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18/03/2002 | LUXEMBOURG | N°14667

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2002, 14667


Tribunal administratif N° 14667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2002 Audience publique du 18 mars 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … alias G. P. alias G. A.,

né le … à Nardac (Albanie), de nationalité albanaise, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Lu...

Tribunal administratif N° 14667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2002 Audience publique du 18 mars 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … alias G. P. alias G. A., né le … à Nardac (Albanie), de nationalité albanaise, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 février 2002 prolongeant d’un mois une mesure de placement audit Centre Pénitentiaire, instituée à son égard par décision ministérielle du 21 décembre 2001, prorogée une première fois par décision ministérielle du 16 janvier 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Louis TINTI ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un procès-verbal du service d’Esch-sur-Alzette du centre d’intervention de la police grand-ducale du 10 novembre 2001, que Monsieur G.P. alias G.A., déclarant être né le … à Shkoder (Albanie), sans domicile fixe, a été arrêté ce même jour dans un supermarché situé à Bascharage pour avoir soustrait frauduleusement différents articles et qu’après avoir été interpellé à l’occasion dudit vol à l’étalage, il s’est identifié au commissariat de police de Differdange en exhibant une carte d’identité italienne volée. Il ressort encore du prédit procès-verbal qu’il a été mis en détention préventive au Centre Pénitentiaire à Schrassig.

Il ressort d’un procès-verbal du service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, du 28 novembre 2001, que « les recherches entamées en vue d’établir la vraie identité du nommé G.P. (…) ont révélé que les empreintes de ce dernier correspondent à coup sûr à celles, prises sur la personne de …, né le 10 mars 1979 à Nardac (Albanie) ».

Il ressort en outre du dossier administratif qu’au courant de l’année 1997, Monsieur … avait introduit une demande d’asile au Luxembourg, à laquelle il ne fut néanmoins pas fait droit par le ministre de la Justice, qu’après l’épuisement des voies de recours contentieux, il fut rapatrié par les autorités luxembourgeoises vers Tirana en date du 18 mai 2000. Il a également été consigné dans le prédit procès-verbal du 28 novembre 2001 que Monsieur … avait à nouveau quitté son pays, cette fois-ci en direction de la Belgique pour y introduire une nouvelle demande d’asile en date du 24 octobre 2000 sous l’identité de G.P.. Il fut débouté de cette demande d’asile le 31 mai 2001 et il fut rapatrié le 19 juin 2001 en Albanie par les autorités belges.

Suite à la communication de ce procès-verbal au service des étrangers du ministère de la Justice, Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 21 décembre 2001, notifié le même jour, au Centre Pénitentiaire de Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

En date du 8 janvier 2002, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg décida, conformément au réquisitoire du parquet, de renvoyer l’inculpé … devant une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement du chef des délits suivants : 1) Achat de la carte d’identité italienne n°AB 1745739 (article 199 bis du code pénal), 2) Usage de la carte d’identité italienne qui a fait l’objet d’un faux matériel (article 198 code pénal), 3) Recel de la carte d’identité italienne, qui avait, en tant que document vierge, fait l’objet d’un vol (article 505 code pénal) et 4) vol à l’étalage (articles 461 et 463 du code pénal).

La mesure de placement fut prorogée à deux reprises par décisions du ministre de la Justice en date des 16 janvier et 18 février 2002.

La décision ministérielle de prorogation du 18 février 2002 est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Considérant que l’intéressé avait déjà été rapatrié par les autorités luxembourgeoises en mai 2000 vers l’Albanie ;

- que par la suite, il a demandé l’asile en Belgique sous une fausse identité ;

- que les autorités belges l’ont également rapatrié vers l’Albanie ;

- que l’intéressé est en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il constitue un danger pour l’ordre public ;

- qu’un laissez-passer a été sollicité auprès de l’Ambassade de l’Albanie ;

- que l’intéressé sera rapatrié vers son pays d’origine dès la délivrance du laissez-passer ;

- qu’en attendant ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est donc pas possible ;

Considérant qu’il échet dès lors de proroger le placement pour une durée maximum de 1 mois à partir de la notification ».

Par requête déposée le 8 mars 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 18 février 2002.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de reconduction d’une mesure de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement, adoptant les conclusions du procureur, renseigne sur les chefs d’inculpation et partant les faits qui lui sont reprochés, que ces faits ne sont pas niés par lui, mais qu’il faudrait néanmoins relativiser leur gravité, dans la mesure notamment où la fausse carte d’identité, qui avait été volée en tant que document vierge lui aurait permis de quitter son pays et de s’installer dans un pays de l’Union européenne.

Concernant le vol à l’étalage, il estime qu’il s’agit d’un vol de biens de première nécessité. Par ailleurs, il aurait bénéficié en date du 21 février 2002 d’une ordonnance de la chambre du conseil ordonnant sa mise en liberté provisoire.

Le demandeur soutient en premier lieu qu’il ne remplirait pas les conditions légales de nature à justifier une mesure de placement et même à supposer l’existence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise à son encontre, il conteste qu’il y ait impossibilité pour l’autorité administrative d’exécuter cette mesure en raison d’une circonstance de fait.

Il fait valoir à ce sujet qu’à partir de décembre 2001, les autorités luxembourgeoises avaient connaissance de son identité exacte ainsi que de son pays d’origine vers lequel il aurait pu être rapatrié. Il estime qu’alors même que le rapatriement d’une personne « parfaitement » identifiée devrait être exécuté dans un délai raisonnable, la mesure de placement prise à son encontre perdurerait depuis plusieurs mois, que la non-délivrance par les autorités albanaises d’un laissez-passer dans un délai raisonnable permettrait de retenir que la circonstance de fait invoquée par l’autorité administrative luxembourgeoise pour justifier l’impossibilité d’exécuter la mesure d’expulsion ou de refoulement envisagée, ne serait pas légitime, étant donné qu’il n’incomberait pas au demandeur de subir les effets d’une mesure de placement qui perdurait du seul fait des lenteurs administratives.

Le demandeur considère par ailleurs qu’une mesure de placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig ne se justifierait pas en l’espèce, au motif qu’il n’existerait aucun danger qu’il essayerait de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure. Dans ce contexte, il fait valoir que le ministre de la Justice n’aurait pas rapporté la preuve d’un risque de cette nature qui ne résulterait d’ailleurs ni de la décision attaquée, ni du dossier administratif. Il signale encore qu'en date du 20 février 2002, il aurait contacté l’ambassade d’Albanie à Bruxelles pour qu’elle émette dans les plus brefs délais un document de voyage permettant son retour immédiat vers son pays d’origine.

Dans le prédit courrier, il fait valoir qu’au vu de sa situation précaire au Luxembourg, il serait disposé à retourner volontairement en Albanie.

En outre, il soutient ne pas constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics au motif que la fausse carte d’identité dont il a fait usage n’aurait pas été volée par lui-

même, mais qu’il l’aurait achetée et que la carte d’identité aurait par la suite « été frauduleusement composée par d’autres », de sorte que l’usage qu’il en faisait par la suite n’aurait pas été susceptible de provoquer « un préjudice à l’encontre d’une personne privée ». Il relève encore que l’achat de cette carte d’identité aurait été nécessaire afin de pouvoir quitter son pays et pour pouvoir s’installer dans un pays européen.

Il retient encore que suivant ordonnance de la chambre du conseil près le tribunal d’arrondissement du 21 février 2002, il a bénéficié d’une mesure de mise en liberté provisoire et qu’une telle ordonnance ne saurait se concevoir s’il existait dans son chef un quelconque risque de trouble à l’ordre public.

Par ailleurs, il estime que la mesure de placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig serait disproportionnée et que ledit Centre Pénitentiaire ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972. Il fait valoir que le Centre Pénitentiaire aurait été créé pour l’incarcération des personnes qui ont été condamnées par une juridiction pénale à une peine privative de liberté ou qui ont été placées en détention provisoire par un juge d’instruction. Il estime que la loi précitée du 28 mars 1972 exclurait que le ministre de la Justice puisse ordonner par simple décision administrative, le placement de personnes autres que celles énumérées ci-avant, dans un Centre Pénitentiaire.

Le demandeur relève finalement qu’il partagerait sa cellule avec un criminel condamné à une lourde peine de prison pour infraction à la loi sur les stupéfiants, ce qui serait inadmissible et qu’il souffrirait gravement du fait de son « assimilation à un délinquant de droit commun ».

Le délégué du gouvernement soutient que les conditions légales justifiant le placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg seraient remplies en l'espèce et il conclut au rejet du recours.

En ce qui concerne le moyen soulevé par le demandeur, tiré d’une absence de motivation de la décision déférée, ainsi que de la décision initiale instituant la mise à disposition à son égard, dans la mesure où celles-ci ne préciseraient pas qu’il existerait un risque de fuite dans son chef, condition indispensable, à son avis, pour justifier la mesure de placement, il échet de constater qu’en l’absence d’une disposition légale instituant une obligation de motivation expresse et exhaustive d’une décision de placement et de sa prorogation subséquente, il suffit, pour que la décision de placement soit valable, que les motifs aient existé au moment où la décision a été prise, quitte à ce que l’administration concernée les produise a posteriori, le cas échéant au cours de la procédure contentieuse seulement.

En l’espèce, s’il est vrai que la décision de placement litigieuse omet de mentionner l’existence d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, le délégué du gouvernement a précisé dans son mémoire en réponse les faits qui établiraient l’existence d’un tel danger dans le chef du demandeur, de sorte que le motif tiré du défaut de motivation n’est pas fondé et doit être rejeté.

Concernant la justification, au fond, de la mesure de placement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l'exécution d'une mesure d'expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l'étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d'un mois.

Il en découle qu'une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d'expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l'impossibilité d'exécuter cette mesure.

Il se dégage du dossier et des renseignements dont dispose le tribunal que le placement de l’intéressé a été basé sur l’impossibilité d’exécuter une mesure de refoulement.

Or, une mesure de refoulement peut être prise, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence, « … « 1. qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage;

2. qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour;

3. auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 [de la loi précitée du 28 mars 1972];

4. qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis;

5. qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2, paragraphe 2 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier administratif que le demandeur ne disposait pas de moyens d’existence personnels suffisants et qu’il n’était pas en possession de documents d’identité valables, de sorte que les conditions justifiant un refoulement se trouvèrent réunies tant au moment de la prise de la mesure de placement initiale en date du 21 décembre 2001 qu’au moment des prorogations de ladite mesure.

La mesure de refoulement à la base de la mesure de placement initiale et de la décision de prorogation entreprise n’est dès lors pas contestable sous ce rapport et le moyen afférent est à écarter.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur était sous le coup d’une décision de refoulement légalement prise et justifiée.

Le demandeur fait encore valoir qu’une mesure de placement n’est légalement admissible que si l’éloignement ne peut être mis à exécution en raison d’une circonstance de fait.

En l’espèce, il est constant que le demandeur n’est pas en possession de documents d’identité permettant son rapatriement vers l’Albanie. Dans la mesure où l’obtention d’un laissez-passer de la part des autorités albanaises ainsi que l’organisation d’un voyage vers Tirana comporte nécessairement un minimum de démarches tenant notamment à la délivrance du prédit laissez-passer, l’introduction d’une demande auprès du corps de la police grand-ducale en vue d’obtenir une escorte, l’organisation du vol et la permission de transit par l’Allemagne, le ministre a valablement pu estimer que l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement à la base de la décision initiale, hypothèse encore vérifiée pour les prorogations subséquentes, dont celle sous analyse, était impossible à la date de la mesure de placement déférée.

Si c’est encore à bon droit que le demandeur fait relever qu’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où il existe dans le chef de la personne qui se trouve sous le coup d’une décision de refoulement, un danger réel qu’elle essaie de se soustraire à la mesure de rapatriement ultérieure, c’est cependant à tort que le demandeur conteste l’existence d’un tel danger dans son chef.

En effet, il échet de relever qu’il ressort des éléments du dossier que nonobstant le fait que le demandeur a été débouté de ses demandes d’asile introduites respectivement au Luxembourg et en Belgique, sous différentes identités et qu’il a été rapatrié à ces occasions par les autorités compétentes, le demandeur persiste à revenir une troisième fois en Europe, au moyen d’une carte d’identité falsifiée pour y séjourner illégalement, de sorte qu’il se dégage de ce comportement que le demandeur n’entend pas retourner dans son pays d’origine. Par ailleurs, le demandeur a refusé de signer le procès-verbal de notification d’une mesure de placement établi en date du 21 décembre 2001, en déclarant qu’il n’était pas disposé à retourner dans son pays. Ainsi, même si dans la suite, à savoir dans sa lettre du 20 février 2002 adressée aux autorités albanaises, il s’est déclaré prêt à retourner de plein gré dans son pays d’origine, il n’en reste pas moins qu’il résulte des développements qui précèdent, qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieur.

L’incarcération dans un centre pénitentiaire d’une personne sous le coup d’une mesure de placement, poursuivie mais non encore condamnée pour une infraction pénale, ne se justifie qu’au cas où cette personne constitue en outre un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics. Une telle mesure est en effet inappropriée dans tous les cas où la personne visée par elle ne remplit pas les conditions précitées et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle se soustraie à son éloignement ultérieur.

En l’espèce, il se dégage du dossier à charge du demandeur qu’il a fait l’objet d’une inculpation du chef des délits suivants : 1) Achat de la carte d’identité italienne n°AB 1745739 (article 199 bis du code pénal), 2) Usage de la carte d’identité italienne qui a fait l’objet d’un faux matériel (article 198 code pénal), 3) Recel de la carte d’identité italienne, qui avait, en tant que document vierge, fait l’objet d’un vol (article 505 code pénal) et 4) vol à l’étalage (articles 461 et 463 du code pénal) et que l’instruction menée en cause a dégagé des charges suffisantes justifiant le renvoi devant une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement. Par ailleurs, le demandeur, après avoir été rapatrié aux frais du gouvernement luxembourgeois dans son pays natal à la suite de la non reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, s’est présenté aux autorités belges sous une fausse identité afin d’y introduire une nouvelle demande d’asile et malgré son rapatriement par les autorités belges, il a néanmoins rejoint à nouveau le Grand-Duché de Luxembourg pour se présenter sous une fausse identité aux autorités luxembourgeoises.

En outre, lors de son séjour illégal au Luxembourg, il s’est rendu coupable d’un vol à l’étalage.

L’ensemble des faits retenus ci-avant caractérise le comportement d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et ce comportement justifie dans les circonstances de l’espèce qu’il soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg afin d’éviter qu’il porte atteinte à la sécurité et à l’ordre publics et pour garantir qu’il soit à la disposition des autorités en vue de son éloignement ultérieur.

En d’autres termes, le Centre Pénitentiaire est à considérer, en l’espèce, comme constituant un établissement approprié tel que visé par l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972. Au vu des éléments qui précèdent, le placement au centre pénitentiaire n'est pas non plus à considérer comme une « mesure disproportionnée », tel que soutenu par le demandeur.

Ce raisonnement n’est pas énervé par l’existence d’une décision juridictionnelle, non versée en cause, ordonnant la mise en liberté provisoire du demandeur, étant donné que le ministre de la Justice est appelé à apprécier dans le cadre de sa propre sphère de compétence le danger que le demandeur représente pour l’ordre public.

Il résulte des développements qui précèdent que les moyens du demandeur pour critiquer la mesure de placement à la base de la décision de reconduction critiquée du 18 février 2002 sont à rejeter.

Le demandeur conteste en outre l’existence d’une nécessité absolue susceptible de justifier la reconduction de la mesure de placement, en reprochant aux autorités étatiques en cause, c’est-à-dire, à la fois aux autorités luxembourgeoises et aux autorités albanaises, de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires en vue de son rapatriement dans un délai raisonnable, de sorte que la mesure de placement ne serait plus justifiée.

Au vœu du paragraphe (2) de l’article 15 précité, « la décision de placement … peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal est partant amené à analyser si le ministre a pu se baser sur les prédites circonstances pour justifier une nécessité absolue rendant la prorogation de la décision de placement inévitable.

Comme retenu ci-avant, le demandeur ne dispose d’aucun document d’identité valable. Le ministre a par ailleurs entamé les démarches nécessaires auprès des autorités albanaises pour obtenir un laissez-passer pour le demandeur. Le ministre a relancé à plusieurs reprises les prédites autorités, mais les autorités luxembourgeoises restent toujours dans l’attente d’une réponse de la part des autorités albanaises.

Or, dans ces conditions, on ne saurait reprocher au ministre compétent de ne pas avoir entrepris les démarches nécessaires afin d’assurer un éloignement de la personne intéressée dans les plus brefs délais. En effet, les lenteurs résultent de l’attitude des autorités du pays du demandeur et elles ne sauraient être imputées aux autorités luxembourgeoises qui ont entrepris les diligences qu’il leur incombait de faire, de sorte qu’à défaut de réponse des autorités albanaises au moment de la prise de la décision querellée et au jour des présentes, la prorogation de la mesure de placement était et reste justifiée au sens de la disposition précitée.

Il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juger et lu à l’audience publique du 18 mars 2002 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14667
Date de la décision : 18/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-18;14667 ?

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