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13/03/2002 | LUXEMBOURG | N°13016

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mars 2002, 13016


Tribunal administratif N° 13016 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2001 Audience publique du 13 mars 2002

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Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 7 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeur

ant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ...

Tribunal administratif N° 13016 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2001 Audience publique du 13 mars 2002

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Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 7 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 27 novembre 2000 ayant rejeté sa demande en autorisation d’établissement et d’une décision confirmative rendue par le même ministre en date du 20 février 2001 à la suite de l’introduction d’un recours gracieux dirigé contre la décision initiale, et après réexamen du dossier ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Eyal GRUMBERG ainsi que Madame le délégué du gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’une demande datée au 12 juin 2000 adressée par Madame … au ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, à l’attention du service de la Formation professionnelle, par laquelle elle sollicita une autorisation en vue de l’exercice de la profession de « formation professionnelle continue », le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement l’informa, par courrier recommandé du 27 novembre 2000, en se basant sur un avis défavorable de la commission prévue par l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, que l’autorisation d’établissement lui était refusée au motif qu’elle n’avait pas produit « une des preuves de qualification professionnelle requises par les dispositions de l’article 18 du règlement grand-ducal du 30 décembre 1999 pris en exécution de la loi du 22 juin 1999 ayant pour objet 1) le soutien et le développement de la formation professionnelle continue 2) la modification de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales ».

Le prédit ministre répondit au recours gracieux du 2 janvier 2001 introduit par le mandataire de Madame …, par un courrier daté du 20 février 2001, par lequel le prédit mandataire fut informé de ce qu’à la suite d’un réexamen du dossier de Madame … par la commission précitée et, en l’absence de tout élément probant nouveau, il maintenait sa décision initiale du 27 novembre 2000.

Par requête du 7 mars 2001, Madame … a introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des décisions ministérielles précitées des 27 novembre 2000 et 20 février 2001.

Encore que le recours en réformation n’ait été introduit qu’en ordre subsidiaire, le tribunal doit l’examiner en premier lieu, étant donné que dans les matières dans lesquelles la loi prévoit un recours de pleine juridiction, les recours en annulation sont irrecevables.

L’article 2, alinéa 6 de la loi précitée du 28 décembre 1988 prévoit que les décisions ministérielles concernant l’octroi, le refus ou la révocation des autorisations prévues par la loi en question peuvent faire l’objet d’un recours en annulation.

Un recours de pleine juridiction n’étant pas prévu en la matière, la loi prévoyant expressément un recours en annulation, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que le ministre aurait à tort retenu dans ses décisions qu’elle n’aurait pas rapporté la preuve de sa qualification professionnelle, telle que requise par la loi, en vue de l’exercice de la profession de gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue, alors que, même s’il est vrai qu’elle ne dispose pas d’un diplôme certifiant une formation scolaire appropriée, il n’en resterait pas moins qu’elle remplirait les conditions légales dans la mesure où elle pourrait faire état d’une expérience professionnelle de plus de trois années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d’entreprise gérant un organisme de formation professionnelle continue. Dans ce contexte, elle fait non seulement état du fait qu’elle a obtenu le 24 juillet 1985 son diplôme de fin d’études secondaires et que par la suite, elle a suivi une formation professionnelle spécialisée de « Fremdsprachenkorrespondenten », d’une durée de deux ans, formation certifiée par un diplôme délivré le 29 juillet 1987, mais qu’elle posséderait en outre une expérience professionnelle d’au moins trois années consécutives à titre d’indépendant ou en qualité de dirigeant d’entreprise, en ce qu’elle aurait créé et dirigé une entreprise uni-personnelle exerçant sous l’enseigne de « ABC Communication » avant l’entrée en vigueur de la législation actuelle. Elle admet toutefois que comme la profession de « dispensateur de cours linguistiques » n’aurait pas été réglementée avant la loi du 22 juin 1999 ayant pour objet 1) le soutien et le développement de la formation professionnelle continue 2) la modification de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, elle n’aurait pas été en possession d’un numéro de TVA, elle n’aurait pas été inscrite au registre de commerce et des sociétés et elle n’aurait pas été affiliée aux organismes de sécurité sociale en qualité d’indépendante. Toutefois, elle estime qu’aucun reproche ne saurait lui être fait de ce chef, au motif que les organismes de sécurité sociale auraient refusé son affiliation alors qu’elle n’était pas en possession de l’autorisation légalement requise à délivrer par le ministère compétent. Il résulterait toutefois de cet état des choses, qu’elle ne pourrait pas rapporter la preuve de son expérience professionnelle par son affiliation aux organismes de sécurité sociale, mais elle estime que pour palier à cette carence, elle serait en droit de verser des attestations de « différents co-contractants réguliers », auxquels elle aurait dans le passé dispensé des cours de langues, afin d’attester ainsi son expérience professionnelle. A ce titre, elle verse à l’appui de son recours de nombreuses attestations qui émaneraient de bénéficiaires de ses cours de langues.

Le délégué du gouvernement, après avoir rappelé que l’article 18, paragraphe (3) du règlement grand-ducal du 30 décembre 1999 pris en exécution de la loi du 22 juin 1999 ayant pour objet 1) le soutien et le développement de la formation professionnelle continue 2) la modification de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, qui détermine les différents modes de preuve permettant d’attester l’expérience professionnelle, a pour objet de permettre aux postulants de prouver l’effectivité de leur activité, soutient que la demanderesse n’aurait pas rapporté la preuve en question et qu’elle n’aurait partant pas rapporté la preuve de son expérience professionnelle nécessaire pour remplir les conditions de qualification professionnelle en vue de l’exercice de la profession de gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue. Dans ce contexte, il estime que l’affiliation auprès des organismes de sécurité sociale constituerait le corollaire obligatoire de l’exercice d’une activité professionnelle effective au Grand-Duché de Luxembourg et que le fait que l’activité en question n’aurait pas été réglementée antérieurement à la loi précitée du 22 juin 1999 ne saurait avoir une incidence ni quant à l’obligation de s’affilier aux organismes de sécurité sociale ni d’être en possession d’un numéro de TVA, légalement requis pour l’exercice de toute activité indépendante de nature professionnelle. Il s’oppose de ce fait à la prise en compte, au titre d’une expérience professionnelle, le fait d’avoir exercé, à titre « occulte », une profession non déclarée.

Au vœu de l’article 1er, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi précitée du 28 décembre 1988, « nul ne peut, à titre principal ou accessoire, exercer (…) la profession (…) de gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue, sans autorisation écrite ». En vertu de l’alinéa 2 du même paragraphe, ladite autorisation devra être émise par le ministre ayant dans ses attributions les autorisations d’établissement.

L’article 9 de la loi précitée du 28 décembre 1988 dispose encore que « l’activité consistant dans la gestion d’un organisme de formation professionnelle continue n’est autorisée que sur avis du ministre ayant la formation professionnelle dans ses attributions. Les conditions d’honorabilité et de qualification professionnelles requises pour l’exercice de cette activité sont déterminées par règlement grand-ducal ».

En exécution du prédit article 9 a été pris le règlement grand-ducal précité du 30 décembre 1999, qui détermine dans son article 18 les conditions à remplir par la personne intéressée afin de satisfaire aux conditions de qualification professionnelle requises.

Alors que les deux premiers paragraphes dudit article 18 concernent plus spécifiquement les cas des intéressés se trouvant en possession d’un diplôme universitaire ou de niveau supérieur ou d’un diplôme délivré par la chambre professionnelle patronale compétente, qui ne trouvent pas application en l’espèce de l’aveu même de la demanderesse qui soutient ne pas être en possession de l’un des diplômes visés par les deux paragraphes en question, le paragraphe (3) du même article 18 dispose qu’au cas où l’intéressé ne dispose pas des diplômes énumérés aux paragraphes (1) et (2) précités, il peut également prouver qu’il remplit les conditions de qualification professionnelle en fournissant la preuve de son expérience professionnelle dans les conditions déterminées par le paragraphe en question.

La demanderesse soutient remplir les conditions de qualification professionnelle en ce qu’elle tomberait sous le cas de figure prévu au point a) du paragraphe (3) du prédit article 18 en ce qu’elle aurait exercé la profession de gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue « pendant trois années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d’entreprise ». A l’appui de ses allégations, elle fournit de multiples certificats, attestations, factures et autres pièces qui émaneraient de -

ou auraient été adressés aux - bénéficiaires de cours de langues qu’elle aurait donnés dans le passé.

Comme le délégué du gouvernement s’oppose à la prise en compte des prédites pièces pour établir le respect, dans le chef de la demanderesse, des conditions de qualification professionnelle légalement requises, il y a lieu de se rapporter à l’avant dernier alinéa du paragraphe (3) de l’article 18 du règlement grand-ducal précité du 30 décembre 1999, qui détermine la manière dont la personne intéressée peut rapporter la preuve de son expérience professionnelle. Ainsi, il y est disposé que « la preuve que la condition de l’expérience professionnelle est remplie peut être fournie :

- soit par une attestation délivrée par l’autorité ou l’organisme compétent du pays de provenance ;

- soit par une affiliation à la Caisse de Pension des Artisans, des Commerçants et Industriels ou la Caisse de Pension des Employés Privés pendant au moins 3 années consécutives ;

- soit par une autorisation d’établissement dans un métier principal et effectivement exploitée pendant au moins 3 années consécutives ;

- soit par un certificat patronal visé par le Centre Commun de la Sécurité Sociale ».

Il échet tout d’abord de relever qu’en ce qui concerne le caractère limitatif ou non de la prédite liste portant sur les moyens de preuve, c’est à tort que la demanderesse soutient que ladite liste n’aurait pas un caractère limitatif, dans la mesure où il y serait disposé que la preuve en question « peut » être fournie suivant les modes y énumérés, étant donné que l’utilisation de ce verbe à lui seul ne saurait établir le caractère exemplatif de la liste, en l’absence de toute autre indication figurant dans la disposition réglementaire en question de nature à établir que tout autre mode de preuve sera également admissible. La liste en question a donc un caractère limitatif et l’intéressé aura la faculté de produire au ministre compétent l’une des quatre pièces y indiquées.

En l’espèce, la demanderesse est en aveu, tel que cela ressort par ailleurs des pièces et éléments du dossier soumis au tribunal, de ne pas être en possession de l’une des pièces ainsi énumérées, de sorte qu’elle n’a pas établi le respect, dans son chef, des conditions de qualification professionnelle légalement requises.

Il suit de ce qui précède, que le recours est à déclarer non fondé.

En ce qui concerne la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 75.000.- francs, présentée par la demanderesse, basée erronément sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, mais qui est supposée se baser en réalité sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu de la rejeter, au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 13 mars 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13016
Date de la décision : 13/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-13;13016 ?

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