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14/01/2002 | LUXEMBOURG | N°13483

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 janvier 2002, 13483


Tribunal administratif N° 13483 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2001 Audience publique du 14 janvier 2002

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de reconstitution de carrière

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 25 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, chargée de cours, demeurant à ...

Tribunal administratif N° 13483 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2001 Audience publique du 14 janvier 2002

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de reconstitution de carrière

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 25 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, chargée de cours, demeurant à L-…, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 19 janvier 2001 ayant reconstitué sa carrière en tenant compte du grade de référence E6 et en fixant la durée de son stage à deux ans;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2001 par Maître Nicolas DECKER au nom de Madame …, préqualifiée;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Andrée BRAUN, en remplacement de Maître Nicolas DECKER, et Madame le délégué du gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté de la ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle du 6 juillet 1998, Madame …, docteur en linguistique – sciences du langage, fut assimilée au grade E7 pour la rémunération des prestations d'enseignement fournies dans l'intérêt des études pour éducateurs gradués et éducateurs à l'Institut d'études éducatives et sociales (I.E.E.S.).

Par arrêté du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 19 janvier 2001, la carrière de Madame …, employée de l'Etat depuis le 1er janvier 2000, fut reprise et reconstituée en tenant compte des données suivantes:

a) carrière de référence: chargé de cours;

b) grade: grade E6;

2 c) entrée en service: 1.10.1997;

d) début de carrière: 1.10.1999.

Le 5 mars 2001, Madame … fit introduire un recours gracieux contre ladite décision ministérielle en sollicitant la fixation de sa rémunération en fonction du grade E7 et en demandant la suppression de la période de stage de deux ans fixée par l'arrêté ministériel du 19 janvier 2001.

Par courrier du 26 mars 2001, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative fit savoir à Madame … qu'il refusait de revenir sur sa décision antérieure, concernant tant la détermination du grade que de la période de stage.

Par requête déposée le 25 mai 2001, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l'annulation de la décision ministérielle du 19 janvier 2001. Elle demande une reconstitution de sa carrière sur base du grade de référence E7 et la suppression de la période de son stage.

Concernant le grade de référence, elle se réfère à la décision de la ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle du 6 juillet 1998 l'ayant assimilée, pour sa rémunération, au grade E7. Elle estime que s'il est vrai que le règlement grand-ducal du 14 décembre 2000 fixant les conditions de travail et les indemnités des chargés de cours à durée indéterminée de l'IEES permet au ministre de la Fonction publique de classer les chargés de cours dans le grade immédiatement inférieur, pareille décision, si elle modifie une décision antérieure du ministre de l'Education nationale, doit être motivée et que la décision litigieuse du 19 janvier 2001 ne l'est pas. Elle souligne par ailleurs qu'en vertu du principe général du droit de la confiance légitime, elle est en droit d'exiger que le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative tienne compte de la décision prise par son administration "naturelle", à savoir le ministère de l'Education nationale. – Se prévalant par ailleurs d'une pratique professionnelle et pédagogique importante lors de son entrée en service, elle demande la suppression de la période de son stage, fixée à deux ans.

Le délégué du gouvernement répond que le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative est seul compétent pour classer les employés de l'Etat. Il renvoie par ailleurs au courrier du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 26 mars 2001, faisant suite au recours gracieux introduit par Madame …, qui motiverait exhaustivement la décision entreprise. Il entend finalement rejeter le motif tiré de la légitime confiance de la demanderesse dans la décision de la ministre de l'Education nationale, en soulignant qu'elle a signé le 29 décembre 2000 un contrat d'engagement à durée indéterminée avec le ministère de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche faisant expressément référence au règlement grand-ducal du 14 décembre 2000, précité, qui constituerait la base légale de la décision entreprise.

Madame … rétorque que le contrat d'engagement invoqué par le délégué du gouvernement a été signé en réalité en septembre 2000 déjà, la date du 29 décembre 2000 ayant été apposée ex post. Elle souligne que ce contrat a été signé alors même que le règlement grand-ducal du 14 décembre 2000 n'était pas encore en vigueur. A l'appui de son soutènement, elle fait remarquer que la référence au règlement grand-ducal en question, contenue à l'article 1er du contrat d'engagement, a été insérée plus tard, et qu'à l'article 4 du dit contrat, relatif à la rémunération, l'espace destiné à mentionner la date du règlement grand-

ducal a été laissé en blanc. Elle offre en preuve ces faits.

3 Une contestation relative à la reconstitution de la carrière d'un employé de l'Etat conditionnant la fixation de l'indemnité lui revenant relève à la fois de son contrat d'emploi et de sa rémunération, de sorte qu'elle peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. C'est partant à bon droit que Madame … a introduit en l'espèce un recours en réformation, qui est par ailleurs régulier en la forme, de sorte qu'il est recevable. Par voie de conséquence, le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est irrecevable.

Au fond, le premier reproche, tiré d'une absence de motivation de la décision entreprise, est à rejeter pour manquer en droit et en fait. En effet, d'une part, la sanction de l'obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours et non dans la réformation ou l'annulation de l'acte. D'autre part, la décision entreprise se trouve exhaustivement motivée par les explications contenues dans le courrier adressé le 26 mars 2001 par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative à la demanderesse.

Concernant la légalité du classement de la demanderesse dans le grade E6, il y a lieu de relever que le règlement grand-ducal du 14 décembre 2000, précité, définit, par application de son article 1er, le statut de certains chargés de cours engagés à durée indéterminée et à tâche complète ou partielle sous le régime de l'employé de l'Etat auprès de l'IEES. La même disposition permet l'engagement de ces chargés de cours, qui, en principe, étaient rémunérés jusqu'au 1er janvier 2000 sur présentation d'une déclaration de créance périodique, sous le régime d'employé de l'Etat.

En vertu de l'article 3 (2) du même règlement grand-ducal, les chargés de cours qui remplissent toutes les conditions d'études et d'examens prescrites pour la nomination à une des fonctions classées aux grades E3, E4, E5, E6 et E7 ou pour l'admission au stage d'une de ces fonctions peuvent être classés dans le grade immédiatement inférieur à celui où est classée la fonction correspondante.

En l'espèce, il n'est pas litigieux entre les parties que la fonction de référence à laquelle Madame … est occupée est classée au grade E7, de sorte que, par application de la disposition précitée, elle a droit à être classée, en sa qualité d'employée de l'Etat, au grade immédiatement inférieur, soit le grade E6.

C'est à tort qu'elle entend tirer de sa rémunération antérieure, c'est-à-dire de celle qu'elle touchait avant qu'elle n'obtînt le statut d'employée de l'Etat, le droit de bénéficier d'une indemnité correspondant à son ancienne rémunération, le règlement grand-ducal du 14 décembre 2000 prévoyant de manière autonome, sans référence à une rémunération touchée antérieurement sous un autre régime, le montant de l'indemnité à laquelle a droit l'employé de l'Etat. Aucune disposition légale ou réglementaire ne permet en effet à un chargé de cours ayant été rémunéré sur base de déclarations de créance périodiques de conserver, sous son nouveau statut pour lequel il a librement opté, une rémunération qu'il touchait antérieurement sans bénéficier d'un tel statut. Dans cette optique, la décision ministérielle procédant à la reprise de la demanderesse par l'Etat et en procédant à la reconstitution de sa carrière ne constitue pas la modification d'une décision antérieure, mais une décision nouvelle.

C'est encore à tort que Madame … soutient que sa légitime confiance a été trompée, ce qui revient à dire qu'elle n'a pas librement opté pour son nouveau statut avec toutes les conséquences, notamment concernant sa rémunération, qui s'ensuivent. Elle a en effet signé 4 un contrat, daté du 29 décembre 2000, qui fait référence au règlement grand-ducal du 14 décembre 2000 lequel contient les dispositions en vertu desquelles sa rémunération correspond au grade E6.

Son offre de preuve tendant à établir que le contrat a été antidaté est irrecevable pour défaut de précision, en ce qu'elle n'indique pas par quel moyen de preuve elle entend procéder. Une offre de preuve par témoins serait encore irrecevable par application de l'article 1341 du code civil, qui prohibe la preuve testimoniale contre et outre le contenu aux actes.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation, en ce qu'il tend au classement de la demanderesse au grade E7, manque de justification.

Madame … sollicite encore la suppression de sa période de stage, fixée à deux ans par la décision ministérielle entreprise.

En vertu de l'article 3, (4) du règlement grand-ducal précité du 14 décembre 2000, les chargés de cours sont considérés comme étant en période de stage pendant les deux premières années de service. La période de stage peut être réduite ou supprimée en fonction de la pratique professionnelle ou pédagogique, consécutive à la fin des études ou de la formation ou à l'obtention du diplôme, dont le chargé de cours peut se prévaloir lors de son entrée en service. Les décisions y relatives sont prises par le ministre ayant dans ses compétences l'Enseignement supérieur.

En l'espèce, il se dégage du courrier adressé le 5 mars 2001 par le mandataire de la demanderesse au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative que Madame …, se prévalant lors de son entrée en service d'une pratique professionnelle et pédagogique importante, sollicita la suppression de sa période de stage.

Le ministre, au lieu de transmettre la demande afférente pour raison de compétence à la ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi que l'y obligeait l'article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, refusa de faire droit à la demande.

La décision afférente ayant été prise par une autorité incompétente, elle encourt l'annulation. Le tribunal administratif, encore qu'il soit saisi d'un recours en réformation, doit dès lors se borner à annuler la décision et à renvoyer l'affaire devant l'autorité administrative compétente.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare partiellement justifié, dans le cadre du recours en réformation, annule pour raison d'incompétence la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative refusant la suppression de 5 la période de stage de la demanderesse, et renvoie l'affaire devant la ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, déclare le recours non justifié pour le surplus et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, fait masse des dépens et les impose pour moitié à la demanderesse et pour moitié à l'Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 14 janvier 2002 par:

M. Ravarani, président, Mme. Lamesch, juge, M. Spielmann, juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13483
Date de la décision : 14/01/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-01-14;13483 ?

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