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12/12/2001 | LUXEMBOURG | N°12542

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 décembre 2001, 12542


Tribunal administratif N° 12542 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 décembre 2000 Audience publique du 12 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … … contre une décision de l’Entreprise des Postes et Télécommunications en matière de résiliation d’un contrat de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12542 du rôle et déposée le 5 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Chris SCOTT, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, employé privé, demeurant à …, tend...

Tribunal administratif N° 12542 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 décembre 2000 Audience publique du 12 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … … contre une décision de l’Entreprise des Postes et Télécommunications en matière de résiliation d’un contrat de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12542 du rôle et déposée le 5 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Chris SCOTT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, employé privé, demeurant à …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications du 30 septembre 1999, portant résiliation de son contrat d’engagement en qualité d’employé et tendant encore à la condamnation de l’Entreprise des Postes et Télécommunications à la somme de 342.914.- francs du chef d’indemnité compensatoire de préavis et de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation de son contrat de travail ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos CALVO, en remplacement de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Luxembourg, du 12 décembre 2000, portant signification de ce recours à l’Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2001 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 26 janvier 2001, portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2001 par Maître Chris SCOTT au nom de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos CALVO, en remplacement de l’huissier de justice Camille FABER, préqualifié, du 28 février 2001, portant signification de ce mémoire en réplique à l’Entreprise des Postes et Télécommunications ;Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2001 par Maître Georges KRIEGER au nom de l’Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 5 mars 2001, portant signification de ce mémoire en duplique à Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Chris SCOTT et Georges KRIEGER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … … fut engagé par un contrat de travail à durée déterminée daté au 9 août 1993 en tant qu’employé par l’Entreprise des Postes et Télécommunications, pour une période allant du 1er septembre 1993 au 14 février 1995, sur base de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat. L’article 6 dudit contrat stipule encore que le contrat de travail est régi par la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ainsi que par la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat. Ledit contrat fut remplacé par un nouveau contrat signé entre les parties en date du 8 décembre 1994 par lequel Monsieur … fut engagé en qualité d’employé à l’Entreprise des Postes et Télécommunications pour une durée indéterminée et à tâche complète, à partir du 1er décembre 1994.

Par lettre du 18 août 1999 adressée au directeur général de l’Entreprise des Postes et Télécommunications, Monsieur … l’informa de sa décision de démissionner de l’Entreprise des Postes et Télécommunications avec effet à partir du 1er novembre 1999, en respectant ainsi une période de préavis de 2 mois.

Le comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications informa Monsieur …, par courrier du 30 septembre 1999, de ce qu’il était en aveu « d’avoir adressé à une centaine de clients « grands comptes » des P & T, dont [il assume] pour le moment encore la gestion, une lettre d’information concernant [son] départ de P & T Luxembourg ». Il est encore indiqué dans le prédit courrier qu’à cette occasion, il avait abusé « - du papier-entête de la Division des Télécommunications pour annoncer [son] départ aux P&T avec effet au 1er novembre 1999 et pour développer sur plus d’une page les avantages des services offerts par [son] nouvel employeur, en l’occurrence la firme Synapse s.a., société poursuivant pourtant un objet en pleine concurrence avec celui des P&T ;

- des adresses des clients [qu’il avait] eu en charge, afin de nouer des contacts pour [sa] future carrière professionnelle, données [qu’il avait] néanmoins reçues dans le cadre de l’exercice de [ses] fonctions auprès des P&T ». La lettre concluait en retenant que « les faits retenus à [sa] charge constituent des actes qui compromettent définitivement la confiance réciproque indispensable entre l’Entreprise des P&T et [lui-

même] et de ce fait rendent impossible la poursuite des rapports contractuels, de sorte que [l’Entreprise des Postes et Télécommunications se voit obligée] de résilier avec effet immédiat [son] contrat de travail pour motif grave, conformément aux dispositions des articles 19 et 27 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail » et que « l’accès aux locaux de l’Entreprise des P & T [lui est] par conséquent formellement interdit à partir de la réception de la présente ».

En réaction à cette décision de licenciement, le mandataire de Monsieur … prit position en date du 18 novembre 1999, par un courrier adressé au comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications, en contestant d’abord formellement le licenciement avec effet immédiat et en réclamant non seulement des indemnités qui reviendraient à Monsieur … du chef de primes de participation et d’allocation de fin d’année mais également le paiement d’une somme de 359.392.- francs du fait du défaut de son reclassement de la carrière B1 à la carrière C. En réponse à ces contestations et demandes formulées par Monsieur …, le directeur général adjoint de l’Entreprise des Postes et Télécommunications informa le mandataire de celui-ci, par courrier du 6 décembre 1999, d’une part, que ce dernier se serait montré « plutôt satisfait de la mesure [de licenciement]» lors de l’entretien préalable au licenciement, étant donné qu’un départ anticipé l’aurait arrangé dans la mesure où il lui aurait permis « d’avancer l’entrée en service chez son nouvel employeur » et, d’autre part, que ni les primes de participation au bénéfice ni l’allocation de fin d’année ne seraient dues en cas de licenciement. Par le prédit courrier du 6 décembre 1999, le licenciement de Monsieur … fut par ailleurs confirmé en ce qu’il aurait été justifié par les faits tels qu’ils auraient été constatés lors de l’enquête disciplinaire et l’entretien préalable des 22 et 23 septembre 1999 respectivement. En ce qui concerne le reclassement sollicité antérieurement par Monsieur …, le directeur général adjoint confirmait ses courriers et décisions antérieurs.

Par requête déposée le 5 décembre 2000, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications du 30 septembre 1999 et tendant également à la condamnation de l’Entreprise des Postes et Télécommunications à la somme de 342.914.- francs du chef d’indemnité compensatoire de préavis et de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la résiliation de son contrat de travail.

Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner le moyen soulevé par l’Entreprise des Postes et Télécommunications, en ce qu’elle conclut au rejet du mémoire en réplique de la partie demanderesse, au motif qu’il aurait été déposé en dehors du délai d’un mois prévu par la loi. - Dans ce contexte, il est indifférent que ce moyen a été soulevé dans un mémoire qui, le cas échéant, devra être écarté, étant donné que ce moyen a trait à l’ordre public et doit en tant que tel être soulevé d’office par le tribunal.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que :

« (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes (1) et (5) sont prévus à peine de forclusion.

Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5, paragraphe (7) de la loi précitée du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999, que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Par ailleurs, au vœu de l’article 5 précité, la fourniture du mémoire en réplique dans le délai d’un mois de la communication du mémoire en réponse inclut -

implicitement, mais nécessairement - l’obligation de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie voire aux parties défenderesses dans ledit délai d’un mois.

Dans la mesure où le mémoire en réponse de la partie défenderesse a été communiqué au mandataire du demandeur en date du 26 janvier 2001, le dépôt et la communication du mémoire en réplique du demandeur ont dû intervenir pour le 26 février 2001 au plus tard. Or, le mémoire en réplique, bien que déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2001, n’a été communiqué à la partie adverse qu’en date du 28 février 2001, c’est-à-dire en dehors du délai d’un mois qui a couru à compter du jour de la communication du mémoire en réponse. Par conséquent, à défaut d’avoir été communiqué dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

Dans son mémoire en réponse, l’Entreprise des Postes et Télécommunications conclut à l'incompétence du tribunal administratif pour connaître de la condamnation pécuniaire qui est sollicitée par le demandeur à son encontre.

Force est de relever, en ce qui concerne le moyen d’incompétence ainsi soulevé, que d’après l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux de l’ordre judiciaire, cette disposition excluant dans son libellé actuel toute compétence des juridictions de l’ordre administratif pour connaître, ne fût-ce qu’à titre d’accessoire, des contestations relativement à des droits civils se greffant directement sur celles ayant trait aux droits politiques lui soumises, même en présence d’un lien direct et immédiat entre elles, tel le cas des indemnités de rupture demandées dans le cadre d’un licenciement allégué comme ayant été illégal ou abusif, quelles que soient par ailleurs les considérations tirées de la nécessaire saisine d’au moins deux juridictions de deux ordres différents pour voir toiser l’ensemble des contestations, intimement liées, résultant d’une même situation d’emploi dans le chef d’un justiciable (cf. trib. adm. 14 juillet 1999, n°s 11079 et 11098 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Compétence, II. Compétence des juridictions, B. Compétences respectives des juridictions judiciaires et des juridictions administratives, n° 33, p. 79 et autre référence y citée).

En l’espèce, le demandeur a introduit une demande tendant à la condamnation de l’Entreprise des Postes et Télécommunications à une somme de 342.914.- francs du chef d’indemnité compensatoire de préavis et de dommages intérêts en réparation du préjudice tant matériel que moral subi à la suite de son licenciement. Il suit toutefois des développements qui précèdent que le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours dans la mesure où il tend à la condamnation précitée.

En ce qui concerne le recours dans la mesure où il est dirigé contre la décision précitée du comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications du 30 septembre 1999, la partie défenderesse conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’en la présente matière, un tel recours ne serait pas prévu par les dispositions légales et réglementaires applicables.

En vertu de l’article 11.1 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, à laquelle le contrat de travail de Monsieur … du 8 décembre 1994 a expressément été soumis, les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond. La résiliation du contrat d’emploi des employés de l’Etat tombe sous le champ d’application de cette disposition. Par conséquent, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, introduit à titre principal. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

L’Entreprise des Postes et Télécommunications conclut encore à la tardiveté du recours, en ce qu’il aurait été introduit plus de trois mois du jour où la décision a été notifiée au demandeur ou du jour où il a pu en prendre connaissance. Dans ce contexte, elle estime que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ne serait pas applicable en l’espèce, étant donné que la question se poserait de savoir si le prédit règlement grand-

ducal est de nature à mettre en échec l’article 28 de la loi précitée du 24 mai 1989.

La partie défenderesse fait encore valoir, au cas où il serait décidé que le prédit règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait applicable dans le cas d’espèce, que malgré le fait que les voies de recours n’étaient pas formellement indiquées dans la décision querellée du 30 septembre 1999, le demandeur en avait néanmoins eu connaissance, au motif qu’il aurait introduit, dans un premier stade, une demande devant le tribunal du travail et que dans le cadre de ladite instance judiciaire, elle avait répliqué au demandeur par un mémoire déposé en date du 13 juillet 2000 en soutenant que seul le tribunal administratif serait compétent pour connaître d’une demande en annulation, et qu’à la suite de cette information, le demandeur aurait fait rayer ladite affaire en date du 28 septembre 2000. Elle conclut sur base des faits précités que le demandeur aurait reçu communication avant l’introduction du recours sous analyse de l’indication des voies de recours et que depuis la date de cette information, plus de trois mois se seraient écoulés avant l’introduction de la requête sous analyse.

Force est tout d’abord de relever qu’en vertu de l’article 24, paragraphe (1) de la loi du 10 août 1992 portant création de l’Entreprise des Postes et Télécommunications, les agents de ladite entreprise sont soumis à un régime de droit public, de sorte que leur sont applicables toutes les dispositions actuelles et futures du statut général, des régimes des traitements, indemnités et pensions de la législation concernant non seulement les fonctionnaires mais également les employés de l’Etat.

Abstraction faite de ce que la loi précitée du 24 mai 1989 est applicable, à titre subsidiaire, pour compléter la législation et la réglementation applicables aux employés de l’Etat sur base de la loi précitée du 27 janvier 1972, il n’en demeure pas moins qu’un employé de l’Etat, dans ses relations avec l’administration, est un administré au sens du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, peu importe qu’il s’agisse d’un employé engagé directement par l’Etat ou qu’il bénéficie d’un statut de droit public, au titre de son engagement par un établissement de droit public suivant la législation qui est applicable à ce dernier, comme c’est le cas en l’espèce sur base de la loi précitée du 10 août 1992 (cf.

trib. adm. 10 juillet 1997, n° 9703 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Fonction publique, XII.

Employés publics, A. Généralités, n° 141 et autres références y citées).

En vertu de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 « les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté ».

L’omission, par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir. Cette sanction ne s’applique toutefois qu’à l’égard du destinataire direct de l’acte incriminé (cf. trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10244 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure administrative non contentieuse, XI. Information concernant les voies de recours, n° 88, p. 347 et autres références y citées).

En l’espèce, se pose la question de savoir si Monsieur …, en tant que destinataire direct de la décision incriminée du 30 septembre 1999, a introduit son recours contentieux dans le délai prévu par la loi.

Il ressort de la prédite décision du 30 septembre 1999 que celle-ci ne contient aucune indication quant aux voies de recours à exercer contre elle. Il s’ensuit qu’aucun délai de recours n’a pu commencer à courir à l’égard de Monsieur … et son recours a partant nécessairement été introduit dans les délais de la loi. Cette conclusion ne saurait être énervée ni par sa connaissance éventuelle du contenu de la décision, une telle connaissance à elle seule n’étant pas de nature à faire courir le délai légal fixé en vue de l’introduction d’un recours contentieux, ni par l’article 28 de la loi précitée du 24 mai 1989 qui n’est pas de nature à tenir en échec l’application, aux employés publics, du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, d’autant plus que le délai de forclusion y prévu au titre de l’introduction d’un recours devant les juridictions judiciaires ne saurait, par la force des choses, trouver application en cas de compétence des juridictions de l’ordre administratif.

Le recours en réformation n’étant pas autrement contesté du point de vue de sa recevabilité, il est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes de la loi.

Quant au fond, le demandeur expose que la décision de résiliation de son contrat de travail est intervenue pendant sa période de préavis, en ce qu’il a démissionné par courrier du 18 août 1999 avec effet au 1er novembre 1999 et qu’elle le dispensait de son service jusqu’à la fin de son engagement. En ce qui concerne les motifs se trouvant à la base de la décision de résiliation, il estime qu’ils ne sauraient justifier la gravité de l’acte sous analyse, d’autant plus qu’ils seraient formellement contestés dans la mesure où ils contiendraient notamment des « exagérations contraires à la réalité ».

C’est à tort que la partie défenderesse invoque, par rapport à ce moyen, l’irrecevabilité pour cause de libellé obscur, étant donné qu’elle n’a pas pu se méprendre sur l’objet du recours et le sens du moyen ainsi formulé par le demandeur, en ce que celui-ci estime que la résiliation du contrat de travail ne serait pas justifiée par rapport aux faits de l’espèce qui, comme le soulève à bon droit la partie défenderesse, ne sont toutefois pas contestés quant à leur réalité. Le moyen d’irrecevabilité ainsi invoqué est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Se prévalant implicitement mais nécessairement des dispositions de la loi précitée du 24 mai 1989, Monsieur … conteste le motif de la décision de résiliation de son contrat de travail, en ce qu’il soutient que les faits tels que présentés par l’Entreprise des Postes et Télécommunications dans la lettre de résiliation du 30 septembre 1999 sous analyse, ne justifieraient pas une mesure de cette nature.

Le régime des employés de l’Etat est un régime propre s’inspirant à la fois du régime légal des employés privés et de celui des fonctionnaires de l’Etat en ce sens que l’engagement est régi par contrat entre l’Etat et les intéressés, ces derniers bénéficiant cependant sous des conditions nettement déterminées de certains attributs réservés, en principe, aux fonctionnaires de l’Etat (v. avis du Conseil d’Etat et rapport de la commission de la Fonction publique de la Chambre des Députés, doc. parl. n° 1516, p.2).

Comme le régime des employés de l’Entreprise des Postes et Télécommunications est assimilé à celui des employés de l’Etat, par référence contenue dans l’article 24, paragraphe (1) de la loi précitée du 10 août 1992, la signature par l’Entreprise des Postes et Télécommunications d’un contrat d’emploi avec Monsieur …, fait bénéficier celui-ci d'un statut de droit public, au même titre que les employés de l'Etat, sous réserve le cas échéant des dispositions spécifiques prévues par la loi précitée du 10 août 1992.

Il s’ensuit que la relation entre l’Entreprise des Postes et Télécommunications et son employé est fondée sur un contrat et la loi précitée du 24 mai 1989 régit, sur base du renvoi direct opéré par l’article 4 de la loi précitée du 27 janvier 1972, la forme et les modalités de l’engagement. - L’article 5 de la même loi, relative à la résiliation du contrat d’emploi, ne comporte par contre pas de renvoi aux dispositions afférentes de la loi précitée du 24 mai 1989, de sorte que la décision prise par l’Entreprise des Postes et Télécommunications de résilier un contrat d’emploi doit être qualifiée de décision administrative soumise d’abord au régime spécifique de la loi précitée du 27 janvier 1972 et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat (cf. trib. adm. 10 juillet 1997, op.

cit.). La loi précitée du 24 mai 1989 n’a en conséquence pas vocation à s’appliquer in globo en tant que réglementation de la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat, et, par renvoi, d’un employé de l’Entreprise des Postes et Télécommunications.

Conformément à l’article 1er, alinéa 1er de la loi précitée du 27 janvier 1972, elle n’est que de nature à suppléer, dans les limites de sa compatibilité avec les dispositions sus-

visées, aux lacunes des dispositions combinées de la loi précitée du 27 janvier 1972 et de la réglementation de la procédure non contentieuse.

Concernant le bien fondé de la décision de résiliation du contrat d’emploi de Monsieur … que celui-ci conteste, le tribunal constate, au vu des pièces versées et des renseignements fournis, qu’au cours du mois de septembre 1999, celui-ci a manqué à ses obligations professionnelles en utilisant du papier à entête de la division des télécommunications, unité commerciale, de l’Entreprise des Postes et Télécommunications pour s’adresser aux clients de ladite entreprise en vue de les informer, d’une part, de ce qu’à partir du 1er novembre 1999, il a été engagé en tant que responsable commercial d’une société dont les activités se situent en concurrence directe avec celles de l’Entreprise des Postes et Télécommunications et, d’autre part, des services offerts par ladite société, en essayant ainsi de récupérer des clients des Postes et Télécommunications au profit de la société commerciale au sein de laquelle il a été engagé, sans disposer de l’accord de son employeur de l’époque, à savoir l’Entreprise des Postes et Télécommunications. Il ressort plus particulièrement du compte rendu établi en date du 27 septembre 1999 au sujet d’une réunion ayant eu lieu entre des membres du service du personnel et du service juridique de l’Entreprise des Postes et Télécommunications et Monsieur …, assisté de son mandataire, que les faits qui lui ont ainsi été reprochés n’ont pas été contestés quant à leur réalité par Monsieur …, ce dernier faisant simplement état de son inconscience et de son « manque de réflexion » quant aux actes commis, en exprimant ses regrets vis-à-vis de l’Entreprise des Postes et Télécommunications.

Le tribunal estime ce comportement d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement avec effet immédiat.

La gravité du comportement prédécrit justifiant à elle seule la résiliation intervenue à l’égard du demandeur, la décision afférente est légalement justifiée. Il suit de ce qui précède que la décision de résiliation du contrat de travail de Monsieur … intervenue par courrier du 30 septembre 1999 est légalement justifiée et la demande en réformation de cette décision est partant à rejeter.

Les indemnités de procédure sollicitées tant par le demandeur, d’un import de 35.000.- francs, que par l’Entreprise des Postes et Télécommunications, d’un import de 40.000.- francs, qui sont erronément basées sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, alors qu’elles trouvent leur base légale à l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999, sont à rejeter comme n’étant pas fondées, en ce que, d’une part, le demandeur n’a pas eu gain de cause et, en ce que, d’autre part, les conditions légales ne sont pas remplies en vue d’accorder à l’Entreprise des Postes et Télécommunications une telle indemnité.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

écarte des débats les mémoires en réplique et en duplique tardivement fournis ;

se déclare incompétent pour connaître du recours dans la mesure où il tend à la condamnation de l’Entreprise des Postes et Télécommunications à la somme de 342.914.-

francs au titre d’une indemnité compensatoire de préavis et de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à la suite du licenciement de Monsieur … ;

se déclare compétent pour connaître du recours dans la mesure où il est dirigé contre la décision du comité de direction de l’Entreprise des Postes et Télécommunications du 30 septembre 1999 ;

déclare le recours en annulation irrecevable dans cette même mesure ;

reçoit le recours en réformation en la forme dans la mesure où il est dirigé contre la décision précitée du 30 septembre 1999 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette les demandes en allocation d’indemnités de procédure formulées tant par le demandeur que par l’Entreprise des Postes et Télécommunications comme n’étant pas fondées ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 12 décembre 2001, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12542
Date de la décision : 12/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-12;12542 ?

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