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10/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13399

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2001, 13399


Tribunal administratif Numéro 13399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2001 Audience publique du 10 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … DABIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13399 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2001 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, assisté de Maître Anne CALTEUX, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … D

ABIC, né le … à Belgrade (Serbie/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant ac...

Tribunal administratif Numéro 13399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2001 Audience publique du 10 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … DABIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13399 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2001 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, assisté de Maître Anne CALTEUX, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DABIC, né le … à Belgrade (Serbie/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L–…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 janvier 2001, notifiée le 19 février 2001, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 3 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Anne CALTEUX et Madame le délégué du Gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 novembre 2001.

Le 3 mai 2000, Monsieur … DABIC introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur DABIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 29 juin 2000, Monsieur DABIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

1 Par décision du 4 janvier 2001, notifiée le 19 février 2001, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée aux motifs qu’il n'invoquerait aucune crainte raisonnable du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social, étant donné que l’insoumission et les activités au sein du parti politique « SPO » (mouvement serbe du renouvellement) ne sauraient suffire pour constituer une crainte justifiée de persécution susceptible de lui rendre la vie intolérable dans son pays d’origine.

Par courrier de son mandataire datant du 19 mars 2001, Monsieur DABIC fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 4 janvier 2001. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 3 avril 2001, il a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 4 janvier et 3 avril 2001 par requête déposée en date du 4 mai 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur DABIC reproche au ministre de ne pas avoir procédé à une appréciation globale de tous les faits qui lui ont été soumis ainsi que de s’être borné à analyser lesdits faits séparément en dehors de leur contexte général. Il fait valoir que s’il était vrai que, pris isolément, les faits par lui invoqués ne revêtaient pas le caractère de gravité suffisant pour lui faire bénéficier du statut de réfugié, il ne saurait être contesté que la réunion de toutes les circonstances invoquées serait d’une gravité suffisante pour admettre l’existence d’une crainte justifiée de persécution dans son chef. Il relève plus particulièrement à cet égard que son engagement politique aux rangs du parti « SPO » et du mouvement « OTPOR », lui aurait valu des visites intempestives de la part de la police serbe à son domicile au courant des mois de février à avril 2000, que lors de ces visites il aurait été maltraité, et que d’autres provocations et maltraitances de la part de la police auraient été exercées sur lui lorsqu’il aurait collé des affiches de son parti politique à des endroits publics. Le demandeur relève encore que la plainte par lui déposée contre les policiers suite à ces maltraitances aurait été classée sans suite pour soutenir que son engagement politique aurait fait l’objet de sanctions de la part des autorités publiques d’une manière qui se trouverait en violation flagrante avec les droits élémentaires de l’homme, et notamment avec la liberté d’expression. Il ajoute avoir été licencié par son employeur, « la Yougoslav Airlines », dès que son supérieur hiérarchique aurait eu connaissance de son engagement politique, de sorte qu’il apparaîtrait que la situation dans laquelle il se serait retrouvé aurait uniquement été le résultat de son appartenance ethnique et de sa religion.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut 2 ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur DABIC lors de son audition du 29 juin 2000, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant les craintes de persécutions du demandeur en raison de son activité politique et de sa confession musulmane, seules invoquées à l'appui de son recours contentieux, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement a relevé dans son mémoire en réponse que les propos du demandeur tendant à établir que sa plainte pour maltraitances subies de la part de policiers aurait été classée sans suite, ne sont corroborés par aucun élément de preuve tangible.

Il se dégage, au contraire, des affirmations mêmes du demandeur qu’un procès a eu lieu, mais que le demandeur n’a pas eu gain de cause, sans que les circonstances exactes à la base dudit jugement, par ailleurs non versé en cause, ne soient pourtant suffisamment claires pour établir une persécution politique vécue dans le chef du demandeur. La même conclusion s’impose au sujet du licenciement du demandeur, étant donné que l’affirmation que le motif à la base dudit licenciement aurait été politique repose uniquement sur une supposition du demandeur, non suffisante pour documenter l’existence d’une persécution politique afférente dans son chef.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la violation alléguée par le demandeur de ses droits civils et politiques par les autorités de l’ancienne Yougoslavie n’est pas établie en cause et que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, donne acte à Maître Anne CALTEUX qu’elle occupe pour Monsieur … DABIC, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

3 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13399
Date de la décision : 10/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-10;13399 ?

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