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30/01/2002 | LUXEMBOURG | N°13751

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 janvier 2002, 13751


Tribunal administratif N° 13751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2001 Audience publique du 30 janvier 2002

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Recours formé par Madame , … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice, du Travail et de l’Emploi, ainsi que de celui de la Famille en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13751 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2001 par Maître Paul DIESCHB

OURG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme , …, ...

Tribunal administratif N° 13751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 juillet 2001 Audience publique du 30 janvier 2002

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Recours formé par Madame , … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice, du Travail et de l’Emploi, ainsi que de celui de la Famille en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13751 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2001 par Maître Paul DIESCHBOURG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme , …, de nationalité de la Guinée-Bissau, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du « Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, sinon des Ministres de la Justice, du Travail et de l’Emploi, ainsi que de la Famille, prise au nom et pour compte du Gouvernement de Luxembourg » du 3 juillet 2001, notifiée le 16 juillet 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à « sa demande en obtention d’une autorisation de séjour et d’un permis de travail »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Paul DIESCHBOURG, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Mme , de nationalité de la Guinée-Bissau, est entrée sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg au courant de l’année 2000.

Faisant état d’une carte d’identité portugaise, elle obtint la délivrance d’une carte de séjour de ressortissant communautaire valable jusqu’au 4 mai 2005.

Le 26 avril 2000, un procès-verbal fut dressé par le service de police judiciaire de la police grand-ducale à charge de Mme pour usage d’une carte d’identité falsifiée.

Par lettre du 3 juillet 2001, les ministres de la Justice, du Travail et de l’Emploi, ainsi que celui de la Famille informèrent Mme de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 6.6.2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour peut être refusée à l’étranger qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

Comme il a été constaté sur base de votre dossier administratif que cette disposition est applicable dans votre cas, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au Service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour.

En conséquence, vous êtes invité(e) à quitter le Luxembourg (ensemble avec votre famille) endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois. (…) » Par arrêté du 19 juillet 2001, le ministre de la Justice lui refusa l’entrée et le séjour au Luxembourg pour « - usage de pièces d’identité et de voyages falsifiées; - défaut de moyens d’existence personnels; - constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre public ».

Par requête déposée en date du 23 juillet 2001, Mme a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 juillet 2001.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 6, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION Le représentant étatique conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en annulation pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse. Il soutient plus particulièrement qu’elle n’aurait pas intérêt à voir annuler la décision du 3 juillet 2001, au motif qu’il existerait en outre l’arrêté précité du ministre de la Justice du 19 juillet 2001 par lequel l’entrée et le séjour lui ont été refusés et que cette décision n’aurait pas été attaquée, de sorte que l’éventuelle annulation de la décision querellée laisserait intact ledit arrêté ministériel du 19 juillet 2001.

La demanderesse n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité.

Ledit moyen d’irrecevabilité laisse cependant d’être fondé, étant donné que même si une éventuelle annulation de la décision litigieuse restera sans incidence directe sur le refus d’entrée et de séjour du 19 juillet 2001, il n’en reste pas moins qu’une annulation de la décision déférée et un renvoi du dossier devant l’autorité compétente peut, le cas échéant, être de nature à ouvrir la voie à la délivrance d’une décision favorable relativement à l’obtention par la demanderesse d’un permis de séjour au Luxembourg et partant régulariser sa situation.

Il s’ensuit que la demanderesse a un intérêt suffisant à obtenir une décision relativement à la légalité de la décision critiquée.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, la demanderesse reproche en premier lieu à la décision déférée de ne pas être suffisamment motivée.

Or, force est de constater que la décision critiquée indique clairement que l’autorisation de séjour a été refusée à la demanderesse au motif que celle-ci est « susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics » et que cette motivation a été utilement complétée, au cours de la procédure contentieuse, par le délégué du gouvernement, lequel a précisé que c’est l’usage d’une fausse nationalité pour obtenir la délivrance d’un permis de séjour qui, par sa gravité, a motivé l’autorité compétente à faire application de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 et à refuser l’autorisation de séjour sollicitée.

Il s’ensuit que le reproche d’un défaut de motivation ou d’une motivation insuffisante n’est pas fondé.

La demanderesse conteste ensuite être un « élément perturbateur de l’ordre du Grand-

Duché de Luxembourg », en soutenant qu’elle vivrait paisiblement au Luxembourg et y travaillerait depuis des années (sic), qu’elle n’aurait pas d’antécédents judiciaires et qu’elle aurait « toutes les qualités requises pour s’intégrer parfaitement et définitivement au Luxembourg ».

L’article 2 de la loi précitée dispose notamment que « l’entrée et le séjour au Grand-

Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ».

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que la demanderesse s’est illégalement procurée la délivrance d’une carte d’identité de ressortissant communautaire en se présentant aux autorités luxembourgeoises sous une fausse nationalité moyennant la production d’une carte d’identité portugaise falsifiée, alors qu’il s’est révélé par la suite - la demanderesse l’admettant expressément dans sa requête introductive d’instance - qu’elle est de nationalité de la Guinée-Bissau. Ainsi, eu égard à la gravité incontestable de ces faits, on ne saurait reprocher au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait en ce qu’il a estimé que lesdits faits dénotent à suffisance de droit un comportement sinon un risque de comportement de Mme compromettant l’ordre et la sécurité publics et qu’ils constituent des indices suffisants sur base desquels il convient de conclure à l’existence d’un risque sérieux qu’elle continuera à constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics à l’avenir.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit et conformément à l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, que le ministre a refusé la délivrance d’un permis de séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Mme .

Enfin, la demanderesse conteste encore l’opportunité de la décision ministérielle déférée au motif que sa présence au Luxembourg serait justifiée face à une prétendue pénurie générale de main d’oeuvre perdurant depuis des années au Luxembourg.

Or, ledit moyen est à écarter, étant donné que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l'appui de l’acte administratif attaqué et que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité à la base de l'acte administratif attaqué.

Il résulte de l’ensemble des développements ci-avant exposés que le recours doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 30 janvier 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13751
Date de la décision : 30/01/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-01-30;13751 ?

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