Tribunal administratif N° 12947 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2001 Audience publique du 19 décembre 2001
==========================
Recours formé par Madame … SCHILTZ, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Heffingen en présence des époux …, … en matière de permis de construire
--------------------------------------------------------------------------------------------
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 12947 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2001 par Maître Lynn SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SCHILTZ, demeurant à L-…, tendant à l’annulation des deux premiers points d’une décision du bourgmestre de la commune de Heffingen du 22 novembre 2000 accordant aux époux … une autorisation de construire pour l’achèvement de divers travaux à leur immeuble situé à L-…, dans la limite uniquement de la référence y faite à un prétendu accord entre parties du 21 juillet 1999 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 28 février 2001, portant signification de ce recours à l’administration communale de Heffingen, ainsi qu’aux époux …;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2001 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte des époux …;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 25 avril 2001, portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … SCHILTZ, ainsi qu’à l’administration communale de Heffingen ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2001 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de Heffingen ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifié, du 21 mai 2001 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame … SCHILTZ, ainsi qu’aux époux … ;
Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Pierre METZLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame … SCHILTZ, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 septembre 20001 ;
Vu la constitution de nouvel avocat du 20 novembre 2001 de Maître Claude SCHMARTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame … SCHILTZ ;
Vu le courrier déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2001 par Maître Claude SCHMARTZ informant le tribunal de ce que Madame … SCHILTZ a été admise au bénéfice de l’assistance judiciaire ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Claude SCHMARTZ, Albert RODESCH et Christiane GABBANA en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 décembre 2001.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Par décision datant du 16 mai 1995, le bourgmestre de la commune de Heffingen accorda aux époux …, préqualifiés, « l’autorisation pour la construction d’une maison trifamiliale, sur leur terrain sis à Heffingen, section …de Heffingen, lieu-dit « …», inscrit au cadastre sous les numéros …/… et …/…». Par décision séparée du 27 juillet 1995, confirmée par lettre du 3 août 1995, il accorda à Monsieur … l’autorisation d’aménager une fenêtre mansardée dans ladite maison.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil d’Etat en date du 21 novembre 1996, Madame … SCHILTZ, préqualifiée, propriétaire du terrain contigu à celui ayant reçu la construction des époux … ainsi autorisée, a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation des décisions prévisées du bourgmestre de la commune de Heffingen pour excès de pouvoir et violation de la loi. Dans le cadre dudit recours, le tribunal administratif, saisi de l’affaire, avait procédé à une visite des lieux en date du 16 juillet 1999. A partir de ce cette visite des lieux des pourparlers d’arrangement ont eu lieu entre parties, lesquels ont été concrétisés par un arrangement écrit dont le contenu se dégage des courriers de Maître Albert RODESCH du 21 juillet 1999, ainsi que de Maître Lynn SPIELMANN des 10 août et 16 octobre 1999. Cet arrangement n’ayant cependant pas apporté la satisfaction escomptée à toutes les parties au litige, le tribunal reprit l’affaire en délibéré et a déclaré le recours introduit en date du 21 novembre 1996 irrecevable pour cause de tardiveté par jugement datant du 9 juillet 2001 (n° 9727 du rôle).
Entre-temps, le bourgmestre de la commune de Heffingen avait accordé en date du 22 novembre 2000 aux époux … une autorisation de construire pour l’achèvement de divers travaux à l’immeuble litigieux, laquelle est libellée comme suit :
« Suite à votre demande du 18 septembre 2000, concernant l’exécution de divers travaux relatifs à la maison d’habitation de M. et Mme …, sis à L-…Heffingen, …, je vous autorise les travaux suivants :
2 - Fermeture d’une porte d’entrée sur la façade latérale ; (accord entre parties du 21 juillet 1999 ;
- Enlèvement des terres déposées sur la pente naturelle sur le même côté, afin de permettre au voisin d’accéder vers son jardin ; (accord entre parties du 21 juillet 1999) ;
- Achèvement de l’accès vers les garages en béton brut ;
- Achèvement de l’accès vers la maison en béton brut ;
- Mise en œuvre de la façade ;
Vu que l’emplacement du mur de soutènement à construire se trouve partiellement en dehors du périmètre d’agglomération, une demande auprès du ministre de l’Environnement est à demander. Donc, l’autorisation pour le mur restera en suspens.
En plus, le règlement des bâtisses de la commune de Heffingen, dont vous êtes en connaissance, stipule dans son article 76 : La demande d’autorisation de bâtir doit, le cas échéant, être complète par des données et les calculs relatifs à la nature et à la résistance au sol, ainsi qu’à la stabilité de la construction et à la résistance des matériaux. La commune n’endosse aucune responsabilité quant la conformité aux règles de l’art et quant à l’exactitude des calculs statiques qui s’imposent pour assurer la solidité de l’ouvrage.
Veuillez agréer, Monsieur, … ».
Par requête déposée en date du 21 février 2001, Madame SCHILTZ a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision prévisée du bourgmestre de la commune de Heffingen du 22 novembre 2000 en spécifiant que l’autorisation litigieuse est déférée « uniquement en ce qu’elle vise le prétendu accord entre parties du 21 juillet 1999 (deux premiers points de l’autorisation) ».
A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que l’autorisation de construire déférée serait à annuler en ses dispositions attaquées en raison du fait que le bourgmestre n’aurait pas été dans l’ignorance que l’arrangement y visé du 21 juillet 1999 avait été dénoncé par elle suivant courrier de son mandataire du 24 octobre 2000. Elle reproche au bourgmestre d’avoir ainsi clairement pris position dans un litige pour compte de la partie …, plutôt que d’adopter une position neutre et d’attendre le cas échéant une décision de la juridiction administrative saisie du litige principal. Elle en déduit que la décision déférée serait à annuler alors qu’elle n’aurait pas de raison d’être comme étant prématurée, voire superflue.
La demanderesse critique ensuite l’autorisation de construire déférée en faisant valoir qu’il ressortirait des plans y annexés et en faisant partie intégrante, que cette autorisation porterait une atteinte intolérable à ses droits en ce que 1) elle violerait ouvertement sa propriété pour ne pas en respecter les limites, étant donné que le plan intitulé « vue en plan 1/100 » prévoirait l’adossement d’un mur de soutènement contre un soit-disant mur existant lequel se trouverait cependant entièrement sur sa propriété et non pas, comme indiqué sur le plan en question, à la limite des terrains, ainsi que 2) en ce que le mur de soutènement autorisé serait loin de couvrir la frontière entre les deux propriétés, alors que l’accord du 21 juillet 1999 aurait clairement prévu la construction d’un mur de soutènement le long de la frontière entre les deux propriétés afin de stabiliser le volume de terre accumulée par la partie … sur sa propriété en amont de la propriété SCHILTZ, et que 3) ladite autorisation, au vu des plans déposés, rendrait illusoire tout exercice à son profit d’une servitude de passage, étant donné que suivant les plans déposés un remblai en oblique au niveau de cette servitude de passage de l’ordre de 65 cm serait prévu.
3 La partie demanderesse, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, conclut partant à l’annulation pure et simple de la décision critiquée pour violation de la loi, sinon excès de pouvoir, sinon détournement de pouvoir.
Les époux … soulèvent principalement l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt né, actuel et légitime dans le chef de la demanderesse, en faisant valoir que l’autorisation déférée ne ferait qu’entériner sur le plan administratif les termes d’une transaction entre parties, laquelle aurait nécessité, pour son exécution, l’obtention d’une autorisation du bourgmestre et que le fait serait que lorsque la demanderesse avait appris que la procédure administrative était sur le point d’aboutir, elle aurait décrété d’un jour à l’autre le soi-disant échec de la transaction valablement conclue entre parties, lequel échec serait cependant sans relevance pour l’appréciation d’un intérêt à attaquer l’autorisation litigieuse.
La partie demanderesse, en tant que voisine directe de l’immeuble faisant l’objet de l’autorisation de construire déférée, dispose de l’intérêt à agir requis par la loi pour déférer l’autorisation litigieuse au tribunal, afin de la voir examiner au regard de sa légalité dans le cadre d’un recours en annulation.
Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable suivant son objet limité ci-avant spécifié.
Il est constant à partir des termes clairs et précis de la requête introductive d’instance que la décision du bourgmestre du 22 novembre 2000 concernant l’exécution de divers travaux relatifs à la maison d’habitation litigieuse des époux …, n’est déférée que limitativement au tribunal en ce sens que seuls ses deux premiers points, pris plus particulièrement en ce qu’ils visent « un accord entre parties du 21 juillet 1999 », sont attaqués et forment ainsi l’objet du litige.
L’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame (cf. trib. adm. 18 juin 1998, n°s 10617 et 10618 du rôle, Hostert, Pas.
adm. 2001, V° Actes administratifs, n° 6 et autres références y citée, p. 19).
En l’espèce, force est de constater que la seule référence faite par le bourgmestre à un accord entre parties du 21 juillet 1999 ne comporte pas en elle-même un élément décisionnel, mais ne fait qu’illustrer la toile de fond servant de motivation à l’élément décisionnel qui réside dans le corps même des deux premiers points de l’autorisation litigieuse et qui a trait plus particulièrement à la fermeture d’une porte d’entrée sur la façade latérale, ainsi qu’à l’enlèvement des terres déposées sur la ponte naturelle sur le même côté, afin de permettre à Madame SCHILTZ d’accéder à son jardin, cette désignation étant reprise telle quelle de la demande en autorisation.
Dans la mesure où les critiques avancées par la demanderesse ayant trait exclusivement à la référence faite par le bourgmestre à un accord entre parties du 21 juillet 1999, sont étrangères au contenu même des deux volets de la décision déférée ainsi circonscrits, force est de constater que lesdits moyens ne sont pas de nature à énerver la légalité de l’autorisation telle que limitativement déférée.
4 La même conclusion s’impose quant aux développements faits par la demanderesse tendant à établir une atteinte intolérable à ses droits à travers la décision déférée, étant donné que les moyens présentés relatifs plus particulièrement à l’emplacement retenu dans le chef du mur de soutènement, ainsi qu’aux effets d’un remblai en oblique au niveau de sa servitude de passage, ne touchent pas non plus aux seuls volets déférés de la décision litigieuse ayant trait à la fermeture d’une porte d’entrée sur la façade latérale et à l’enlèvement des terres déposées sur la pente naturelle sur le même côté.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
donne acte à la demanderesse de son admission au bénéfice de l’assistance judiciaire ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le dit non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 décembre 2001 par :
M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte 5