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10/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13340

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2001, 13340


Numéro 13340 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 avril 2001 Audience publique du 10 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … NEZIROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13340 du rôle, déposée le 26 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, assist

é de Maître Jean-

Luc SCHAUS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des ...

Numéro 13340 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 avril 2001 Audience publique du 10 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … NEZIROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13340 du rôle, déposée le 26 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, assisté de Maître Jean-

Luc SCHAUS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … NEZIROVIC, né le … à Mojstir (Serbie/Yougoslavie), demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 24 janvier 2001 ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 29 mars 2001 prise sur recours gracieux, portant toutes les deux rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 août 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Luc SCHAUS et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 novembre 2001.

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Le 1er juillet 1998, Monsieur … NEZIROVIC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur NEZIROVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur NEZIROVIC fut entendu en dates des 1er octobre 1998, 7 avril et 11 octobre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur NEZIROVIC, par décision du 24 janvier 2001, notifiée en date du 14 février 2001, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 14 mars 2001 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 29 mars 2001, Monsieur NEZIROVIC a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de ces deux décisions ministérielles de rejet des 24 janvier et 29 mars 2001 par requête déposée le 26 avril 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, originaire du Kosovo et de confession musulmane, expose qu’il aurait toujours été confronté dans son pays d’origine à des discriminations du fait de son origine ethnique et de son appartenance à une confession minoritaire et qu’il aurait décidé de s’enfuire pour échapper aux persécutions incessantes dont il aurait été la victime en raison de sa religion musulmane et de son origine ethnique. Il ajoute que ce risque de persécution serait accru du fait que les autorités lui reprocheraient de ne pas avoir accompli son service militaire et le considéreraient comme déserteur ce qui leur permettrait de le poursuivre et de le persécuter sous « un semblant de légalité ». Il fait valoir que, dans la mesure où la ratification de la Convention de Genève traduit la volonté des Etats signataires de parer au danger résultant du manquement de l’Etat d’origine du demandeur d’asile à remplir ses obligations de protection envers ses citoyens, le traitement lui infligé par les autorités yougoslaves constituerait une violation de ses droits fondamentaux, tels que consacrés notamment par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et que ce traitement devrait partant être qualifié de persécution au sens de la convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a 2 pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 5 avril 2001, n° 12801C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en dates des 1er octobre 1998, 7 avril et 11 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le moyen fondé sur l’insoumission du demandeur, force est au tribunal de constater en premier lieu qu’il ressort du rapport d’audition du 7 avril 1999 que le demandeur n’avait pas reçu de convocation pour accomplir son service militaire jusqu’à cette date.

Ensuite, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève. En outre, il n’est pas établi qu’il subsiste encore à l’heure actuelle un risque de poursuites en raison d’une éventuelle insoumission, ni encore qu’une condamnation d’ores et déjà prononcée serait encore effectivement exécutée, étant donné que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et insoumis, le demandeur n’établit pas que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées, ceci compte tenu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du parlement de la République fédérale yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, dont également ceux qui ont quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires.

3 Les autres moyens du demandeur s’analysent en l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine. En effet, le demandeur a déclaré personnellement, lors de son audition, quant à la question de qui ou quoi il avait peur : « Im Moment vor nichts ».

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13340
Date de la décision : 10/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-10;13340 ?

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