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12/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13320

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 décembre 2001, 13320


Tribunal administratif N° 13320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2001 Audience publique du 12 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … BIRGEL, …(F) contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13320 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2001 par Maître Guy THOMAS, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BIRGEL, …, ...

Tribunal administratif N° 13320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2001 Audience publique du 12 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … BIRGEL, …(F) contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13320 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BIRGEL, …, demeurant à F-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 11 février 1999, sinon de sa décision de refus implicite ainsi désignée, refusant de l’admettre au bénéfice de la garantie de ses créances salariales en raison de la faillite intervenue de son employeur pour le montant de ….- francs représentant une indemnité pécuniaire de maladie échue pour le mois de février 1992 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 octobre 2001 par Maître Guy THOMAS au nom de Monsieur … BIRGEL ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la liquidation directoriale de garanties de créances salariales du 11 février 1999 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie HAGER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 décembre 2001.

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Considérant que Monsieur … BIRGEL, préqualifié, a été engagé en qualité de maçon par la société anonyme M.C. S.A., ayant été établie à L-…, à la date du 5 novembre 1991, pour se voir adresser un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 février 1992 portant résiliation avec effet immédiat des relations de travail entre parties ;

Que par jugement du tribunal d’arrondissement, deuxième section, du 8 juillet 1992, la société anonyme M.C. a été déclarée en état de faillite ;

Que suivant procès-verbal supplémentaire de vérification des créances du 2 juillet 1993, Monsieur … BIRGEL a été admis au passif de la faillite M.C. S.A. à titre privilégié pour un montant de ….- francs, y compris la somme de ….- francs du chef d’« avances maladie du mois de février 1992 » ;

Que par jugement du 5 mai 1995, le tribunal du travail de et à Luxembourg, section ouvriers, s’est déclaré incompétent ratione materiae pour connaître de la demande en garantie basée sur l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail contre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi, tout en donnant acte au curateur de la faillite M.C. S.A. qu’il accepte les montants émargés dans la requête introductive d’instance, parmi lesquels figure le montant de ….- francs au titre d’« avances maladie du mois de février 1992 » ;

Que ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant comme juridiction d’appel en matière de droit du travail, du 2 mai 1996 (n° 18345 du rôle) ;

Considérant qu’en vertu d’un état de liquidation du 11 février 1999, établi pour compte du directeur de l’administration de l’Emploi, un montant total de ….- francs dont ….-

en faveur de Monsieur … BIRGEL a été retenu au titre de garantie de créances des salaires touchés par une faillite, dépenses imputables sur le Fonds pour l’emploi ;

Que suivant annexe audit état de liquidation, le montant de ….- francs ne comprend pas l’avance maladie du mois de février 1992 à raison de ….- francs admise au titre passif privilégié de la faillite M.C. S.A. et soumise à l’administration de l’Emploi en vue de son admission au bénéfice de la garantie salariale conformément à l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ;

Considérant que par requête déposée en date du 23 avril 2001, Monsieur … BIRGEL demande l’annulation de la décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 25 mai 1999 ainsi désignée, sinon de sa décision implicite de refus, d’après les énonciations de son dispositif, tout en se rapportant au corps de sa requête à une décision datée du 5 février 1999 ;

Considérant que le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et les délais, tout en soulignant que le recours serait irrecevable, faute de décision administrative ;

Qu’il résulterait du dossier que la pièce numéro 30 datant du 5 février 1999 est en fait un « décompte ayant trait au montant garanti par la loi au travailleur touché par la faillite de l’employeur » et non pas une décision du directeur de l’administration de l’Emploi susceptible d’un recours ;

Considérant que la décision du directeur de l’administration de l’Emploi concernant la garantie relative aux créances salariales des six derniers mois de travail constitue une décision administrative susceptible d’un recours devant la juridiction administrative (trib. adm. 19 février 1997, Reiter, n° 9462 du rôle, confirmé par Cour adm. 9 décembre 1997, n° 9869C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Travail, n° 1, p. 417 et autres décisions y citées) ;

2 Considérant qu’en l’espèce l’état de liquidation signé pour le directeur de l’administration de l’Emploi par un inspecteur de direction non autrement identifiable, daté du 11 février 1999, transmis au curateur de la faillite M.C. S.A. sur base de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, ensemble le relevé détaillé du 5 février 1999 (pièce n° 30 du dossier administratif) auquel il renvoie, constituent une décision administrative individuelle faisant grief à Monsieur BIRGEL dans la mesure du montant non retenu de ….-

francs déclaré en son nom du fait d’une indemnité pécuniaire de maladie se rapportant au mois de février 1992 ;

Qu’en l’absence d’indication des voies de recours, le recours en annulation dirigé contre ladite décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 11 février 1999 est dès lors recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse estime que la décision directoriale déférée méconnaît tant la lettre que l’esprit des dispositions applicables, l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, visant, d’après elle, à augmenter la protection du salarié lors de la survenance d’une faillite ;

Que ceci serait d’autant plus vrai que la Caisse de maladie aurait fait droit à une demande en remboursement introduite auprès d’elle par l’employeur actuellement en faillite pour ledit montant de ….- francs libellée comme ayant trait à des indemnités pécuniaires « avancées par ledit employeur au requérant pour sa période de maladie » ;

Que Monsieur BIRGEL affirme cependant formellement n’avoir jamais touché de la part de la société M.C. le montant en question, l’employeur ayant fait une fausse déclaration y relative à la Caisse de maladie des ouvriers ;

Que le salarié n’ayant rien touché au titre de l’indemnité de maladie en question, le montant de 11.859.- francs devrait être garanti sur base de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée compte tenu de la faillite intervenue entre-temps ;

Considérant que le représentant étatique fait valoir qu’il résulterait du texte de loi et des travaux parlementaires relatifs à la loi modifiée du 24 mai 1989 en question que la garantie des créances du salarié assumée en cas de faillite par le Fonds pour l’Emploi ne serait accordée qu’à concurrence du montant des créances salariales et indemnitaires couvertes par le superprivilège du salarié suivant le plafond inscrit au second paragraphe de l’article 2101 du code civil ;

Qu’il en conclut que seules les créances du salarié portant sur les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage seraient à prendre en considération ;

Qu’il serait manifeste en l’espèce que la demande en remboursement de l’employeur adressée à la Caisse de maladie et se rapportant à l’avance d’indemnités pécuniaires de maladie n’aurait nullement son origine dans la rupture de la relation de travail, mais plutôt dans le texte de l’article 11 paragraphe 3 du Code des Assurances Sociales, désigné ci-après par « C.A.S. » ;

3 Que compte tenu du fait que les textes législatifs en cause seraient d’ordre public et partant d’interprétation stricte, il ne saurait être fait droit aux revendications de la partie demanderesse ;

Considérant qu’au fond les parties sont contraires quant à l’étendue à donner à la notion de « créances d’indemnités », telle que celle-ci figure à la fois à l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée et à l’article 2101 (2) du code civil ;

Considérant que l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 dispose que « sont garanties jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101 paragraphe (2) du code civil, les créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues aux salariés à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail »;

Qu’aux termes de l’article 2101 (2) du code civil « les créances de salaires, de traitements et d’indemnités se rapportant aux six derniers mois de travail, les créances du salarié portant sur les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage s’exercent et doivent être payées avant toute autre créance privilégiée y comprises celles garanties par le privilège du trésor et des autres titulaires de ce privilège, jusqu’à concurrence d’un plafond égal au sextuple du salaire social minimum de référence »;

Considérant qu’il convient de souligner de prime abord que l’hypothèse à la base du présent recours n’est pas celle des créances du salarié portant sur les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage visée en second lieu à l’article 2101 (2) du code civil, tel que le délégué du Gouvernement entend le faire valoir à travers la citation par lui proposée lorsqu’il conclut que « seules les créances du salarié portant sur les indemnités de toute nature résultant de la rupture du contrat de travail ou du contrat d’apprentissage sont à prendre en considération » ;

Considérant qu’il importe de souligner que les créances d’indemnités, tout comme les créances de salaires se rapportant aux six derniers mois de travail sont éligibles au titre du superprivilège et à concurrence du plafond fixé au voeu de l’article 2101 (2) du code civil auquel renvoie l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, le renvoi se rapportant au seul plafond y visé ;

Considérant que s’il importe de dégager une signification conforme des deux textes prérelatés concernant leur application combinée, il appert, au-delà des questions de plafond, non pertinentes en l’espèce, que le siège de la demande de Monsieur BIRGEL réside dans les dispositions de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, retenant que les indemnités de toute nature dues au salarié (…) pour les six derniers mois de travail sont éligibles au titre de la garantie salariale y prévue, à la même enseigne (« et ») que celles résultant de la rupture du contrat de travail ;

Considérant que s’il est vrai qu’en vertu des dispositions de l’article 11 paragraphe 3 CAS, sauf dans les cas prévus par les statuts, il appartient à l’employeur d’avancer, pour compte de l’assurance maladie, l’indemnité pécuniaire se rapportant au mois de calendrier de la survenance de l’incapacité de travail et aux trois mois subséquents, cette disposition légale s’analyse en modalité de paiement de l’indemnité en question, sans en affecter la nature ;

4 Que suivant les termes de l’article 9 CAS « en cas d’incapacité de travail et pour cause de maladie ou d’accident non professionnel, la perte de revenu professionnel est compensée par l’attribution d’une indemnité pécuniaire de maladie », calculée d’après les dispositions de l’article 10 (1) CAS « par référence à la rémunération brute que l’assuré aurait gagnée en cas de continuation du travail pendant le congé de maladie » ;

Considérant que s’agissant d’une indemnité compensatrice de salaire en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie, l’indemnité réclamée par Monsieur BIRGEL est à comprendre parmi les indemnités de toute nature visées par l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 ayant trait aux six derniers mois de travail avant la survenance de la faillite, étant constant que l’indemnité en question est relative au mois de février 1992, le jugement déclaratif de faillite datant du 8 juillet suivant, de sorte à rentrer sous la précision légale également ratione temporis ;

Que les motifs de refus de principe élevés durant la procédure contentieuse par le représentant étatique sont dès lors à écarter ;

Considérant qu’en l’absence de motifs de refus contenus dans la décision déférée et à défaut de contestation de la part du représentant étatique pendant la procédure contentieuse, le fait affirmé par le demandeur du non-paiement en sa faveur de l’indemnité de congé maladie à avancer par son ancien employeur à raison de ….- francs est à considérer comme non sérieusement mis en cause à travers le pouvoir de vérification du directeur de l’administration de l’Emploi, compte tenu de l’admission de la créance afférente au passif privilégié de la faillite, non seulement lors de la vérification des créances prévisée, mais encore devant le tribunal de travail de Luxembourg suivant donner acte au dispositif du jugement du 5 mai 1995 ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que la décision directoriale déférée encourt l’annulation pour violation de la loi à concurrence de la non-

liquidation de la garantie salariale à concurrence du montant réclamé de ….- francs du chef de l’indemnité pécuniaire de maladie non avancée par son ancien employeur dans le chef de Monsieur BIRGEL ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision du directeur de l’administration de l’Emploi déférée dans la mesure de la non-admission au titre de garantie salariale du montant de l’indemnité pécuniaire de maladie de ….- francs déclarée relativement au mois de février 1992 ;

renvoie l’affaire devant la directrice de l’administration de l’Emploi pour exécution ;

condamne l’Etat aux frais.

5 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 décembre 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13320
Date de la décision : 12/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-12;13320 ?

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