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17/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13476

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2001, 13476


Numéro 13476 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2001 Audience publique du 17 décembre 2001 Recours formé par les époux … et … MUHOVIC-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13476 du rôle, déposée le 23 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy ARENDT, avocat à la Cour, a

ssisté de Maître Lionel BERTHELET, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des a...

Numéro 13476 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2001 Audience publique du 17 décembre 2001 Recours formé par les époux … et … MUHOVIC-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13476 du rôle, déposée le 23 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy ARENDT, avocat à la Cour, assisté de Maître Lionel BERTHELET, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MUHOVIC, né le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Rozaje (Monténégro/Yougoslavie), tous les deux de nationalité yougoslave, agissant tant en leur non personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs … et … MUHOVIC, demeurant tous actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 2 février 2001, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 18 avril 2001, les deux portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Lionel BERTHELET et Madame le délégué du Gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 novembre 2001.

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Le 17 mai 1999, Monsieur … MUHOVIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et … MUHOVIC, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux MUHOVIC-… furent entendus séparément en date du 29 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux MUHOVIC-…, par décision du 2 février 2001, notifiée en date du 5 mars 2001, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le recours gracieux introduit par les époux MUHOVIC-… suivant courrier de leur mandataire du 4 avril 2001 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 18 avril 2001, ils ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles des 2 février et 18 avril 2001 par requête déposée le 23 mai 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que Monsieur MUHOVIC aurait refusé de donner suite à une convocation à la réserve de l’armée yougoslave pour des raisons politiques et qu’il risquerait partant d’être condamné à une peine de prison en cas de retour dans son pays d’origine. Ils soutiennent que la crainte d’un emprisonnement en raison de son refus d’aller faire la guerre au Kosovo pour des raisons politiques devrait être considérée comme crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève. Les demandeurs se prévalent encore de ce que Monsieur MUHOVIC souffrirait actuellement de troubles neurologiques sérieux se traduisant par des crises d’épilepsie et signalent qu’il serait en cours de traitement au Centre hospitalier de Luxembourg. Ils estiment que l’état de désorganisation et de pénurie en Yougoslavie empêcherait toute chance que Monsieur MUHOVIC puisse y recevoir un traitement adapté à sa maladie.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » 2 La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, v° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique politique (Cour adm. 5 avril 2001, n° 12801C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le moyen fondé sur l’insoumission de Monsieur MUHOVIC, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d’asile une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève. En outre, il n’est pas établi à suffisance de droit qu’actuellement Monsieur MUHOVIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés, ni qu’il subsiste encore à l’heure actuelle un risque de poursuites en raison de son insoumission, ni encore qu’une condamnation d’ores et déjà prononcée serait encore effectivement exécutée. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et insoumis, Monsieur MUHOVIC n’établit pas que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées, ceci compte tenu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du parlement de la République fédérale yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, dont également ceux qui ont quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires.

Les problèmes de santé de Monsieur MUHOVIC, quelque soit leur gravité, ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’ils ne sont pas de nature à fonder une crainte de persécution au sens de ladite Convention et qu’il n’est pas établi qu’un suivi lui soit refusé dans son pays d’origine pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

3 Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre leur a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 décembre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13476
Date de la décision : 17/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-17;13476 ?

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