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10/01/2002 | LUXEMBOURG | N°12869

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 janvier 2002, 12869


Tribunal administratif N° 12869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2001 Audience publique du 10 janvier 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’accès au dossier fiscal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12869 et déposée le 7 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à …, tendant à la ...

Tribunal administratif N° 12869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2001 Audience publique du 10 janvier 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’accès au dossier fiscal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12869 et déposée le 7 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 décembre 2000 lui refusant l’accès à son dossier fiscal ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2001 au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Fernand ENTRINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 28 novembre 2000, Monsieur … s’adressa, par l’intermédiaire de son mandataire, au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », pour obtenir accès à son dossier fiscal. La lettre du 28 novembre 2000 est libellée comme suit : « (…) ce qui m’intéresse dans le dossier administratif c’est la problématique du domicile fiscal de mon client et les rapports qu’a eus votre administration avec son homologue français au sujet de cette question. Je vous prie de bien vouloir m’informer quand je peux consulter ce dossier et ceci par retour du courrier ».

En réponse à la prédite lettre, le directeur fit parvenir au mandataire de Monsieur … un courrier daté du 8 décembre 2000, libellé comme suit : « Comme les dossiers fiscaux sont constitués aux fins d’une juste administration des impôts et non pas pour permettre aux contribuables de les consulter comme bon leur semble, il ne pourra être fait droit à votre demande, à moins que vous n’indiquiez clairement, comme cela vous avait déjà été suggéré antérieurement, de quel litige il s’agit ».

Par requête du 7 février 2001, Monsieur … introduisit un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision susvisée du directeur du 8 décembre 2000.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il aurait été un contribuable résident en France jusqu’au moment du transfert de son domicile au Luxembourg au courant de l’année 1991. De ce fait, il soutient avoir été un contribuable résident au Luxembourg au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-

après dénommée « LIR » et qu’il aurait été déclaré comme tel auprès de l’administration des Contributions directes pour les années 1991 à 1993.

Néanmoins, sur demande de la direction générale des impôts de la République française du 27 septembre 1993, l’administration des Contributions directes informa cette dernière, par courrier du 13 janvier 1994 que « cette adresse [de M. …] constitue cependant une adresse purement fictive et les époux … n’ont jamais été considérés comme ayant eu leur domicile fiscal, au sens des dispositions du droit interne ou des stipulations conventionnelles, au Grand-Duché ». L’administration des Contributions directes confirma cette position une nouvelle fois par lettre du 13 janvier 1995.

Monsieur … soutient que son mandataire de l’époque aurait contesté cette vision des choses et « l’attitude de l’autorité luxembourgeoise [aurait] fait l’objet d’une violente mise au point par [son] mandataire de l’époque ».

Au vu des considérations qui précèdent, Monsieur … conclut qu’il aurait un intérêt évident à consulter son dossier pour connaître les éléments de fait et de droit invoqués par l’administration des Contributions directes pour soutenir qu’il n’avait pas eu son domicile fiscal au Luxembourg.

En droit, il base son recours sur les dispositions du paragraphe 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts, ci-après dénommée « AO », ainsi que sur les principes de la procédure administrative non contentieuse, au motif qu’il y aurait eu explicitement sinon implicitement des modifications ou « Abweichungen » de ses déclarations d’impôts. En ordre subsidiaire, il déclare baser son recours sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le non accès par le contribuable à son dossier constituerait une violation du principe du procès équitable.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu par la loi. Il estime ensuite que la lettre du 8 décembre 2000 du directeur ne serait pas constitutive d’une décision administrative susceptible d’être annulée et, même à supposer que la lettre précitée du 8 décembre 2000 constitue une décision, il soutient que le recours ne serait pas fondé.

Aucune disposition légale ne conférant compétence, à la juridiction administrative, pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la lettre précitée du 8 décembre 2000 par laquelle le directeur a refusé au demandeur l’accès à son dossier fiscal.

En l’absence d’un recours spécifique prévu en la matière, le recours en annulation, recours de droit commun, est donc en principe admissible contre la prédite lettre directoriale.

Il convient ensuite d’examiner le moyen d’irrecevabilité du recours soulevé par le délégué du gouvernement basé sur ce que la lettre attaquée ne serait pas constitutive d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

En effet, pour constituer une décision administrative susceptible d'un recours contentieux, la décision doit être prise par une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés. L'acte doit en outre faire grief au requérant en affectant directement sa situation personnelle et en étant de nature à lui causer un préjudice individualisé. L'acte doit finalement constituer une étape finale dans la procédure (cf. trib. adm. 27 novembre 1997, n° 10123 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Actes administratives, n° 4).

En l’espèce, il est constant en cause que le mandataire du demandeur s’était adressé au directeur pour avoir accès au dossier fiscal de son mandant. Il se dégage parallèlement de la lettre précitée du 8 décembre 2000 que le directeur a refusé au demandeur l’accès à son dossier fiscal, de sorte qu’il y a lieu de retenir des considérations qui précèdent qu’il s’agit d’une décision administrative refusant de faire droit à une demande d’un administré susceptible de faire grief et d’être attaquée devant les juridictions administratives. Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du directeur, en ce qu’il estimait ignorer la nature du litige qui opposerait Monsieur … à son administration, étant donné que la demande formulée, peu importe sa pertinence, indiquait clairement le nom du demandeur, l’objet de la demande et le contexte dans lequel elle a été posée, à savoir la « problématique » du domicile fiscal du demandeur.

Le recours en annulation est partant recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

Au fond, le demandeur entend baser son recours sur les dispositions du paragraphe 205 alinéa 3 AO qui dispose que « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Force est de constater que le paragraphe 205 alinéa 3 AO vise l’hypothèse dans laquelle préalablement à l’émission d’un bulletin d’imposition, le contribuable a le droit d’obtenir communication des éléments au sujet desquels le bureau d’imposition décide de ne pas se tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur de ce dernier par rapport à sa déclaration. Le paragraphe 205 AO ne peut cependant être invoqué que dans le cadre d’un procès dirigé contre une décision d’imposition ou de non-imposition.

Or, en l’espèce, il n’existe pas de décision d’imposition et il ressort en outre d’un certificat établi en date du 2 mai 1996 par l’administration des Contributions directes, et qui a été adressé à l’ancien mandataire de Monsieur …, que ce dernier n’est pas considéré « comme ayant son domicile fiscal, au sens du §4 de l’article 2 de la Convention franco-

luxembourgeoise tendant à éviter les doubles impositions, au Luxembourg ». Ce certificat, refusant de reconnaître à Monsieur … la qualité de contribuable résident au Luxembourg, n’a pas fait l’objet d’un recours. C’est dès lors à bon droit que le représentant étatique soutient que le paragraphe 205 AO ne saurait trouver application, étant donné qu’il « s’adresse au bureau d’imposition qui procède à une imposition et ne peut servir devant le directeur qu’à contrôler la légalité formelle du bulletin d’impôt qui en est l’aboutissement ». En effet, à défaut d’une procédure d’imposition en cours, le demandeur ne peut se baser sur le prédit paragraphe pour avoir accès à son dossier fiscal.

Concernant le moyen tiré de la violation des « principes de la procédure administrative non contentieuse », force est de retenir que la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse dispose en son article 5 que « la présente loi et ses règlements d’exécution ne s’appliquent pas à la matière des contributions directes », de sorte que ce moyen, par ailleurs non autrement précisé, est également à rejeter.

A titre subsidiaire, le demandeur entend baser son recours sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce que « le non accès au dossier pour le contribuable constitue une violation du principe de procès équitable ».

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique qu’aux contestations portant sur des droits et obligations à caractère civile ainsi qu’aux accusations en matière pénale. Or, en l’espèce, le litige portant sur l’accès au dossier fiscal ne rentre dans aucune de ces deux catégories, de sorte que l’article 6 n’est pas applicable au cas d’espèce.

Partant, le moyen afférent est également à rejeter.

Aucun autre moyen n’ayant été avancé dans le cadre du présent recours, il y a lieu de le rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 10 janvier 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12869
Date de la décision : 10/01/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-01-10;12869 ?

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