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14/03/2002 | LUXEMBOURG | N°12319

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2002, 12319


Tribunal administratif N° 12319 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2000 Audience publique du 14 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Manternach en présence de Monsieur … et de Madame … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12319 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2000 par Maître F

rançois TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif N° 12319 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2000 Audience publique du 14 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Manternach en présence de Monsieur … et de Madame … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12319 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2000 par Maître François TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, agriculteur, demeurant à L-…., …, …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Manternach du 17 juin 2000 par laquelle l’autorisation de bâtir une étable (Tretmiststall) sur un terrain sis à …, portant le numéro cadastral 7/12 du O.N.R. lui fut refusée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos CALVO, en remplacement de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 19 septembre 2000, portant signification de ce recours à l’administration communale de Manternach ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2000 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Manternach ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 12 décembre 2000, portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2001 par Maître François TURK pour compte de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 10 janvier 2001, portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Manternach ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2001 par Maître Jos STOFFEL pour compte de l’administration communale de Manternach ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 7 février 2001, portant signification de ce mémoire en duplique à Monsieur … ;

Vu la rupture du délibéré ordonnée par le tribunal en date du 19 mars 2001, à la suite de la prise en délibéré de l’affaire à l’audience publique du 14 mars 2001, et l’invitation faite à Monsieur … à signifier son recours aux tiers intéressés … et à déposer ledit acte de signification au greffe du tribunal ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos CALVO, en remplacement de l’huissier de justice Camille FABER, préqualifié, du 26 mars 2001, portant signification du recours à Monsieur …, employé privé, ainsi qu’à son épouse, Madame …, employée privée, les deux demeurant ensemble à L-… …, …, … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2001 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, préqualifiés ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 22 juin 2001, par lesquels le prédit mémoire en réponse a été notifié aux mandataires du demandeur et de l’administration communale de Manternach ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres François TURK, Nicki STOFFEL, en remplacement de Maître Jos STOFFEL ainsi que Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’une demande afférente introduite par Monsieur … auprès du bourgmestre de la commune de Manternach par courrier du 29 janvier 2000, le prédit bourgmestre a informé, à la suite d’un échange de courrier entre parties et d’une lettre de réclamation qui lui a été adressée par courrier du 25 février 2000 par les époux …, par lequel ils déclarent s’opposer formellement à la construction projetée, le mandataire de Monsieur …, par courrier du 17 juin 2000, de ce que l’autorisation sollicitée en vue de construire une étable (Tretmiststall) sur un terrain sis à …, inscrit sous le numéro cadastral 7/12 du O.N.R. est refusée « au motif que l’implantation de l’étable projetée n’est pas conforme aux dispositions de l’article 4.2 combinées aux dispositions de l’article 12 [du] règlement sur les bâtisses ». Ladite décision du bourgmestre de la commune de Manternach indique encore ce qui suit : « D’après l’article 4.2 les constructions sont implantées dans une bande de 15 mètres de profondeur parallèle et distante de 5 mètres de l’alignement de la rue. Or, d’après l’article 12.1 les alignements sont fixés par rapport à l’axe de la rue et doivent être observés lors de toute construction, reconstruction ou transformation augmentant le volume de l’immeuble.

D’après l’article 12.2 les alignements sont distants de 10 mètres pour les chemins vicinaux.

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’étable projetée doit être implantée dans une bande de 15 mètres distante de 10 mètres du milieu de la chaussée.

Or, l’implantation est située en dehors de cette bande de 15 mètres de telle sorte que l’autorisation ne peut être accordée.

Dans la mesure où [Monsieur … invoque] l’article 4.9 [du] règlement des bâtisses cet article prévoit une simple faculté de dépassement de la bande de 15 mètres.

C’est en raison d’impérieuses considérations de salubrité par rapport aux voisins que [le bourgmestre n’entend] pas faire usage de cette dérogation ».

Il ressort encore d’un courrier du 22 mai 2000 adressé par l’administration des services techniques de l’agriculture, dénommée ci-après l’« ASTA », en sa qualité d’auteur des plans et des études techniques se trouvant à la base du projet de construction de l’étable telle qu’envisagée par Monsieur …, qu’il s’agirait en l’espèce d’une étable pour vaches allaitantes avec veaux et jeune bétail d’une capacité de 80 bêtes et que l’investissement en question avait été projeté « afin de pouvoir libérer des étables vétustes non conformes en ce qui concerne les conditions de travail et le bien-être des animaux, et de pouvoir affecter le hall polyvalent, utilisé provisoirement en partie comme étable, totalement au stockage de paille, de foin et à l’entrepôt des machines agricoles.

La capacité totale de l’exploitation sera augmentée d’une quarantaine de bovins ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 septembre 2000, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du bourgmestre de la commune de Manternach du 17 juin 2000.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, c’est à bon droit que tant l’administration communale de Manternach que les époux … concluent à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours principal en réformation.

En ce qui concerne le recours en annulation introduit à titre subsidiaire, l’administration communale de Manternach se rapporte à prudence de justice quant à sa recevabilité et les époux …, tout en se rapportant également à prudence de justice quant à la recevabilité du même recours, s’interrogent sur l’incidence de la signification du recours aux parties tierces intéressées en dehors du délai légal.

C’est à bon droit que le demandeur a fait exposer au cours des plaidoiries que l’obligation de signifier un recours dans le mois du dépôt de celui-ci au greffe du tribunal administratif, à peine de caducité du recours, ne s’applique, au vœu de l’article 4, paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, qu’à la signification à faire à la partie défenderesse, auteur de la décision litigieuse. Par ailleurs, le paragraphe (4) du même article dispose qu’ « en cas de défaut de signification aux tiers intéressés, le tribunal ordonne leur mise en intervention ». En l’espèce, tel a été le cas, étant donné que comme le demandeur avait omis de signifier son recours aux époux …, tout en sachant que ceux-ci avaient un intérêt direct à l’issue du présent litige, le tribunal a ordonné la mise en intervention de ceux-ci à l’occasion de la rupture du délibéré ordonnée en date du 19 mars 2001. Comme ladite disposition légale ne comporte aucune indication quant au délai dans lequel ladite signification doit être faite, afin d’assurer la mise en intervention de tiers intéressés, il ne saurait en être tiré aucune irrecevabilité.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur soutient que le bourgmestre de la commune de Manternach se serait à tort basé sur les dispositions des articles 4.2 et de l’article 12 du règlement sur les bâtisses de la commune de Manternach pour refuser la construction de l’étable litigieuse, au motif que celle-ci ne serait pas implantée dans une bande de 15 mètres de profondeur parallèle et distante de 10 mètres de l’alignement de la rue, alors que l’article 4.9 du même règlement sur les bâtisses autoriserait expressément le dépassement de cette bande de construction aux deux seules conditions cumulatives que des reculs latéraux et postérieurs d’au moins 3 mètres soient respectés, ce qui serait manifestement le cas en l’espèce. Il conteste par ailleurs que le prédit article 4.9 du règlement sur les bâtisses prévoirait une simple faculté d’autorisation d’un dépassement de la bande de 15 mètres précitée, en soutenant au contraire qu’à partir du moment où les deux seules conditions de la disposition réglementaire précitée seraient remplies, le bourgmestre serait dans l’obligation d’accorder la dérogation y prévue.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de Manternach fait exposer que d’après son interprétation des articles afférents du règlement sur les bâtisses, l’intégralité de la construction envisagée par Monsieur … devrait se trouver à l’intérieur d’une bande de construction « d’une largeur » de 15 mètres. Or, d’après les plans annexés à la demande d’autorisation, la construction du bâtiment agricole tel qu’envisagé par Monsieur … serait beaucoup plus grande et elle excèderait de par son gabarit la bande de 15 mètres « et ceci de tous les côtés, donc tant de par sa largeur que par sa longueur ».

Elle conclut de ce fait au bien-fondé du refus de délivrance de l’autorisation de construire afférente, tel que décidé par le bourgmestre de la commune de Manternach en date du 17 juin 2000, d’autant plus que l’article 12.3 du même règlement sur les bâtisses autoriserait expressément le bourgmestre à déroger aux dispositions des articles 4 et 12 précités « pour des raisons économiques, de sécurité ou d’adaptation à une situation existante », ce qui serait manifestement le cas en l’espèce, puisque la construction projetée par Monsieur … serait érigée « directement » derrière une maison d’habitation, à savoir celle appartenant aux époux …, de sorte que le « conseil communal » aurait légitimement pu exiger le respect d’une autre distance d’alignement que celle résultant de l’application des dispositions réglementaires précitées. Par ailleurs, le bourgmestre de la commune de Manternach aurait valablement pu prendre sa décision de refus en se référant à ses compétences en matière du maintien de la sécurité, de la salubrité et de l’ordre publics, dans le cadre de son pouvoir de police générale, afin d’éviter qu’une étable, partiellement ouverte, ne soit construite à une distance d’environ 8 mètres de la maison précitée des époux … entraînant ainsi une détérioration de la qualité de vie des personnes habitant dans cette maison. Dans ce contexte, l’administration communale fait valoir que la construction projetée, de par son gabarit, de sa hauteur, de son volume et des nuisances que son exploitation serait susceptible d’entraîner, porterait atteinte à l’ensoleillement du terrain des voisins …, de sorte à entraîner pour eux une « nuisance esthétique certaine », d’autant plus qu’ils auraient une vue directe sur l’immeuble en question.

Enfin, la commune de Manternach soulève encore un motif de refus, non indiqué dans la décision critiquée, qui se serait trouvé à la base de celle-ci, tiré de l’absence de signature par Monsieur … des plans déposés par lui à l’appui à sa demande en autorisation de construire.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conclut à l’inapplicabilité de l’article 12.3 du règlement sur les bâtisses invoqué par l’administration communale de Manternach afin de justifier la décision sous analyse du 17 juin 2000, en exposant que ladite disposition réglementaire prévoirait exclusivement des dérogations quant aux alignements, qui ne feraient pas l’objet de la décision litigieuse, et non pas des dérogations quant à l’implantation des constructions dans une bande de 15 mètres de profondeur. Pour le surplus, il soutient que contrairement à l’exigence posée par le prédit article 12.3, le conseil communal de la commune de Manternach n’aurait jamais pris une décision préalable à la décision litigieuse quant à une dérogation à prévoir au titre des alignements voire aux bandes de constructibilité.

Il conteste encore que la construction projetée serait susceptible de porter atteinte à la sécurité, à la salubrité ou à l’ordre publics, en expliquant que l’exploitation d’une étable telle que projetée par lui, connue sous la dénomination de « Tretmiststall » pour bovins, n’émettrait ni des odeurs ni des bruits désagréables et que même au cas où cette hypothèse serait vérifiée, une telle situation ne constituerait pas un motif suffisant pour refuser l’autorisation de construire l’étable en question dans un village rural dans lequel seraient encore actuellement exploitées plusieurs exploitations agricoles. Il soutient dans ce contexte que l’étable en question serait fermée du côté donnant sur la propriété des voisins … et ne serait ouverte que du côté opposé, de sorte à ce que toute atteinte éventuelle à la salubrité publique par rapport à ses voisins serait exclue. Dans ce contexte, il conteste encore le fait que l’étable serait projetée à une distance d’environ 8 mètres de la maison d’habitation des époux …, en soutenant qu’au contraire cette distance comporterait 20 mètres au moins, en ajoutant que du côté de la prédite maison, l’étable serait posée « sous terre » sur une hauteur de 2 mètres et demi environ, de sorte à ce que la hauteur dépassant le niveau du sol naturel, du côté du voisin précité, serait d’environ 1,75 mètres, la prédite « faible » hauteur excluant de ce fait qu’il n’y aurait aucune atteinte à l’ensoleillement ni de la maison d’habitation des époux … ni de leur terrain se trouvant à l’arrière de leur maison d’habitation. Par ailleurs, tout préjudice esthétique serait à exclure, dans la mesure où la partie de la façade de l’étable donnant sur la maison … serait recouverte d’une décoration en bois s’intégrant dans le milieu naturel. Pour le surplus, il conteste le pouvoir du bourgmestre de refuser une autorisation de construire pour des motifs esthétiques ou d’insuffisance d’ensoleillement de la propriété d’un voisin.

Le demandeur expose, quant à la prétendue absence de signature des plans déposés par lui, que ce motif de refus d’émission de l’autorisation de construire ne serait pas justifié, au motif, d’une part, que comme ce prétendu manquement n’aurait pas été indiqué dans la décision litigieuse, le bourgmestre ne pourrait plus s’en prévaloir au cours de l’instance contentieuse, d’autre part, que l’administration aurait dû l’informer de ce prétendu caractère incomplet de son dossier afin de lui permettre de le régulariser, de troisième part, qu’en date du 8 janvier 2001, l’administration communale aurait refusé l’apposition de sa signature sur les plans litigieux, à un moment où il avait l’intention de régulariser, pour autant que de besoin, un prétendu manquement de sa part et, de quatrième part, que le règlement sur les bâtisses n’exigerait pas la signature des plans par une personne souhaitant se voir délivrer une autorisation de construire.

Dans son mémoire en duplique, l’administration communale de Manternach estime, en ce qui concerne l’applicabilité de l’article 4.9 du règlement sur les bâtisses, d’une part, que la dérogation accordée par ladite disposition réglementaire serait laissée à l’entière appréciation soit du conseil communal soit du bourgmestre et, d’autre part, que les conditions relatives aux reculs de 3 mètres ne seraient pas respectées en l’espèce.

Elle entend encore justifier le bien-fondé de la décision du bourgmestre de la commune de Manternach par le défaut pour le demandeur de rapporter la preuve que les plans soumis au bourgmestre en vue de leur approbation sont conformes aux directives de l’ASTA, tel que cela serait exigé par l’article 38.1 du règlement sur les bâtisses.

L’administration communale conteste encore que l’étable projetée soit fermée du côté des voisins … et qu’elle soit aménagée en partie en sous-sol, en ajoutant que ladite étable « causera inévitablement des nuisances aux voisins », de sorte que le bourgmestre a pu refuser l’autorisation de construire sollicitée sur base de l’article 12.3.3 du règlement sur les bâtisses. Dans ce contexte, elle est d’avis que dans la mesure où l’article 12 du règlement sur les bâtisses prévoit des dérogations quant aux alignements, ladite disposition réglementaire prévoirait nécessairement également des dérogations quant à l’implantation des constructions.

Dans le cadre de la motivation que la commune pourrait apporter en cours d’instance, sans qu’elle y soit indiquée de manière expresse, la commune de Manternach énumère un certain nombre de données qui ne figureraient pas sur les pièces versées par le demandeur à l’appui de sa demande en autorisation de construire. Ainsi, les plans déposés à l’administration communale à l’appui de sa demande en autorisation ne renseigneraient pas sur la distance effective entre le « Tretmiststall » et la maison des époux …, sur l’emplacement exact de la partie de l’étable se trouvant sous terre, sur le caractère fermé de l’étable du côté des voisins et sur le recouvrement de l’étable du côté de ceux-ci. Elle estime de ce fait qu’il y aurait lieu d’enjoindre au demandeur de verser des pièces supplémentaires comprenant les indications qui feraient prétendument défaut, afin que le demandeur puisse notamment établir la conformité de son projet à l’article 38.2 du règlement sur les bâtisses, alors qu’à son avis « le sol de la construction projetée [serait] tel qu’un écoulement de purin ou de lisier [serait] impossible ».

Enfin, l’administration communale de Manternach invoque à titre de motivation complémentaire le fait que le demandeur n’aurait pas joint à sa demande toutes les pièces nécessaires requises en vertu de l’article 57.2 du règlement sur les bâtisses et qu’il manquerait le plan-masse indiquant les courbes de niveau, les écarts par rapport aux constructions et aux limites, les accès et les volumes bâtis avec indication du gabarit envisagé. En outre, le mode de construction n’aurait pas été détaillé sur les pièces versées, et la commune rappelle dans ce contexte que les plans déposés par le demandeur n’auraient pas été signés par lui et qu’il n’appartiendrait pas à la commune de compléter les dossiers de demande d’autorisation.

Dans leur mémoire en réponse, les tiers intéressés … estiment que le projet d’installation de l’étable litigieuse contreviendrait à l’article 4.1 du plan d’aménagement général de la commune de Manternach, dénommé ci-après le « PAG », intitulé « règlement sur les bâtisses » par les autres parties à l’instance, en ce que l’étable du demandeur ne constituerait ni un édifice ni un aménagement servant les besoins propres du secteur d’habitation et qu’elle gênerait manifestement l’habitat de par les nuisances engendrées.

En se basant sur les plans remis par le demandeur à l’appui de sa demande en autorisation de construire, les tiers intéressés … font encore état de ce que l’étable projetée serait située en dehors de la bande d’implantation de 15 mètres, distante de 10 mètres de l’alignement du chemin vicinal, de sorte que l’article 4.9 du PAG ne pourrait pas trouver application en l’espèce, alors qu’il ne permettrait au bourgmestre d’accorder des dérogations qu’en cas de dépassement de ladite bande d’implantation et non pas au sujet d’une construction qui serait située totalement en dehors de cette bande. Par ailleurs, tout comme la commune de Manternach, ils estiment que l’article 4.9 précité prévoirait une simple faculté accordée au bourgmestre pour autoriser un dépassement de la bande d’implantation, mais qu’aucune obligation d’agir dans un certain sens ne saurait en être tiré.

Les époux … se rapportent encore à prudence de justice quant au respect de l’article 4.3 combiné avec l’article 13 du PAG, en ce que les plans versés en cause ne permettraient pas de déterminer la hauteur de l’étable par rapport à l’axe de la rue desservante.

Ils concluent par ailleurs à la violation de l’article 4.8 du PAG, en ce que ni la façade, ni les matériaux à employer ne seraient en harmonie avec la caractère du quartier.

Ils reprochent en outre aux plans de construction de ne pas contenir des renseignements clairs et précis sur l’envergure des remblais ou des déblais à effectuer dans le cadre de la réalisation de la construction. De ce fait, les plans seraient contraires à l’article 17.1 du PAG et partant le bourgmestre aurait à bon droit pu refuser l’autorisation de construire sollicitée.

Enfin, les tiers intéressés déclarent se rallier aux différents mémoires versés par l’administration communale de Manternach, en concluant notamment à une violation de l’article 38.5 du PAG, en invoquant les mêmes arguments que ceux développés par la commune. Ils concluent au non-fondé du recours en demandant au tribunal de confirmer, le cas échéant par substitution de motifs, la décision attaquée.

Au cours de ses plaidoiries, le mandataire du demandeur, en réponse au motif complémentaire tiré de la violation de l’article 4.1 du PAG, invoqué par les tiers intéressés dans leur mémoire en réponse, a conclu à la conformité de la destination du projet par rapport à ladite disposition réglementaire, en soutenant que l’étable en question ne gênerait pas l’habitat, dans la mesure où, suivant les dispositions légales et réglementaires applicables en matière de la réglementation sur les établissements classés, cet établissement figurerait sous la classe 4, applicable aux étables devant héberger entre 20 et 200 bovins, qui devra être construit à une distance minimum de 10 mètres des habitations. Il en conclut qu’au-delà de la distance ainsi fixée par cette réglementation spéciale, une telle étable ne pourrait plus constituer une gène pour l’habitat.

En ce qui concerne la prétendue violation de l’article 4.9 du PAG, telle que soulevée par les tiers intéressés, le demandeur soutient à titre principal que son étable serait en partie située dans la bande de constructibilité et que même au cas où elle serait située intégralement à l’extérieur de cette bande, il n’y aurait pas pour autant violation de la disposition réglementaire précitée, alors que celle-ci serait susceptible de s’appliquer également aux constructions situées totalement en dehors de la bande de constructibilité.

Au cours des plaidoiries, le mandataire de la commune de Manternach s’est rallié aux développements des tiers intéressés en estimant à son tour que la construction serait située tout à fait en dehors de la zone de constructibilité et que la notion de « dépassement » ne viserait que les constructions qui seraient au moins partiellement situées dans cette zone, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il échet tout d’abord de relever qu’il est constant en cause que le terrain sur lequel est projetée la construction litigieuse est situé dans un secteur d’habitation mixte et que le chemin qui longe le prédit terrain constitue un chemin vicinal. Il est de même constant que la construction projetée constitue un édifice agricole.

Il échet de constater qu’à part les motifs de refus expressément indiqués dans la décision litigieuse, à la fois l’administration communale de Manternach et les tiers intéressés … ont apporté en cours d’instance des motifs complémentaires qui permettraient, d’après eux, de justifier le refus du permis de construire sollicité par le demandeur. Il échet encore de constater que non seulement des motifs complémentaires ont été apportés par l’auteur de la décision litigieuse, à savoir l’administration communale de Manternach, au cours de la procédure contentieuse, mais que d’autres motifs de refus ont été invoqués par les tiers intéressés voire sont susceptibles de se dégager des éléments du dossier.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif n’est pas obligé de se limiter aux motifs justifiant la décision litigieuse, tels qu’indiqués expressément dans celle-ci ou soumis au tribunal au cours de la phase contentieuse, à titre complémentaire, par le mandataire de l’auteur de la décision en question, mais il doit analyser également ceux qui se dégagent de la loi ou des éléments du dossier et qui sont susceptibles de justifier la décision en question. Ainsi, il a le pouvoir de substituer aux motifs indiqués dans la décision litigieuse des motifs légaux qui la justifient et qui se dégagent de la loi ou des éléments du dossier (cf. trib. adm. 10 janvier 1997, n° 9755 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure administrative non contentieuse, IV, Motivation de la décision administrative, n° 38, p. 336 et autres références y citées).

Par ailleurs, le juge administratif n’est pas obligé de respecter l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties à l’instance et, en ce qui concerne les motifs susceptibles de justifier la décision litigieuse, il est libre d’analyser d’abord le motif susceptible de justifier la décision sous analyse, même s’il n’a pas été expressément indiqué dans la décision en question ni apporté en cours d’instance par le mandataire de l’auteur de la décision litigieuse, mais qu’il ressort au contraire d’autres éléments du dossier, à savoir, en l’espèce, du mémoire en réponse des tiers intéressés.

Ceci dit, il convient d’analyser en premier lieu le motif tiré de l’inapplicabilité de l’article 4.9 du PAG qui serait le cas échéant de nature à déroger à la bande d’implantation prévue pour les constructions, telle que fixée par les articles 4.2 et 12 du PAG, en ce que l’implantation de la construction projetée par Monsieur … ne dépasserait pas ladite bande mais serait située totalement en dehors de celle-ci.

En vertu de l’article 4.2 du PAG « les constructions sont implantées dans une bande de 15 mètres de profondeur parallèle et distante de 5 mètres de l’alignement de la rue ». Par ailleurs, au vœu de l’article 12.2 du même PAG, la distance des alignements est de 10 mètres pour les chemins vicinaux.

En l’espèce, comme le chemin qui longe la propriété du demandeur constitue un chemin vicinal, la bande d’implantation des constructions en zone d’habitation mixte, fixée à 15 mètres de profondeur, commence à une distance de 10 mètres de la rue.

En l’espèce, il ressort des plans soumis au tribunal par les parties à l’instance, et notamment du « Lageplan » ainsi que d’un plan d’implantation de la nouvelle construction projetée, tel qu’établi par l’ASTA en date du 19 janvier 2000, que l’étable projetée par Monsieur … sera implantée de manière à ce que la partie de la construction la plus proche de la rue se situe à 35 mètres de celle-ci.

Il ressort encore des pièces et éléments du dossier et notamment des mémoires déposés au nom du demandeur que celui-ci entend tirer profit de l’article 4.9 du PAG, qui dispose que « les édifices agricoles, commerciaux, administratifs, culturels et récréatifs, et toutes constructions analogues pourront dépasser la bande de 15 mètres à condition de respecter des reculs latéraux et postérieurs d’au moins 3 mètres », pour justifier son droit à obtenir une dérogation par rapport aux règles se dégageant des articles 4.2 et 12.2 précités, en arguant encore que les conditions posées par l’article 4.9 seraient remplies en l’espèce.

Le tribunal relève en premier lieu qu’il n’est pas contesté que la construction projetée ne sera pas située dans la bande de construction distante de l’alignement de la rue de 10 mètres et ayant une profondeur de 15 mètres, telle que fixée par les articles 4.2 et 12.2 du PAG, alors que la partie de la construction projetée se situant à l’endroit le plus rapproché de la rue est distante de 35 mètres de celle-ci.

Il convient ensuite de déterminer le champ d’application de la dérogation susceptible d’être accordée par le bourgmestre, invoquée par le demandeur, qui se base à cet effet sur l’article 4.9 précité.

Il se dégage de la lecture de l’article 4.9 en question qu’il ne vise pas l’implantation d’un immeuble en dehors de la bande de construction admissible, mais qu’il vise uniquement les cas de dépassement de cette bande. Le texte de cet article est clair à ce sujet, le terme « dépassé » dans le sens « édifice qui dépasse l’alignement » étant synonyme de débordement, et le texte ne saurait souffrir d’une interprétation extensive dans le sens qu’il devrait autoriser une construction intégralement implantée en dehors de la bande de construction. En effet, ledit article qui contient des dispositions d’exception, est d’interprétation stricte.

En l’espèce, il n’est pas contesté, comme ressortant par ailleurs des pièces et éléments du dossier, que la construction litigieuse est projetée à une distance d’environ 35 mètres de l’alignement de la rue, de sorte que la construction projetée ne rentrera pas dans la bande de construction admissible, telle que définie pour la zone d’habitation mixte, comme étant parallèle à l’alignement des rues est distante de 10 mètres de celle-ci, avec une profondeur de 15 mètres. Il est dès lors établi que la construction litigieuse ne dépassera pas la bande de construction, mais qu’elle sera tout simplement située en dehors de cette bande, de sorte que la possibilité dérogatoire prévue par l’article 4.9 n’est pas applicable au cas d’espèce.

Il suit des considérations qui précèdent que par substitution de motifs, la décision du bourgmestre se trouve légalement justifiée sans qu’il n’y ait lieu de prendre position par rapport aux autres motifs invoqués à l’appui de la décision litigieuse et aux moyens y afférents, tels que développés par le demandeur.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé, sans qu’il n’y ait par ailleurs lieu de faire droit à la mesure d’instruction proposée par l’administration communale de Manternach dans son mémoire en duplique, et tendant à l’audition en tant que témoins des époux …, auxquels le recours a été signifié par la suite, sur instruction du tribunal administratif, étant donné que ladite mesure d’instruction, qui tend à établir le bien-fondé de la décision litigieuse, n’est pas pertinente, en ce que celle-

ci se justifie déjà par le motif retenu ci-avant.

Enfin, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 35.000.- francs, formulée sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, par l’administration communale de Manternach, qui, bien que basée erronément sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, est en réalité basée sur l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

rejette la demande tendant à l’institution d’une mesure d’instruction ayant pour objet d’entendre les époux … en tant que témoins ;

déclare le recours en annulation non fondé, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 14 mars 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12319
Date de la décision : 14/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-14;12319 ?

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