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04/02/2002 | LUXEMBOURG | N°14409

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 février 2002, 14409


Tribunal administratif N° 14409 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2002 Audience publique du 4 février 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 14409 et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2002 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom M. …, né le … à Shkoder (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, t...

Tribunal administratif N° 14409 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2002 Audience publique du 4 février 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 14409 et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2002 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom M. …, né le … à Shkoder (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2001, notifiée le 10 décembre 2001, par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée irrecevable ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Barbara ROUSSEAU, en remplacement de Maître Jacques WOLTER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 9 novembre 2000, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il fut en outre entendu en date des 6 et 22 février 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 30 avril 2001, notifiée le 21 mai 2001, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée aux motifs qu’il n’aurait pas été établi que les menaces dont le père de M. … aurait été victime avaient effectivement eu « un arrière-fond politique », c’est-à-dire, comme l’avait soutenu le demandeur, qu’elles avaient été proférées en raison des activités politiques de son père au sein du parti démocratique et qu’il ne serait pas non plus établi que les activités politiques de son père avaient une importance telle que le demandeur pouvait légitimement craindre une persécution personnelle de ce fait. Pour le surplus, le ministre a estimé que les autres craintes exprimées par M. … s’analyseraient en l’expression d’un simple sentiment général d’insécurité en raison du climat général régnant en Albanie, mais non pas en l’expression d’une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève. - Ladite décision ne fit l’objet ni d’un recours gracieux ni d’un recours contentieux.

Le 10 septembre 2001, M. … introduisit, par le biais de son mandataire, une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié au motif que des faits nouveaux seraient intervenus.

Le 9 novembre 2001, M. …, assisté de Maître B. R., fit l’objet d’une nouvelle audition, lors de laquelle il déclara, en réponse à une invitation de faire état des nouveaux faits par rapport à ses déclarations antérieures, que le « système en Albanie est inchangé. Je n’ai rien à ajouter ».

Par décision du 12 novembre 2001, le ministre de la Justice déclara la nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié irrecevable aux motifs suivants : « (…) Lors de l’audition du 9 novembre 2001 vous ne faites (…) pas état de nouveaux éléments d’après lesquels il existerait de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. En outre, les éléments que vous invoquez n’ont pas trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la décision du 30 avril 2001 concernant votre première demande d’asile déposée en date du 9 novembre 2000.

L’article du journal « Shqipëria etnike » que vous versez au dossier ne saurait être considéré comme élément pertinent et nouveau. En outre, le langage du journal « Shqipëria etnike » montre qu’il s’agit plutôt d’une gazette de propagande pour le parti démocratique, étant donné qu’il est complètement dépourvu de neutralité.

Or, d’après l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève ».

Par conséquent votre demande est irrecevable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 ».

Par requête déposée en date du 9 janvier 2002, M. … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 12 novembre 2001.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, le demandeur conclut à l’annulation de la décision querellée « pour violation de la loi et des formes destinées à protéger les intérêts privés, ainsi que pour excès et détournement de pouvoir ».

A l’appui de ce recours, il soutient que l’article de journal par lui produit à l’appui de sa nouvelle demande d’asile, à savoir un article paru dans un journal albanais « et ayant trait à des menaces sur [sa] (…) personne », constituerait un élément nouveau au sens de l’article 15 de la loi précitée du 3 avril 1996 et que la décision ministérielle ne serait pas légalement motivée.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait à bon droit déclaré la demande de M. … irrecevable, faute d’éléments nouveaux, et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 15 de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose dans son paragraphe 1er que « le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

Or, en l’espèce, il convient de constater de prime abord qu’il se dégage du rapport d’audition du 9 novembre 2001 que le demandeur a répondu négativement à la question de savoir s’il avait à faire valoir des faits nouveaux par rapport à ses déclarations antérieures.

Ceci dit, même abstraction faite des nature et qualité du journal « Shqipëria etnike », il y a lieu d’ajouter que si l’article de journal - produit à l’appui de la deuxième demande en reconnaissance du statut de réfugié - datant du 21 août 2001 constitue un élément de preuve nouveau, il n’en reste pas moins que ledit article, qui se limite, d’une part, à relater qu’un dénommé « Avinier » ELBASANI, né le 10 février 1980, aurait quitté l’Albanie pour se réfugier à l’étranger et, d’autre part, à exposer les prétendues raisons qui l’y auraient poussé, ne fait pas état d'un quelconque fait ou d’une situation nouvelle qui s’est produit postérieurement au départ du demandeur, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu déclarer la demande d’asile irrecevable.

Il y a lieu d’ajouter que ledit article ne contient non seulement pas d’élément nouveau justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, mais qu’il est en outre en contradiction flagrante avec les déclarations du demandeur, en ce sens que le demandeur avait basé sa première demande d’asile sur des risques résultant des prétendues activités politiques de son père, sans avoir indiqué un quelconque rôle actif personnel voire des faits personnels de persécution, alors que l’article de presse expose qu’il se serait enfui en raison du fait qu’il aurait milité activement pour le parti démocrate, raison pour laquelle il aurait été battu et maltraité par les autorités en place.

Il suit de ce qui précède que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 4 février 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14409
Date de la décision : 04/02/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-02-04;14409 ?

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