Tribunal administratif N° 13366 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2001 Audience publique du 11 mars 2002
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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 13366 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, chauffeur, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 27 octobre 1999, sinon de la décision implicite de refus résultant du silence de l’administration, concernant l’allocation de l’indemnité pécuniaire pour dommages-intérêts pour licenciement abusif par lui réclamé au titre de garantie salariale sur base des dispositions de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, son ancien employeur concerné, la SARL …, ayant été déclaré en état de faillite ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision du 27 octobre 1999 ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie HAGER en ses plaidoiries à l’audience publique du 4 mars 2002.
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Considérant que Monsieur …, préqualifié, a été au service de la société à responsabilité limitée…, en tant que chauffeur professionnel à partir du 6 juillet 1992 pour être licencié le 3 novembre 1993 avec préavis au 15 janvier 1994 ;
Que par requête déposée en date du 7 octobre 1994, il a saisi le tribunal du travail d’une demande en déclaration de licenciement abusif et de condamnation de son ancien employeur notamment à des dommages et intérêts de l’ordre de 150.000.- francs ainsi qu’au règlement d’heures supplémentaires prestées à raison de 100.000.-francs ;
Que par jugement du 26 mai 1995, le tribunal du travail de Luxembourg a ordonné des enquêtes par témoins concernant le volet de la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, tout en instituant une expertise relativement au volet de la demande en paiement pour heures supplémentaires ;
Que suivant jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 19 juillet 1995, la société à responsabilité limitée …, a été déclarée en état de faillite ;
Que suivant déclaration de créance déposée le 27 juillet 1995, Monsieur … a demandé son admission au passif super-privilégié de ladite faillite pour les montants respectivement de 150.000.- francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de 100.000.-
francs au titre de rémunération d’heures supplémentaires prestées ;
Que ladite créance a été admise au passif chirographaire pour le montant total de 250.000.- francs déclaré, son caractère privilégié ayant été contesté dans un premier stade, pour être admise à titre privilégié par les juge-commissaire et curateur en date du 26 mars 1999 ;
Que par décompte du 27 octobre 1999, l’administration de l’Emploi a admis sur base des dispositions de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail le montant brut de 100.000.- francs correspondant à une créance garantie de 79.750.-francs avec la mention « heures suppl.» ;
Considérant que par requête déposée en date du 2 mai 2001, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation dirigé contre la décision précitée du 27 octobre 1999, sinon contre la décision implicite de refus pour silence observé, tirées de la carence étatique de liquider l’indemnité pécuniaire pour dommages et intérêts pour licenciement abusif suivant déclaration de créance acceptée ;
Que suivant décompte de l’administration de l’Emploi du 16 mai 2001, une seconde créance salariale garantie a été reconnue dans le chef de Monsieur … au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif à concurrence du montant réclamé de 150.000.- francs correspondant à 3.718,40 euros avec la mention « montant accepté par le curateur de la faillite et accordé par le juge commissaire » ;
Qu’il résulte de plusieurs rappels adressés par la suite à l’administration de l’Emploi que le montant en question n’a pas encore été liquidé au CCP du mandataire de Monsieur… indiqué audit décompte ;
Que le représentant du demandeur de confirmer à l’audience le non règlement en question ;
Considérant que bien que l’Etat n’ait pas fait déposer de mémoire, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Considérant que dans la mesure où face à la déclaration de créance acceptée pour les postes y respectivement émargés le décompte de l’administration de l’Emploi du 27 octobre 1999 précité accepte de liquider la garantie salariale pour le seul montant de 100.000.- francs brut correspondant à la rémunération déclarée pour heures supplémentaires prestées, celui-ci est à considérer de façon implicite, mais nécessaire comme décision de refus pour le surplus concernant plus particulièrement les dommages et intérêts pour licenciement abusif réclamés à raison de 150.000.-francs, sans qu’il n’y ait lieu de rechercher plus loin si l’existence d’une décision implicite de refus pour silence prolongé observé, telle qu’invoquée en ordre subsidiaire, se vérifie ;
Considérant que la recevabilité du recours s’analysant au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, le tribunal est amené à déclarer le recours en annulation recevable en tant que dirigé contre le courrier de l’administration de l’Emploi du 27 octobre 1999 ensemble le décompte y contenu, dans la mesure du refus d’allouer la garantie salariale prévue par l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée concernant les dommages et intérêts pour licenciement abusif réclamés à raison de 150.000.- francs, étant entendu qu’aucun délai pour agir n’a commencé à courir, en l’absence d’indication des voies de recours effectuée conformément aux dispositions de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;
Considérant qu’au fond le tribunal est amené à constater préliminairement que suite au dépôt de la requête introductive d’instance, le 2 mai 2001, l’administration de l’Emploi a admis le 16 suivant au titre de créance garantie suivant les dispositions de l’article 46 (2) de la loi du modifiée du 24 mai 1989 précitée également le montant réclamé de 150.000.-francs du chef de dommages et intérêts pour licenciement abusif suivant déclaration de créance acceptée ;
Considérant qu’il s’ensuit que le recours est devenu de la sorte sans objet, plus rien ne restant à juger, la demande de Monsieur… ayant été admise par l’administration compétente tant en son principe qu’en son quantum ;
Considérant qu’il convient de souligner à cet escient que le fait critiqué par le demandeur, selon lequel l’Etat n’a pas encore liquidé la créance salariale en question, échappe à la compétence du tribunal administratif sur base des dispositions combinées des articles 84 et 95bis de la Constitution, étant donné qu’il se résout en une question d’exécution d’ordre pécuniaire, relativement à une créance à l’égard de l’Etat, dont le principe et le quantum ne sont pas litigieux, de sorte à avoir exclusivement trait à des droits civils, relevant ainsi des seules juridictions de l’ordre judiciaire ;
Considérant que dans la mesure où ce n’est que suite au recours contentieux introduit que, contrairement à la décision déférée, la demande de Monsieur… a été intégralement accueillie, les frais sont à imposer à la partie défenderesse ;
Considérant que le demandeur sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 20.000.- francs sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l’invocation d’une base légale incorrecte n’entraîne pas l’irrecevabilité d’une demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
Considérant que sur base des dispositions de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, le tribunal est amené à constater que dans les quinze jours du dépôt du recours, la demande de Monsieur… a été accueillie favorablement à la fois en son principe et en son montant réclamé, de sorte qu’il serait encore inéquitable, en l’espèce, de laisser à sa charge les frais non inclus dans les dépens ;
Qu’il y a dès lors lieu d’allouer à Monsieur… une indemnité de procédure arrêtée à 400 euros, compte tenu du degré de complexité peu élevé de l’affaire et des soins de représentation requis ;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours en annulation recevable;
le dit sans objet ;
condamne l’Etat à payer à Monsieur… une indemnité de procédure de l’ordre de 400 euros ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 mars 2002 par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte 4