La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2002 | LUXEMBOURG | N°13843

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mars 2002, 13843


Tribunal administratif N° 13843 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2001 Audience publique du 13 mars 2002

===============================

Recours formé par la société anonyme … S.A.

et la société en commandite par actions … s.à r.l. et Cie S.c.a.

contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13843 du rôle et déposée le 8 août 20

01 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av...

Tribunal administratif N° 13843 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2001 Audience publique du 13 mars 2002

===============================

Recours formé par la société anonyme … S.A.

et la société en commandite par actions … s.à r.l. et Cie S.c.a.

contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13843 du rôle et déposée le 8 août 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 2. la société en commandite par actions … s.à r.l. et Cie S.c.a., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son associé commandité la société à responsabilité limitée … s.à r.l., elle-même représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 2 juillet 2001, portant autorisation d’aménager et d’exploiter un supermarché sis à L-…, dans la double mesure où cette autorisation a imposé au point III 7) que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirectes et au point VI 2) des niveaux de bruit de 60 dB(A)Leq pendant le jour et de 45 dB(A)Leq pendant la nuit ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2001 ;

Vu la requête en prorogation du délai pour répondre déposée par Maître Jean MEDERNACH au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2002 par Maître Jean MEDERNACH au nom des demandeurs préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 février 2002.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 7 août 2000, le bureau d’ingénieurs-conseils Energie et Environnement S.A. introduisit pour compte de l’établissement …, succursale de la société anonyme … S.A., préqualifiée, auprès de l’administration de l’Environnement une demande de régularisation respectivement d’autorisation pour l’exploitation d’un supermarché fonctionnant sous l’enseigne « … », situé à L-…, sur base de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, avec dossier annexé.

Par courrier du 24 août 2000, l’administration de l’Environnement pria le bureau d’ingénieurs-conseils Energie et Environnement S.A. de compléter le dossier et rendit attentif au fait que conformément à l’article 13 de ladite loi du 10 juin 1999, l’autorité ministérielle « doit fixer des conditions qui ont pour objet de réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements, de protéger l’environnement humain et naturel et de promouvoir un développement durable, ceci en tenant compte des meilleurs techniques disponibles », tout en informant que l’alimentation en froid des meubles frigorifiques, des meubles surgelés et des chambres froides, devant s’effectuer d’après la demande par circuit direct à partir des groupes centralisés, ne correspondrait en aucun cas aux critères du prédit article 13.

Par courrier du 13 février 2001, la direction de la société …S.A. adressa à l’Administration de l’Environnement une prise de position relative au choix pour l’alimentation en froid des meubles frigorifiques, des meubles surgelés et des chambres froides par circuit direct. A ce courrier fut annexée une analyse technique de la société … S.A., faisant partie du groupe …, de laquelle il ressortirait qu’une installation par circuit direct permettrait de réduire la performance froid et la quantité totale des fluides frigorifiques, de même que la consommation en énergie, ce qui aurait pour conséquence de minimiser le rejet de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Dans ce courrier, la direction …précisa encore que l’installation du refroidisseur nécessaire pour le système du circuit indirect n’aurait pas été techniquement possible dans les locaux disponibles et que par ailleurs le groupe …aurait réalisé un investissement considérable de l’ordre de 38.000.000.- LUF.

Suivant courrier du 3 mai 2001, l’Administration de l’Environnement informa le bureau d’ingénieurs-conseils Energie et Environnement S.A. que le dossier de demande commodo et incommodo serait à considérer comme complet concernant les aspects de la protection de l’environnement et concernant les aspects de sécurité, de santé et d’hygiène sur le lieu de travail de sorte à être continué à l’administration communale d’…. Pour le surplus, l’Administration de l’Environnement insista une nouvelle fois sur le fait qu’à ses yeux une alimentation en froid par circuit direct ne correspondrait en aucun cas aux critères des meilleures techniques disponibles et qu’elle proposerait au ministre de l’Environnement de délivrer son autorisation en tenant compte des critères précités.

Par décision du 2 juillet 2001 à l’adresse de la société Energie et Environnement S.A. pour compte de « la s. à r.l … et de la s.c.a. Cie » (sic), boîte postale 36, L-8005 Bertrange, le ministre de l’Environnement autorisa l’exploitation d’un supermarché sis à L-…, pour un magasin pour la vente au détail, du type supermarché, d’une superficie totale de 1.515 m2 tout en imposant au point III 7) « protection de l’air » que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirectes, et au point VI 2) « lutte contre le bruit » des niveaux de bruit de 60 dB(A)Leq pendant le jour et de 45 dB(A)Leq pendant la nuit.

Par requête déposée le 8 août 2001, la société anonyme … S.A. et la société en commandite par actions … s. à r.l. et Cie S.c.a. ont introduit un recours en réformation contre l’arrêté ministériel précité du 2 juillet 2001.

En vertu de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 précitée, le tribunal administratif a compétence pour statuer comme juge du fond en matière de recours dirigés contre les décisions portant autorisation conditionnelle pour des établissements de la classe I. L’établissement faisant l’objet de la demande introduite auprès de l’administration de l’Environnement par lettre précitée du 7 août 2000, étant à ranger, conformément à l’article 5 de la loi précitée du 10 juin 1999 sous la classe I, seul un recours en réformation a pu être introduit auprès du tribunal administratif. Le tribunal administratif est partant compétent pour connaître du recours en réformation.

En ce qui concerne l’intérêt à agir des parties demanderesses, il appert que la société anonyme … S.A. en tant qu’exploitant de l’établissement autorisé, fait non contesté, a un intérêt évident à attaquer l’autorisation litigieuse. La société en commandite par actions … s. à r.l. et Cie s.c.a., en tant que destinataire direct de l’arrêté ministériel du 2 juillet 2001, même si ledit arrêté mentionne, suite à une erreur purement matérielle, une société « s. à r.l. … et de la s.c.a. Cie » justifie également d’un intérêt direct lui permettant d’attaquer la décision litigieuse.

Il résulte des développements qui précèdent que les deux sociétés demanderesses justifient, chacune en ce qui la concerne, d’un intérêt suffisant à agir.

Le recours en réformation, introduit par ailleurs suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Quant au fond, les parties demanderesses font tout d’abord valoir que les fluides réfrigérants utilisés et plus particulièrement le R134A et le R404A, qui font partie de la famille des hydrofluorocarbones, ne seraient pas interdits par la réglementation applicable – à savoir la Convention de Vienne du 22 mars 1985 pour la protection de la couche d’ozone, le Protocole de Montréal du 16 septembre 1987, tel qu’amendé et ajusté, le Règlement (CE) n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone – qui n’imposerait par ailleurs ni l’utilisation d’une substance déterminée, ni une technique particulière, de sorte que le ministre de l’Environnement, dont le pouvoir en la matière ne serait pas discrétionnaire, en imposant un système de refroidissement par circuit indirect, aurait commis un excès de pouvoir.

D’après le délégué du Gouvernement, le pouvoir de police administrative du ministre dans le cadre de la législation sur les établissements classés comporterait nécessairement le pouvoir de décider de l’utilisation ou de l’interdiction d’un certain procédé ou d’une certaine substance, indépendamment de l’existence de toute réglementation et ceci afin de garantir les objectifs de la prédite législation. Tout comme l’absence de législation ne ferait pas obstacle à la fixation de conditions d’aménagement et d’exploitation pour assurer une protection efficace des intérêts visés par la législation sur les établissements classés, le ministre aurait de même le pouvoir de fixer des normes plus sévères que celles prévues par une réglementation existante afin de protéger au mieux les intérêts visés par la législation sur les établissements classés.

Les parties demanderesses estiment encore que le ministre de l’Environnement aurait fait une mauvaise application de la prédite loi du 10 juin 1999 en faisant référence uniquement au critère de « meilleures techniques disponibles » sans avoir eu égard au critère de l’« absence de coûts excessifs », alors que les deux critères inscrits à l’article 13.1. de la loi sur les établissements classés devraient nécessairement être appréciés ensemble.

Les parties demanderesses font ajouter, en se basant sur un rapport daté du 6 février 2001 de la société … S.A., qu’il conviendrait de constater de prime abord une amélioration très nette au niveau de la consommation d’énergie électrique et de la quantité de nocivité des substances réfrigérantes obtenue par le remplacement de l’installation existante. D’autre part, toujours en se basant sur le même rapport …, les demanderesses estiment qu’une installation de refroidissement par circuit indirect serait moins efficace en matière de production de froid, nécessiterait une consommation d’énergie électrique accrue, constituerait un équipement plus complexe à installer et à entretenir, consommerait davantage en matières premières tout en n’apportant aucune amélioration du point de vue de la protection de l’environnement, faisant notamment référence au passage suivant de ce rapport … :

« im Normal- und Tiefkühlbereich ergibt sich dadurch eine Verschlechterung des Leistungsfaktors (COP) der Kältemaschinen, sowie eine Verschlechterung des Leistungsfaktors durch zusätzlichen Energieverbrauch der Kälteträgerpumpen. Der Leistungsfaktor von COP = 2,68 bei Direktverdampfung wird auf 2,04 bei einer Kälteträgeranlage sinken. Dadurch ist ebenfalls mit einem höheren Energieverbrauch zu rechnen.

Zusätzliche Investitionskosten entstehen, durch zusätzlich zu liefernde Anlagenteile wie Wärmetauscher, Kälteträgerpumpen, vergrössertes Rohrnetz, Puffer, höheren Isolieraufwand und Kälteträger. Die Verdichter werden bei gleicher Kälteleistung um eine Baueinheit grösser.

Die Investitionsmehrkosten für eine Kälteträgeranlage mit Kältemittel R134A und R404A belaufen sich auf LUF 6.387.379.- ».

A cela s’ajouterait que la configuration des lieux ne permettrait pas des équipements supplémentaires nécessaires pour l’installation d’un système indirect, et que l’accord du propriétaire des lieux serait nécessaire pour effectuer ces transformations qui engendreraient des coûts excessifs.

Les demanderesses font encore ajouter, en se basant sur un rapport d’expertise établi au mois de juillet 2001 par le « Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen » que le système de circuit direct serait encore avantageux par rapport à l’impact environnemental total et plus particulièrement en relation avec l’émission de gaz à effet de serre. Ce faisant, les parties demanderesses se réfèrent à une méthode de calcul appelée « TEWI »(Total Equivalent Warning Impact) qui serait internationalement reconnue et appliquée. Dans son rapport, le Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen écrit notamment ce qui suit : « Die Berechnungen des jährlichen TEWI für die Kälteanlagen im Supermarkt …in Ettelbrück zeigen, dass die Direktverdampfungssysteme jeweils ein geringeren Treibhauseffekt aufweisen, als die indirekten Systeme mit Solekreislauf. Bei der Normalkühlung mit Direktverdampfung beträgt die Differenz 9.934 kg CO2 pro Jahr zum indirekten System, bei der Tiefkühlung 3.125 kg CO2 pro Jahr. Die Direktverdampfungssysteme, wie sie im Supermarkt …realisiert wurden, weisen eine geringe Umweltbeeinflussung durch verminderten Ausstoss von CO2 auf, und sind aus ökolgischer Sicht zu bevorzugen ».

Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement insiste d’abord sur la base légale de la notion de « meilleures techniques disponibles » et met en avant les considérations à prendre en compte lors de la détermination de ces techniques. Le représentant étatique cite encore pour mémoire la loi modifiée du 17 juin 1994 relative à la prévention et la gestion des déchets, tout en insistant sur la réduction des charges de fluides réfrigérants qui seraient à considérer comme déchets dangereux et dont l’utilisation dans un système indirect de production de froid serait moindre.

Le représentant étatique critique ensuite le rapport d’expertise établi par le « Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen » estimant que les données déterminant le facteur TEWI seraient aléatoires et changeraient en fonction de chaque type d’installation de production de froid. Dans ce contexte, le délégué du Gouvernement se base sur un rapport daté au 13 juillet 2000 de la société … S.A., ayant trait à une étude similaire pour le supermarché « …Bettembourg », duquel l’aléa du facteur TEWI ressortirait clairement. En changeant certains paramètres, l’indice TEWI changerait sensiblement. Ainsi le délégué du Gouvernement d’affirmer qu’en prenant 4.000 heures de fonctionnement pour les installations de production de froid, on s’apercevrait que l’indice TEWI est meilleur pour un système indirect que pour un système direct pour le froid négatif, de sorte que la conclusion avancée par le « Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen » ne serait pas juste.

Le délégué du Gouvernement fait encore ajouter qu’à côté du facteur TEWI il faudrait encore considérer d’autres paramètres, à savoir la consommation d’énergie pour la production du fluide réfrigérant, la consommation d’énergie pour l’élimination des fluides réfrigérants à détruire à la mise hors service des installations de production de froid, le fonctionnement anormal de l’installation de production de froid durant son exploitation et le risque d’évaporation du fluide réfrigérant vers l’atmosphère en cas de fuite, ce qui démontrerait qu’il est avantageux d’installer des installations de production de froid utilisant le moins possible de fluide réfrigérant ce qui serait le cas pour des systèmes indirects de production de froid. Afin de prévenir à tout fonctionnement anormal d’une installation de production de froid, il faudrait installer un système compact avec le moins de tuyauteries possible contenant du fluide réfrigérant, ce qui serait de nouveau assuré par le système indirect.

En relation avec la notion de coûts excessifs, le représentant étatique met encore en doute le surcoût d’investissement entre le système direct et le système indirect de l’ordre de 6.387.379.- francs, tel qu’avancé par les parties demanderesses.

Finalement, le délégué du Gouvernement fait valoir que depuis la mi-mai 2000 l’administration de l’Evironnement a élaboré un guide relatif aux installations de climatisation et de réfrigération, guide qui déterminerait les installations de production de froid qui seraient autorisées par le ministre de l’Environnement et qui correspondraient le mieux aux critères de la « meilleure technique disponible dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs ». Une copie de ce guide aurait été en possession du groupe …qui aurait par ailleurs installé dans sa succursale à Bettembourg une installation de production de froid à système indirect pour le froid positif et pour le froid négatif une installation de production de froid fonctionnant au CO2. A cela s’ajouterait que le supermarché d’Ettelbrück, objet de l’autorisation ministérielle attaquée, aurait ouvert ses portes au public le 12 avril 2000, mais qu’une demande en autorisation auprès de l’Administration de l’Environnement n’aurait été introduite que le 7 août 2000, et que les demanderesses auraient pris en connaissance de cause le risque d’installer le système de production de froid direct, tout en sachant que cette solution ne serait pas acceptée par le ministre de l’Environnement.

Les parties demanderesses font répliquer que toute référence aux objectifs de la loi modifiée du 17 juin 1994 précitée serait sans pertinence pour être étrangère à la législation commodo et incommodo. Concernant les critiques relatives au rapport du « Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen », les demanderesses ont fait déposer deux prises de position de la société … S.A. et du « Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen » argumentant que les paramètres choisis par le « Forschungszentrum » pour ses calculs se baseraient sur des données réelles de fonctionnement de l’installation litigieuse, ainsi que sur des mesures tirées de la littérature scientifique. D’autre part, les demandeurs font une lecture différente du rapport de la société … S.A. du 13 juillet 2000 invoqué par le représentant étatique, estimant que les conclusions de ce rapport rejoignent les enseignements à tirer du rapport du « Forschungszentrum für Kältetechnik und Wärmepumpen ». En relation avec la notion de « meilleures techniques disponibles », les parties demanderesses estiment que le représentant étatique aurait adopté une attitude réductrice en se focalisant sur la quantité de fluide réfrigérant, alors qu’il faudrait également prendre en considération tous les effets indirects provenant de la consommation d’énergie nécessaire au fonctionnement du système, de la consommation d’énergie et de matières premières pour la fabrication de l’installation et pour sa maintenance et enfin pour la mise hors service de toute l’installation.

D’après les demanderesses, le système direct conduirait à une moindre consommation de matières premières et corrélativement de production de déchets, compte tenu de ses machineries et tuyauteries moins complexes, moins nombreuses et plus réduites et serait plus efficace d’un point de vue énergétique, eu égard à l’impact global des émissions à effet de serre. Elles ajoutent encore que d’après un rapport du « Technology and Economic Assessment Panel » d’avril 2001, les coûts d’installation des systèmes indirects seraient prohibitifs et la consommation d’énergie fortement accrue par rapport aux autres systèmes. Les parties demanderesses font encore confirmer que le montant de 6.387.379.- LUF. correspondrait bel et bien à la différence de prix entre un système de refroidissement par circuit direct et par circuit indirect, investissement qui est qualifié par elles de plus que considérable.

Finalement, les demanderesses dénient encore toute force obligatoire au guide invoqué par le représentant étatique qui recommanderait l’installation d’un système de refroidissement indirect et réfutent toute argumentation en relation avec le supermarché …à Bettembourg, étant donné que cette installation serait un prototype dont la mise en place n’aurait pu se faire que grâce au soutien financier du producteur ….

Concernant ensuite les niveaux de bruit autorisés, les parties demanderesses font valoir qu’il n’existerait aucune base légale permettant d’imposer les seuils de 60 dB(A) Leq respectivement de 45 dB(A)Leq figurant à l’arrêté ministériel. Le règlement grand-

ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers, qui divise les différents milieux d’habitat en cinq catégories, ne ferait que recommander divers seuils à ne pas dépasser. Dans son arrêté du 2 juillet 2001, le ministre de l’Environnement aurait imposé à tort les seuils de bruit recommandés pour les quartiers urbains avec quelques usines ou entreprises comprenant une circulation moyenne (zone IV), alors que l’établissement litigieux se trouverait implanté au centre de la localité d’… dans un milieu urbanisé de manière très dense et à proximité de nombreux autres commerces, de sorte que la catégorie V, à savoir « centre ville (entreprises, commerces, bureaux, divertissements) circulation dense » serait plus approprié. Il ressortirait pour le surplus d’une étude acoustique établie par le bureau d’ingénieurs-conseils Energie et Environnement que l’impact sonore maximal de l’établissement se situerait pendant le jour autour de 52-53 db(A) Leq et en période de nuit autour de 47-48 dB(A)Leq. Partant les sociétés demanderesses sollicitent que les niveaux de bruit prévus pour la zone V leur soient appliqués et subsidiairement que le niveau de bruit applicable entre 22 heures le soir et 7 heures le matin, ainsi que les dimanches et jours fériés soit fixé à 50 dB(A)Leq.

Sur ce point, le délégué du Gouvernement estime, en se basant sur l’article 3 du prédit règlement grand-ducal du 13 février 1979, qu’il serait recommandé aux responsables des établissements de ne pas dépasser dans les alentours immédiats les niveaux de bruit indiqués en fonction de la nature du milieu d’habitat. La notion d’ «alentours immédiats » étant définie au prédit règlement grand-ducal comme « la limite de la propriété la plus proche, dans laquelle séjourne à quelque titre que ce soit des personnes de façon continue, soit à des intervalles réguliers ou rapprochés ». Le représentant étatique estime que les niveaux de bruit indiqués seraient valables pour une zone et vaudraient pour tous les établissements pouvant avoir un impact sur cette zone, c’est-à-dire également pour des bruits provenant de zones avoisinantes. Partant l’argumentation des demanderesses serait erronée, étant donné que les niveaux de bruit prescrits ne viseraient pas la seule zone de situation de l’établissement.

Les parties demanderesses font répliquer qu’il ressortirait clairement du libellé de l’article 1er ainsi que du premier alinéa de l’article 3 du prédit règlement grand-ducal du 13 février 1979 que les normes y fixées s’adresseraient aux établissements et aux chantiers qui se trouvent dans les différentes zones, qu’on serait en présence de normes d’émission et non pas de normes de qualité environnementale et que le niveau de bruit toléré devrait être mesuré par rapport aux types de zones dans laquelle se trouve implanté l’établissement litigieux.

Aux termes de l’article 13.1. de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés « les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs.

L’appréciation de la notion de coûts excessifs se fait par référence à des établissements de la même branche ou d’une branche similaire, de taille moyenne et économiquement saine. … » Comme le tribunal ne dispose pas en l’état actuel de la procédure des éléments d’appréciation nécessaires pour vérifier lequel des deux systèmes proposés, à savoir un système de refroidissement par circuit direct ou par circuit indirect, est le plus protecteur des intérêts visés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, en tenant compte des meilleures techniques disponibles dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs par référence à des établissements de la même branche ou d’une branche similaire, de taille moyenne et économiquement saine, conformément à son article 13.1. prérelaté, et comme il est appelé en la matière à statuer comme juge du fond et à procéder en cette qualité à un réexamen de l’affaire en fait et en droit, il estime nécessaire de procéder avant tout autre progrès en cause à une mesure d’instruction en ayant recours à l’avis d’un technicien, sous la forme d’une expertise. Au stade actuel des débats et des arguments avancés de part et d’autre, le tribunal a été amené à dégager la mission suivante, à savoir :

« examiner lequel des deux systèmes en discussion, à savoir une installation de production du froid du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation directe ou une installation par circuit indirect est la plus appropriée pour réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance de l’établissement « …Marché », sis à Ettelbrück, 73, Grand-Rue, pour protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel de l’établissement, pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et l’environnement humain et naturel et pour promouvoir un développement durable, ceci en tenant compte des meilleures techniques disponibles dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs par référence à des établissements de la même branche ou d’une branche similaire, de taille moyenne et économiquement saine et en considérant plus particulièrement les heures de fonctionnement réelles de l’installation dans l’établissement, les coûts d’investissement respectifs, la consommation en matières premières et en énergie, les rejets de CO2, les équipements respectifs à installer, la durée de vie des deux systèmes, la nature et la quantité des déchets à traiter par rapport aux deux systèmes, les répercussions éventuelles des deux systèmes sur l’environnement humain et naturel en cas de fonctionnement anormal ou de fuite, et les effets indirects visant la consommation d’énergie et de matières premières pour la fabrication des installations, pour leur maintenance et pour leur mise hors service ».

Il convient encore d’ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de proposer un expert et de se prononcer sur des amendements et/ou ajouts éventuels à la mission d’expertise telle que dégagée à ce stade par le tribunal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

avant tout autre progrès en cause, ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de proposer un expert et de se prononcer le cas échéant sur des amendements et/ou ajouts éventuels par rapport à la mission d’expertise telle que dégagée ci-avant ;

invite chacune des parties de déposer un mémoire supplémentaire pour proposer un expert et se prononcer le cas échéant sur la mission d’expertise telle que dégagée par le tribunal pour le 5 avril 2002 au plus tard, et un éventuel mémoire supplémentaire pour le 19 avril 2002 au plus tard, ces délais étant indiqués sous peine de forclusion ;

refixe l’affaire à l’audience publique du 22 avril 2002 pour continuation des débats ;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mars 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13843
Date de la décision : 13/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-13;13843 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award