Tribunal administratif N° 13723 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2001 Audience publique du 7 mars 2002
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Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la ville de Luxembourg, et deux décisions du directeur de l'administration du personnel de l'Etat en matière d'employé public
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JUGEMENT
Vu la requête déposée le 12 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation 1) d'une décision du bourgmestre de la ville de Luxembourg lui déniant le bénéfice d'une relation de travail à durée indéterminée en tant que chargé de direction d'une classe dans l'enseignement primaire; 2) d'une décision du directeur de l'administration du personnel de l'Etat du 2 octobre 2000 qualifiant son dernier contrat d'engagement comme étant à durée déterminée; 3) d'une décision du même directeur du 22 septembre 2000 réclamant le remboursement des rémunérations qualifiées d'indûment touchées à la suite de la résiliation des relations contractuelles avec effet au 15 septembre 2000;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 16 juillet 2001, portant signification dudit recours à l'administration communale de la ville de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse déposé le 7 novembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l'administration communale de la ville de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse déposé le 6 décembre 2001 par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le même jour par Maître Roland ASSA au nom du demandeur …;
Vu un second mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le 18 décembre 2001 par Maître Roland ASSA au nom du demandeur …;
Vu les pièces versées et notamment les décisions entreprises;
2 Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Robert BEVER, en remplacement de Maître Roland ASSA, Maître Louis BERNS et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
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Par un "contrat de louage de service pour chargé(e) de la direction d'une classe dans l'enseignement primaire" portant la date du 26 octobre 1995 et signé par le bourgmestre de la ville de Luxembourg, le ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle et Monsieur …, celui-ci fut engagé en qualité de chargé de direction d'une classe dans l'enseignement primaire à titre temporaire du 15 septembre 1995 au 14 septembre 1996 avec une tâche de 20 leçons hebdomadaires. Le contrat était conclu, en vertu de son article 2, avec effet à partir du 15 septembre 1995 jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours. Des contrats similaires, portant respectivement les dates des 11 novembre 1996 et 12 septembre 1997, couvrant les périodes du 15 septembre 1996 au 14 septembre 1997 et du 15 septembre 1997 au 14 septembre 1998, furent conclus entre les mêmes parties. – Suivant "contrat de louage de service à durée déterminée pour chargé(e) de direction d'une classe dans l'enseignement primaire" daté du 14 septembre 1998, conclu entre l'administration communale de la ville de Luxembourg et Monsieur …, celui-ci fut engagé, à partir du 14 septembre 1998, "pour une durée déterminée couvrant l'année scolaire 1998/1999", en qualité de chargé de direction d'une classe de l'enseignement primaire dans la commune de Luxembourg. Le contrat précisait qu'il expirait au plus tard la veille du début de l'année scolaire 1999/2000 (article 2), et qu'il pouvait "être renouvelé plus de deux fois, même pour une durée totale excédant vingt-
quatre mois, conformément à l'article 17 modifié de la loi du 5 juillet 1991 portant e. a.
dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail" (article 10). Le 10 septembre 1999, un contrat similaire portant sur la période du 15 septembre 1999 au 14 septembre 2000 fut conclu entre parties.
Le 22 septembre 2000, l'administration du personnel de l'Etat adressa un courrier à Monsieur … dans lequel elle porta à sa connaissance que son contrat d'engagement auprès de la ville de Luxembourg avait été résilié avec effet au 15 septembre 2000 et, puisqu'il avait touché la rémunération correspondant à l'intégralité du mois de septembre 2000, l'invita à rembourser à la trésorerie de l'Etat la somme correspondant à la rémunération touchée pour la période allant au-delà du 15 septembre 2000. – Sur réclamation de sa part, l'administration du personnel lui répondit, par lettre du 2 octobre 2000, que son contrat d'engagement auprès de la ville de Luxembourg n'avait pas été renouvelé pour l'année scolaire 2000-2001. – En réponse à une lettre de réclamation adressée le 12 décembre 2000 par son conseil à l'administration communale de la ville de Luxembourg, le bourgmestre de celle-ci répondit, par lettre non datée, que Monsieur … avait bénéficié de cinq contrats d'engagement successifs, tous à durée déterminée, et qu'à défaut de renouvellement de la relation de travail par la conclusion d'un nouveau contrat, celle-ci avait cessé de plein droit le 14 septembre 2000.
Par requête déposée le 12 juillet 2001, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation de la décision du bourgmestre qui lui dénie l'existence d'une relation de travail à durée indéterminée en tant que chargé de la direction d'une classe dans l'enseignement primaire, de la décision du directeur de l'administration du personnel de l'Etat contenue dans son courrier du 2 octobre 2000 ayant qualifié son contrat d'engagement comme étant à durée déterminée et de la décision du même directeur du 22 septembre 2000 ayant pour objet la récupération de la rémunération se rapportant à la seconde moitié du mois de septembre 2000.
Il demande au tribunal administratif de constater qu'il bénéficie depuis le 15 septembre 1995, 3 sinon depuis toute autre date à déterminer, d'une relation de travail à durée indéterminée en qualité principalement d'employé communal et subsidiairement d'employé de l'Etat, et de lui allouer une indemnité de procédure de 60.000,- francs.
L'administration communale de la ville de Luxembourg soulève l'incompétence du tribunal administratif à connaître du litige, au motif que Monsieur … serait à considérer non comme employé communal, mais comme employé privé relevant de la juridiction des tribunaux judiciaires concernant les litiges relatifs à leur contrat de travail.
En vertu de l'article 11, 1. du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l'Etat, entre-temps abrogé et remplacé par le règlement grand-ducal du 15 novembre 2001 concernant le régime des employés communaux, mais continuant à régir les situations antérieures à l'entrée en vigueur dudit règlement, le tribunal administratif est compétent pour connaître des contestations relatives au contrat d'emploi des employés communaux. En revanche, les contestations relatives au contrat de travail des employés privés sont du ressort des juridictions judiciaires.
Les agents du secteur communal, outre les fonctionnaires et les ouvriers, comprennent des employés communaux et des employés privés.
Avant la réforme législative opérée par la loi du 9 juin 1995 modifiant la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut des fonctionnaires communaux, les agents dénommés actuellement employés communaux étaient nommés "employés contractuels communaux" alors que les employés privés actuels étaient visés par le terme d'"employés temporaires." Le régime des employés communaux, anciens employés contractuels communaux, était défini par le règlement grand-ducal du 26 mai 1975, précité, pris sur base de l'article 13 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'Etat.
L'article 13 de ladite loi a été abrogé par la loi précitée du 9 juin 1995 qui a inséré la notion d' "employé communal" dans le cadre de la loi du 24 décembre 1985, notamment à l'article 1, 4. qui a disposé que, sans préjudice de l'application des dispositions légales et réglementaires existantes concernant le régime des "employés contractuels communaux", actuels employés communaux au service des communes, certains articles du statut des fonctionnaires sont applicables aux employés communaux.
La loi du 9 juin 1995 a ajouté par ailleurs à l'article 1er un alinéa disposant qu'un règlement grand-ducal fixe les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du statut d'employé communal. Comme il vient d'être dit, le règlement grand-ducal en question n'a été pris que le 15 novembre 2001, de sorte que le règlement grand-ducal ci-dessus cité du 26 mai 1975 continue à régler le régime des employés communaux, suivant la nouvelle dénomination légale, pour tout ce qui concerne la période antérieure à son entrée en vigueur.
Il est vrai que la loi du 9 juin 1995 comprend pour les agents en question en son article IV une disposition transitoire voulant que les agents en service au moment de l'entrée en vigueur de la loi aient le statut de l'employé privé à moins que le statut d'employé communal ne leur ait été conféré par une décision formelle de l'autorité investie du pouvoir d'engagement, ce en quoi le texte rejoint les dispositions de l'article 2 du règlement grand-
ducal précité du 26 mai 1975, ou qu'ils ne bénéficient à la même date du régime de pension du 4 fonctionnaire communal, bénéfice acquis aux termes de l'article 8 du même règlement grand-
ducal aux agents ayant vingt années de service ou qui ont atteint l'âge de 55 ans.
La loi en question a été publiée au Mémorial le 30 juin 1995, de sorte qu'elle est entrée en vigueur le 4 juillet 1995, à un moment où Monsieur … n'était pas encore au service de la ville de Luxembourg, son premier engagement datant du 26 octobre 1995.
Il s'ensuit que la disposition transitoire en question ne s'applique pas à Monsieur … dont la qualité d'employé communal ou privé est à déterminer en fonction des seules dispositions du règlement grand-ducal du 26 mai 1975, précité.
L'article 2 dudit règlement grand-ducal dispose que la qualité d'employé communal est reconnue à toute personne engagée contractuellement, à temps complet, conformément aux dispositions légales, sous la dénomination d'"employé communal." Il est constant en cause que Monsieur … n'a été qualifié dans aucun des contrats d'engagement conclus avec la commune, comme "employé communal", mais qu'il a été qualifié, dans chacun des contrats versés en cause, de chargé de la direction dans une classe dans l'enseignement primaire.
Le demandeur soutient que si la qualité d'employé communal ne lui a pas été expressément reconnue dans son contrat d'engagement, le bénéfice du statut en question se déduirait cependant nécessairement des conventions conclues avec l'administration communale. Il se prévaut à cet effet d'une stipulation contractuelle en vertu de laquelle sa rémunération est fixée "par décision de classement individuelle du Ministre de la Fonction Publique, conformément au règlement modifié du Gouvernement en conseil du 15 novembre 1974 fixant les rémunérations des personnes qui sont chargées de la direction d'une classe primaire vacante", ainsi que d'une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 2 octobre 1995 le classant au grade E2 à partir du 15 septembre 1995. Il en conclut que la décision de classement a pour effet de le ranger dans le cadre du statut d'employé public.
Outre la question de la force obligatoire dudit règlement du gouvernement en conseil du 15 novembre 1974 au regard de l'article 36 de la Constitution, une décision de classement du ministre en vue de la fixation de la rémunération d'un agent travaillant pour une commune est sans incidence sur le statut d'employé communal ou privé de cet agent, la décision afférente appartenant à l'administration communale et non pas à un ministre. Or, comme il vient d'être dit, il ne ressort pas du contrat d'engagement initial de Monsieur …, ni d'un des contrats conclus subséquemment avec la ville de Luxembourg que le statut d'employé communal lui ait été conféré.
C'est encore à tort que le demandeur cite, dans le même ordre d'idées, l'article 22 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux qui édicte en son alinéa 3 que la rémunération des employés privés est fixée par le conseil communal sous l'approbation du ministre de l'Intérieur, pour en conclure qu'a contrario, la fixation de la rémunération par décision ministérielle témoignerait de la qualité d'employé communal. En effet, sous l'empire du règlement grand-ducal du 26 mai 1975, précité, applicable au cas d'espèce, la qualité d'employé communal résulte d'une décision afférente de l'administration communale, et non d'une décision ministérielle relative à la rémunération d'un agent communal.
5 Pour le cas où la qualité d'employé communal ne lui serait pas reconnue, Monsieur … conclut en ordre subsidiaire à l'existence du statut d'employé de l'Etat dans son chef.
Ce moyen est à rejeter à son tour, étant donné que c'est l'administration communale qui a engagé le demandeur et qui est à considérer comme étant son l'employeur, et non pas l'Etat (v. trib. adm. 14 juillet 1999, nos. 11079 et 11098 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 6 juillet 2000, n° 11498C du rôle).
Comme la qualité d'employé public conditionne la compétence de la juridiction administrative pour connaître de l'objet du litige, et comme cette qualité fait défaut dans le chef du demandeur, le tribunal administratif est incompétent pour connaître de la demande.
Eu égard à l'issue du litige, le demandeur est à débouter de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître de la demande, déboute le demandeur de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure, le condamne aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 7 mars 2002 par:
M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Ravarani