La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2002 | LUXEMBOURG | N°14020

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 janvier 2002, 14020


Tribunal administratif N° 14020 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 septembre 2001 Audience publique du 14 janvier 2002

==============================

Requête formée par Monsieur …, ….

en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14020 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 septembre 2001 par Maîtr

e Johanna MOZER, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de ...

Tribunal administratif N° 14020 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 septembre 2001 Audience publique du 14 janvier 2002

==============================

Requête formée par Monsieur …, ….

en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14020 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 septembre 2001 par Maître Johanna MOZER, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice du 1er juin 2001, lui notifiée le 10 juillet 2001, portant refus du statut de réfugié politique dans son chef ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 novembre 2001 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Johanna MOZER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives en la chambre du conseil.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 10 juillet 2001, Monsieur … s’est vu notifier une décision du ministre de la Justice du 1er juin 2001 portant refus dans son chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, prononcé sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire.

Sur ce, Monsieur … saisit le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Diekirch d’une demande d’assistance judiciaire, laquelle a été rencontrée par courrier dudit bâtonnier du 27 juillet 2001 libellé comme suit :

« Monsieur …, En ma qualité de bâtonnier de l’ordre des avocats à Diekirch, j’accuse réception de votre demande d’assistance judiciaire.

Par décision de ce jour, l’assistance judiciaire, vous a été refusée et ce pour les motifs suivants.

- L’action apparaît manifestement irrecevable sinon dénuée de fondement (cf. la motivation explicite contenue dans la lettre du ministre de la Justice du 01.06.2001).

D’après l’article 37-1 (7) de la loi modifiée du 10 août 1991, vous pouvez introduire appel devant le Conseil disciplinaire et administratif, b.p. 575, L-2015 Luxembourg qui statue en dernier ressort contre les décisions du Bâtonnier de refus ou de retrait du bénéfice de l’assistance judiciaire. L’appel est introduit auprès du Président du Conseil disciplinaire et administratif sous forme de lettre recommandée dans un délai de dix jours à partir de la notification de la présente décision ».

Par courrier du 2 août 2001, Monsieur … introduisit un appel contre la décision du 27 juillet 2001 refusant de faire droit à sa demande d’assistance judiciaire auprès du Conseil disciplinaire et administratif des avocats. A la suite de ce courrier, Monsieur … fut convoqué à la date du 12 septembre 2001 par le délégué du Conseil disciplinaire et administratif afin de l’entendre en ses explications.

Par requête déposée en date du 24 septembre 2001, Monsieur … demanda le relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 1er juin 2001.

A l’appui de sa requête, il fait valoir que face au courrier du bâtonnier prérelaté du 27 juillet 2001 lui refusant l’assistance judiciaire, il aurait tout de suite relevé appel contre cette décision, étant donné que ses faibles ressources ne lui auraient pas permis de s’offrir les services d’un avocat, que par courrier du 6 septembre 2001, il aurait été convoqué par le délégué du Conseil disciplinaire et administratif qui, à l’issu d’un rendez-vous ayant eu lieu le 12 septembre 2001, l’aurait informé que l’assistance judiciaire ne lui serait sans doute pas accordée, au motif qu’il serait forclos à agir contre la décision du ministre de la Justice, qu’au jour du présent recours, aucune décision n’aurait été rendue par le prédit Conseil et que son mandataire actuel agirait à titre gratuit. Il estime qu’il ressort des éléments qui précèdent qu’il aurait entrepris toutes les diligences nécessaires pour obtenir l’assistance d’un avocat, mais qu’en raison d’un concours de plusieurs circonstances il n’aurait pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat pour entreprendre la décision litigieuse du ministre de la Justice du 1er juin 2001. Il soutient qu’aucune négligence ne pourrait lui être reprochée et qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir fait confiance aux instances représentatives de la profession d’avocat pour prendre son affaire en mains, de sorte qu’il y aurait lieu de le relever de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois pour agir en justice.

Le délégué du gouvernement fait valoir que la requête en relevé de forclusion de Monsieur … ne remplirait manifestement pas les conditions posées par l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice.

Ainsi, le demandeur aurait eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, la notification ayant été effectuée en mains propres et il ne serait par ailleurs pas prouvé qu’il se soit trouvé dans l’impossibilité d’agir.

Le représentant étatique soutient à ce sujet que lors de son audition du 28 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice au sujet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, le demandeur aurait déjà été informé de son droit de se faire assister par un avocat. Il estime qu’en tout état de cause, le demandeur aurait pu s’adresser à un avocat de son choix qui, après coup, aurait pu solliciter l’assistance judiciaire. En effet, il soutient qu’il faudrait distinguer entre l’assistance judiciaire gratuite et l’accès à la justice.

La requête en relevé de déchéance, non autrement contestée sous ce rapport, ayant été présentée suivant les formes et délai prévus par la loi, elle est recevable.

La loi précitée du 22 décembre 1986 dispose en son article 1er que « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».

En l’espèce, il est constant en cause qu’à partir de la notification en date du 10 juillet 2001 de la décision ministérielle du 1er juin 2001, Monsieur … a eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, étant entendu que ladite décision comprend l’indication complète des voies de recours ensemble l’indication de sa communication au demandeur et que ce dernier a été informé quant aux voies de recours qui lui étaient ouvertes.

Ainsi, le demandeur ne rentre dès lors pas sous les prévisions du premier cas d’ouverture d’un relevé de déchéance prévu par la loi.

L'article 1er de la loi précitée du 22 décembre 1986 prévoit néanmoins un autre cas d'ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance, à savoir l'hypothèse dans laquelle, bien que le demandeur a eu connaissance de l'acte en question, il était dans l'impossibilité d'agir.

Force est de constater que seulement pour le premier cas d’ouverture, celui où la personne concernée n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, le texte légal prérelaté exige que cette hypothèse soit vérifiée « sans qu’il y ait eu faute de sa part », alors que pour le deuxième cas d’ouverture, relatif à l’impossibilité d’agir, pareille condition n’est point prévue.

Ainsi, si en règle générale la négligence de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie pas un relevé de forclusion, le tribunal est amené à retenir au vu des circonstances spécifiques de l’espèce, à savoir notamment les difficultés de compréhension du système juridique luxembourgeois ainsi que le manque absolu de revenus permettant de charger un avocat sans l’assistance judiciaire, et au-delà du caractère bien fondé ou non de la décision prérelatée du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Diekirch, que cette dernière, s’appuyant sur le caractère manifestement infondé de la demande d’obtention du statut de réfugié politique retenu dans la décision ministérielle du 1er juin 2001 pour constater dans le chef de son recours projeté que son « action est manifestement irrecevable sinon dénuée de fondement », est de nature à constituer de façon équipollente dans le chef du demandeur, indigent, un cas d’impossibilité d’agir au niveau de l’accès à la justice dans le cadre de la désignation d’un mandataire par la voie de l’assistance judiciaire.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la requête en relevé de déchéance est fondée au regard de l’impossibilité d’agir ainsi constatée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit la requête en relevé de forclusion en la forme ;

au fond la déclare justifiée et partant autorise Monsieur … à introduire un recours contentieux contre la décision ministérielle du 1er juin 2001 par laquelle leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée non fondée ;

dit que le délai fixé en vue de l’introduction du recours contentieux précité courra du jour du prononcé du présent jugement ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 14 janvier 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14020
Date de la décision : 14/01/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-01-14;14020 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award