu à partir des moyens présentés à l’appui du recours, force est de constater que l’ensemble des considérations avancées en cause pour établir qu’au-delà de la portée « juridique » de l’arrêté déféré du 17 décembre 1999, le demandeur aurait été affecté en fait à une fonction relevant du Corps diplomatique, restent étrangères au litige pour avoir trait à une question d’exécution de l’arrêté déféré.

En effet, la question de l’exécution non-conforme d’une décision administrative par rapport à son libellé formel, par ailleurs non équivoque en l’espèce, ne saurait être confondue avec la question de la légalité de cette décision même, de sorte que le tribunal, saisi d’un recours dirigé contre une décision administrative déterminée, ne saurait se prononcer sur des questions relatives à l’exécution de cette même décision sous peine de statuer ultra petita.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le contrôle de légalité à effectuer en l’espèce par rapport à l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 se limite à la vérification du respect des conditions légales applicables en matière de changement d’affectation d’un fonctionnaire de la carrière supérieure de l’administration gouvernementale à l’intérieur de cette même administration.

Le demandeur conclut encore à l’illégalité de l’arrêté déféré pour défaut de base légale en faisant valoir que c’est à tort qu’il serait basé sur l’article 6, alinéas 2 et 3 de la loi modifiée du 31 mars 1958 précitée, étant donné que ledit article aurait été abrogé par l’article 80 du statut général. Il soutient plus particulièrement à cet égard que les attachés de Gouvernement ne seraient pas à considérer comme un corps de fonctionnaires au sens de l’article 1er, 4. du statut général, qu’il suffirait de lire l’article 1er de la loi modifiée du 31 mars 1958 précitée pour constater que les attachés de Gouvernement constitueraient tout simplement l’une des fonctions composant le cadre supérieur de l’administration gouvernementale et qu’il n’existerait pas de dispositions spéciales établies par les lois et règlements pour ce qui est des attachés de Gouvernement, de sorte qu’à défaut pour ladite loi de contenir des dispositions particulières afférentes à ladite fonction, sa situation serait exclusivement régie par le statut général.

Il est constant qu’au vœu de l’article 6.2 du statut général le changement d’affectation peut intervenir d’office dans l’intérêt du service ou à la demande de l’intéressé et est opéré par le chef de l’administration dont le fonctionnaire relève, tandis que, conformément aux dispositions de l’article 6 alinéa 2 de la loi modifiée du 31 mars 1958 précitée, l’affectation des fonctionnaires du cadre supérieur est faite par décision du Gouvernement en conseil, ledit article de préciser en outre que la décision d’affectation est distincte de l’acte de nomination et peut être modifiée à tout moment.

Dans la mesure où conformément aux dispositions de l’article 80 du statut général, les dispositions contraires au dit statut sont abrogées « sous réserve des dispositions prévues à l’article 1er paragraphe 4 », il y a lieu d’examiner si les dispositions de la loi modifiée du 31 mars 1958 relatives à l’affectation des fonctionnaires du cadre supérieur de l’administration gouvernementale constituent des dispositions spéciales établies pour un certain corps de fonctionnaires au sens de l’article 1er, 4. du statut général, au vœu duquel le statut général s’applique sous réserve des dispositions spéciales établies pour certains corps de fonctionnaires par les lois et règlements.

Force est de constater à cet égard que le cadre supérieur de l’administration gouvernementale considéré dans son ensemble et régi par les dispositions de l’article 1er de la loi du 31 mars 1958 précitée, regroupant les fonctions et emplois de conseiller de direction première classe, conseiller de direction, conseiller de direction adjoint, attaché de gouvernement premier en rang, attaché de gouvernement et stagiaire ayant le titre d’attaché d’administration, constitue un corps de fonctionnaires déterminés au sens de l’article 1er, 4 du statut général, soumis à des dispositions spéciales établies par ladite loi du 31 mars 1958 et ayant trait notamment, à travers les dispositions précitées de son article 6, à la question pertinente en l’espèce de l’affectation des fonctionnaires du cadre supérieur. Il s’ensuit que le moyen basé sur la non-application en l’espèce des dispositions dudit article 6 pour conclure à l’incompétence ratione materiae du Gouvernement en conseil pour opérer un changement d’affectation du type de celui sous examen laisse d’être fondé.

Le demandeur conclut ensuite à l’annulation de l’arrêté du Gouvernement en conseil déféré pour violation de ses droits de la défense tels qu’ancrés à l’article 6.5 du statut général, ainsi qu’à l’article 9 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce qu’il n’aurait pas été entendu en ses observations préalablement à la prise de la décision déférée.

Le délégué du Gouvernement rencontre ce moyen en faisant valoir qu’il se dégagerait d’une note de 5 pages adressée au ministre de la Coopération, de l’Action humanitaire et de la Défense datée du 16 décembre 1999 et versée en cause par le demandeur que celui-ci, antérieurement à la prise de l’arrêté litigieux, aurait eu la possibilité de prendre position de façon détaillée par rapport à la mesure envisagée, ce qui supposerait évidemment qu’il en aurait été informé.

En guise de réplique, le demandeur s’empare des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité pour soutenir que l’autorité qui se propose de prendre une décision en dehors de l’initiative de l’administré concerné serait tenue d’informer la personne concernée de son intention en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir, cette communication devant se faire par lettre recommandée et ouvrir un délai d’au mois 8 jours pour permettre à la partie en cause de présenter ses observations ou d’être entendue en personne.

Il soutient que dans la mesure où la procédure spéciale non contentieuse prévue au point 5 de l’article 6 du statut général se limiterait à exiger que le fonctionnaire concerné soit entendu en ses observations, elle ne présenterait pas de garanties équivalentes pour l’administré, de sorte que les règles par lui invoquées se dégageant de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité seraient applicables et qu’à défaut pour l’administration d’établir que les formalités y visées auraient été mises en œuvre, l’arrêté déféré devrait encourir l’annulation pour cause de violation de la loi.

Si c’est certes à juste titre que le demandeur soutient que la procédure spéciale non contentieuse prévue au point 5 de l’article 6 du statut général ne présente pas pour l’administré concerné des garanties équivalentes à celles prévues par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité et que les règles édictées dans ce règlement lui sont dès lors applicables (cf. trib. adm. 14 juillet 1997, n° 9692 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 5 et autres références y citées, p. 329), il n’en demeure cependant pas moins que les formalités procédurales inscrites à l’article 9 dudit règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ayant trait aux droits de la défense, ne constituent pas pour autant une fin en soi, mais consacrent des garanties visant à ménager à l’administré concerné une possibilité de prendre utilement position par rapport à la décision projetée, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de toutes les étapes procédurales préalables prévues afin de permettre d’atteindre cette finalité devient sans objet.

Il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement de la « note à l’attention de Monsieur le ministre Charles Goerens, ministre de la Coopération, de l’Action humanitaire et de la Défense » indiquant comme objet « intégration des membres de la carrière supérieure administrative de la Direction de la Défense (Direction 7 du ministère des Affaires Etrangères, du Commerce extérieur, de la Coopération et de la Défense) » rédigée conjointement par Messieurs … et …, les deux y ayant apposé leur signature en date du 16 décembre 1999, que le demandeur, se référant à une information afférente, avait connaissance du fait que le Gouvernement en conseil se proposait de décider en date du 17 décembre 1999 son « changement d’affectation » au ministère des Affaires étrangères.

Encore que le demandeur relève dans le cadre du recours sous examen qu’aucune information préalable relativement à cette décision ne lui serait parvenue dans les formes prévues par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, force est de constater qu’il n’a en l’espèce aucun intérêt à se prévaloir des dispositions en question, étant donné qu’il se dégage clairement de la note prévisée signée par le demandeur en date du 16 décembre 1999 qu’il a effectivement pu faire valoir de manière détaillée et circonstanciée son point de vue par rapport à la décision projetée à travers une prise de position écrite établie précisément en vue de documenter son point de vue auprès de l’autorité administrative concernée. Il se dégage en effet du libellé même de cette note que le demandeur entendait voir cette note influencer sur la décision à intervenir en ce qu’il a signalé qu’il était d’avis que le changement prévu devrait comporter son intégration dans le cadre supérieur du ministère des Affaires étrangères et ce pour les raisons y plus amplement exposées.

Les considérations qui précèdent ne sauraient par ailleurs être énervées par l’argument du demandeur consistant à dire qu’il aurait seulement eu indirectement connaissance de la décision projetée à travers une tierce personne, et que cette information aurait par ailleurs été partielle, incomplète, superficielle et orale. Il se dégage en effet des développements qui précèdent que la finalité des garanties procédurales consacrées par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité a en l’espèce clairement été atteinte et que le demandeur ne saurait dès lors plus se prévaloir utilement d’un vice purement procédural se situant à un stade antérieur.

Il s’ensuit que le moyen du demandeur basé sur le non-respect de ses droits de la défense n’est pas fondé.

Le demandeur conclut ensuite à l’annulation de l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999 pour violation de l’article 6, 5, alinéa 1er du statut général en faisant valoir que le changement opéré à travers cette décision aurait comporté dans son chef l’attribution d’un emploi inférieur en rang par rapport à celui qu’il occupait au ministère de la Force publique du fait qu’à cette époque il jouissait du même statut que ses collèges et était leur égal, tandis que maintenant il ne pourrait plus être considéré comme l’égal de ses collèges, puisqu’il serait dans une large mesure tenu à l’écart de la structure hiérarchique et organisationnelle du département ministériel auquel il appartient. Il soutient plus particulièrement à cet égard que par sa non-

intégration dans le cadre spécial du ministère des Affaires étrangères, il serait tenu perpétuellement à l’écart de fonctions à responsabilité dans d’autres directions du département ministériel concerné, dont notamment les fonctions à responsabilité dans les missions diplomatiques luxembourgeoises.

Force est de constater que le demandeur ne conteste pas que la fonction d’attaché de Gouvernement premier en rang auprès de l’administration gouvernementale par lui revêtue au moment de la prise de l’arrêté litigieux est restée la même en titre, mais entend déduire le prétendu caractère inférieur en rang de sa nouvelle affectation par rapport à celle d’avant à partir d’une différence au niveau de la panoplie d’emplois et de fonctions existant par ailleurs au sein des départements ministériels respectivement concernés. Or, l’appréciation du caractère inférieur en rang ou non d’un emploi ou d’une fonction n’est pas fonction d’éléments extérieurs au fonctionnaire concerné en ce sens qu’elle dépendrait de la nature des emplois ou fonctions revêtus par d’autres personnes au sein d’un même département ministériel, mais s’articule exclusivement autour des dispositions légales et réglementaires régissant intrinsèquement les fonctions et emplois revêtus respectivement avant et après le changement litigieux.

Il s’ensuit qu’à partir du constat que le demandeur, tout en ayant été affecté à un autre département ministériel est resté nommé dans la même fonction au sein de l’administration gouvernementale, le moyen basé sur l’attribution dans son chef d’un emploi inférieur en rang par rapport à celui qu’il occupait préalablement laisse d’être fondé.

Le demandeur fait valoir ensuite qu’il se trouverait dans la même situation de fait et de droit que ses collègues du département des Affaires étrangères bénéficiant du statut diplomatique pour soutenir que le principe de l’égalité devant la loi ancré à l’article 11 (2) de la Constitution commanderait qu’il soit traité de la même façon que ces derniers et admis au bénéfice du même statut. Il estime qu’en l’espèce aucun critère objectif justifiant le refus dudit statut diplomatique ne serait vérifié dans son chef.

Tel que relevé plus en avant, l’arrêté du Gouvernement en conseil sous examen du 17 décembre 1999 n’a pas pour objet de refuser de faire droit à une demande en octroi du statut diplomatique émanant du demandeur, de sorte que le tribunal, ne saurait examiner plus en avant la question abordée de la justification d’un éventuel refus du statut diplomatique à Monsieur….

C’est en effet à juste titre que le demandeur a relevé que le Corps diplomatique, tel que régi par la loi modifiée du 30 juin 1947 précitée, constitue un corps de fonctionnaires à part, distinct de ceux composant le cadre supérieur de l’administration gouvernementale, de sorte que la question d’une éventuelle inégalité de traitement entre les membres du Corps diplomatique et le demandeur ne saurait être utilement abordée sur le plan contentieux que dans le cadre d’une contestation relative a un refus d’admettre le demandeur au sein de ce corps de fonctionnaires.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours inscrits sous les numéros 12086 et 13012 du rôle ne sont pas fondés pour autant que dirigés contre l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999.

Quant à la décision du Gouvernement en conseil du 6 octobre 2000 La décision déférée du 6 octobre 2000 constitue la réponse du Gouvernement en conseil à une « requête en annulation sinon en réformation d’un arrêté du Gouvernement en Conseil du 17 décembre 1999 portant réaffectation d’un fonctionnaire » introduite par Monsieur…, par l’intermédiaire de son mandataire, en date du 31 décembre 1999 auprès du Gouvernement en conseil, auteur de cet arrêté du 17 décembre 1999 lequel a fait l’objet du recours sous examen dans son volet toisé ci-avant sub. 1).

Après avoir qualifié à juste titre ladite requête de recours gracieux, le Gouvernement en conseil a refusé d’y faire droit par décision du 6 octobre 2000 dans les termes suivants :

« Sur le rapport de Mme le Ministre des Affaires Etrangères, Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative, vu que par arrêté grand-ducal du 11 août 1999 portant constitution des Ministères, les attributions des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération au Développement ainsi que les attributions de l’Action Humanitaire et de la Défense ont été regroupées au sein d’un même Ministère ;

Vu que le nouveau Ministère a donné lieu à la création d’une direction spécifique avec maintien d’une section budgétaire à part, à savoir la direction de la défense, Vu qu’au sein de cette direction de la défense sont regroupées les attributions relatives à la défense et à l’armée jusqu’alors traitées par le Ministère de la Force Publique, Vu que les fonctions exercées jusqu’à présent par MM…. et… restent inchangées, Vu que les intérêts des intéressés sont parfaitement sauvegardés, Vu les mémoires produits par Mme le Ministre des Affaires Etrangères et M. le Secrétaire d’Etat à la Fonction Publique et à la Réforme Administrative, Le Conseil de Gouvernement décide de maintenir MM…. … et… … dans la carrière de l’Attaché de Gouvernement ».

Au vu de l’ensemble des développements sub. 1) et en l’absence d’autres moyens et arguments avancés tendant spécialement à l’annulation de la décision du Gouvernement en conseil du 6 octobre 2000, distincts de ceux avancés par le demandeur pour conclure à l’annulation de l’arrêté du Gouvernement en conseil du 17 décembre 1999, il y a lieu de rejeter le recours comme étant non fondé également pour autant que dirigé contre la décision du 6 octobre 2000 ceci pour les mêmes motifs que ceux retenus sub. 1) ci-avant.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

prononce la jonction des recours inscrits sous les numéros du rôle 12086 et 13020 ;

se déclare incompétent pour connaître des recours en réformation ;

reçoit les recours en annulation en la forme ;

au fond les dits non justifiés et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 mars 2002 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s12086,13012
Date de la décision : 18/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-18;s12086.13012 ?

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