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23/01/2002 | LUXEMBOURG | N°13680

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 janvier 2002, 13680


Tribunal administratif N° 13680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juin 2001 Audience publique du 23 janvier 2002 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de quota laitier

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13680 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2001 par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-…, tendant à l...

Tribunal administratif N° 13680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juin 2001 Audience publique du 23 janvier 2002 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de quota laitier

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13680 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2001 par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 11 avril 2001 enlevant à l’exploitation … de … (n° d’exploitation 228-151) avec effet au 1er avril 2001 les quantités de référence supplémentaires de 47.129 kg et de 3.220 kg lui allouées au titre des articles 6 et 8 du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait pour les rapporter à la réserve nationale ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 21 janvier 2002.

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Considérant qu’au titre des articles 6 et 8 du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait, l’exploitation … de … (n° d’exploitation 228-151) s’est vu allouer des quantités de référence supplémentaires de respectivement 47.129 kg et 3.220 kg, faisant au total 50.349 kg, suivant décisions ministérielles respectives des 4 février et 28 avril 1988 ;

Que suivant courrier du 22 juillet 1999, Madame …, préqualifiée, s’est adressée au ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, désigné ci-après par « le ministre », pour solliciter son accord « de pouvoir continuer à bénéficier de quota actuel de production de lait aussi longtemps qu’un membre de ma famille exploite notre ferme » ;

Que par courrier du 28 mars 2000, le ministre a pris position comme suit :

« Sehr geehrte Frau …, Hiermit möchte ich Ihnen den Eingang Ihres Schreibens vom 22. Juli 1999 bestätigen.

Sie stellen darin den Antrag die Ihrem Betrieb zugeteilten Zusatzquoten von 50.349 kg über den 31. März 2000 hinaus weiterhin nutzen zu können.

Die in Ihrem Schreiben aufgeführten Gründe für die weitere Inanspruchnahme der vorerwähnten Zusatzquoten veranlassen mich in Ihrem Fall von der in Artikel 12 des grossherzoglichen Reglementes vom 14. März 1996, betreffend die Durchführung der Milchquotenregelung im Grossherzogtum Luxemburg, vorgesehenen Ausnahmeregelung Gebrauch zu machen. Somit können Sie vorerst über die Zusatzquoten von 50.349 kg während dem Milchquotenjahr 2000/2001 verfügen.

Ich möchte Sie jedoch daraufhinweisen, dass nach dem 31. März 2001 die Nutzung der vorerwähnten Zusatzquoten von der Fortführung des Betriebes im Haupterwerb durch ein Mitglied Ihrer Familie abhängig gemacht wird.

Sollte Letzteres nicht zutreffen, so sehe ich mich verpflichtet die Aberkennung der Ihrem Betrieb zugeteilten Zusatzquoten zu diesem Zeitpunkt vorzunehmen.

Hochachtungsvoll » ;

Que par courrier daté du 29 mars 2001, Madame … s’est adressée au ministre pour réexposer sa situation et conclure en ces termes relatés tels quels : « en conséquence et en fonction de la situation présente, je vous prie de me permettre de maintenir actuellement le droit d’usufruit de ce quota additionnel en attendant une amélioration du secteur agricole avec des futurs perspectives que finalement l’exploitation de ma entreprise sera un succès par un membre de ma famille » ;

Considérant que par décision du 11 avril 2001 le ministre, après avoir retenu « que le producteur … de … a été informé par courrier du 28 mars 2000 qu’il va perdre, avec effet au 1er avril 2001, le bénéfice des deux quantités de référence supplémentaires prémentionnées au cas où il ne peut pas apporter la preuve que son exploitation est gérée par un membre de famille exerçant l’activité agricole à titre principal » et que « l’intéressée n’a pas su apporter cette preuve endéans le délai » a retenu que « les quantités de référence supplémentaires de 47.129 kg et de 3.220 kg allouées à l’exploitation … de … (n° d’exploitation : 228-151) au titre des articles 6 et 8 du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait, sont enlevées à cette dernière avec effet au 1er avril 2001 et sont rapportées à la réserve nationale » ;

Considérant que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juin 2001, Madame … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation dirigé contre la décision ministérielle prévisée du 11 avril 2001 ;

Considérant que même si l’Etat n’a pas comparu, aucun mémoire n’ayant été déposé en son nom, le tribunal est appelé à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Que cette conclusion se trouve encore vérifiée en présence du fait que le mandataire de la partie demanderesse ne s’est pas présenté à l’audience, étant précisé que par courrier du 18 janvier 2001 il a demandé à voir prendre l’affaire en délibéré sans autres formalités, la procédure devant les juridictions administrations étant essentiellement écrite et la demanderesse ayant fourni la requête introductive d’instance ;

Considérant qu’encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours de pleine juridiction, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision ;

Considérant qu’aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ;

Considérant que le recours en annulation ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse énonce tout d’abord qu’en cours de procédure un changement de réglementation est intervenu dans la mesure où le règlement grand-ducal du 14 mars 1996 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait ayant prévu en son article 12 les conditions suivant lesquelles les quantités de référence supplémentaires accordées sont rapportées à la réserve nationale, a été entre-temps relayé par le règlement grand-ducal du 1er mars 2000 ayant le même intitulé, mais prévoyant à travers son article 7 des conditions modifiées en la matière ;

Qu’elle souligne encore que les deux quantités de référence supplémentaires de respectivement 47.129 kg et 3.220 kg ont été allouées à l’époque sur base des dispositions du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 pour des raisons et au regard de dispositions différentes, en ce que la première résulte de l’application de son article 6 prévu dans l’intérêt des producteurs ayant réalisé un plan d’amélioration matérielle de l’exploitation, tandis que la seconde a trait aux dispositions de son article 8 visant les cas exceptionnels dans lesquels une quantité de référence individuelle supplémentaire peut être accordée à un fournisseur à qui l’introduction du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait a porté un préjudice particulièrement grave au point de vue social ;

Qu’elle précise encore que les deux décisions ministérielles d’allocation des 4 février et 28 avril 1988 se distinguent par leur libellé et les conditions y plus particulièrement émargées ;

Considérant que la partie demanderesse fait valoir en tant que premier moyen d’annulation la non-observation par la décision déférée des dispositions du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dont plus particulièrement son article 9 ;

Que d’après ledit article 9, une modification de la situation de l’administré en sa défaveur, surtout dans l’hypothèse de l’espèce où une décision antérieure lui a reconnu des droits, ne pourrait se faire que sur information au préalable de la part de l’administration de son intention de modification par communication des éléments de fait et de droit amenant l’autorité compétente à agir ;

Que la demanderesse de relever que la référence faite, à travers la décision déférée, à l’échange de correspondance antérieur entre parties serait insuffisant en la matière, ce d’autant plus qu’une demande de sa part du 29 mars 2001 serait restée sans réponse ;

Considérant que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité dispose en son article 9, alinéas premier à troisième : « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne » ;

Considérant qu’il est patent que l’hypothèse exceptionnelle du péril en la demeure ne se trouve pas vérifiée en l’espèce, tout comme il est constant que la décision déférée est intervenue en dehors d’une initiative de la demanderesse, la lettre du 29 mars 2001 émanant de Madame … tendant à d’autres fins suivant sa conclusion in fine ci-avant relatée ;

Considérant que les fondements de la législation concernant la procédure à la fois contentieuse et non contentieuse reposent sur la faveur incontestable donnée par ses initiateurs à toute solution mettant fin à un litige relatif à une décision administrative individuelle trouvée à un niveau non contentieux, aussi proche de l’administré que possible (cf. trib. adm.

7 mai 2001, Botella-Yaquero, n° 12071 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 décembre 2001, n° 13592C du rôle, non encore publiés) ;

Considérant que s’il est vrai qu’à travers le courrier ministériel du 28 mars 2000 prérelaté, la demanderesse a été rendue attentive au lien établi après le 31 mars 2001 entre le maintien des quantités de référence supplémentaires dont s’agit et la condition que l’exploitation soit gérée par un membre de la famille exerçant l’activité agricole à titre principal, il n’en reste pas moins que cette simple mention est insuffisante au regard des exigences de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, compte tenu notamment du but leur assigné ;

Considérant qu’au-delà de l’exigence d’une lettre recommandée et des indications précises de ses droits de prise de position figurant audit article 9, la demanderesse ne s’est notamment pas vu indiquer les éléments de droit précis, compte tenu de l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 1er mars 2000 précité, ainsi que des origines d’ordre juridique différentes de l’allocation des quantités de référence supplémentaires respectives dont s’agit au titre des articles 6 et 8 du règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 précité, concernant plus particulièrement la condition formulée de la gestion de l’exploitation par un membre de la famille exerçant l’activité agricole à titre principal, ainsi que la charge de la preuve y relative et les délais dans lesquels celle-ci doit être rapportée ;

Considérant qu’aucun élément d’information plus ample ne résulte des pièces du dossier, à défaut de dossier administratif versé en l’absence de mémoire déposé pour compte de l’Etat, mis à part que d’après les indications contenues au courrier de Madame … du 29 mars 2000 in fine prérelaté, l’entreprise est continuée par un membre de la famille, sans qu’il n’en résulte si celui-ci exerce l’activité agricole à titre principal ;

Que dans ces conditions la décision déférée encourt l’annulation sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ;

Considérant que devant l’issue du litige l’examen des autres moyens proposés devient surabondant ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

le dit également fondé ;

partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire devant le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 janvier 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13680
Date de la décision : 23/01/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-01-23;13680 ?

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