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10/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13325

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2001, 13325


Numéro 13325 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2001 Audience publique du 10 décembre 2001 Recours formé par Madame … KECAP, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13325 du rôle, déposée le 23 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, assisté

de Maître Arzu AKTAS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à ...

Numéro 13325 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2001 Audience publique du 10 décembre 2001 Recours formé par Madame … KECAP, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13325 du rôle, déposée le 23 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, assisté de Maître Arzu AKTAS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KECAP, née le … à Tutin (Serbie/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 mars 2001 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Biekene BLECH, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 novembre 2001.

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Le 6 juillet 1999, Madame … KECAP, susqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame KECAP fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame KECAP fut entendue en date du 8 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame KECAP, par décision du 29 novembre 2000, notifiée en date du 13 février 2001, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécutions en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux introduit par Madame KECAP moyennant courrier de son mandataire du 2 mars 2001 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 29 mars 2001, elle a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle confirmative du 29 mars 2001 par requête déposée en date du 23 avril 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse, étudiante, originaire de Serbie et de confession musulmane, expose qu’elle serait issue d’une famille de cinq enfants et que tous les membres de sa famille se seraient expatriés vers divers pays européens afin d’échapper à la situation de conflit incessant et d’insécurité régnant dans son pays d’origine. Elle fait valoir que les tensions ethniques seraient telles que sa seule appartenance à la population féminine musulmane « complétée désormais par sa volonté de fuite » serait de nature à constituer un danger imminent tant pour sa vie que pour la vie des membres de sa famille. Elle renvoie plus particulièrement à une intervention de la police dans son école et à son transfert ensemble avec ses camarades dans un camp sans aucune explication, ainsi qu’au fait qu’elle aurait été empêchée de faire ses études d’abord par les Serbes en raison de son appartenance religieuse et ensuite par les Albanais en raison de son appartenance ethnique. Elle conclut qu’un risque de persécution personnelle et familiale en cas de retour dans son pays d’origine subsisterait quelque soit « la situation provisoire dans laquelle se trouve actuellement le pays ».

A titre subsidiaire, la demanderesse sollicite le bénéfice du statut de tolérance institué par l’article 13 (3) de la loi prévisée du 3 avril 1996.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait 2 de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 5 avril 2001, n° 12801C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 8 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il ressort des éléments du dossier que la demanderesse a quitté sa ville d’origine de Tutin pour faire ses études d’ingénieur à Pristina au Kosovo. Les faits relatifs à la fermeture de l’école par elle fréquentée et à son placement dans un camp concernent partant le Kosovo, donc une région de son pays d’origine différente de celle dont elle est originaire et ne sont partant pas de nature à eux seuls à fonder dans son chef une crainte justifiée de persécution.

Quant à la situation dans sa région d’origine, la demanderesse renvoie en substance à la situation générale y ayant existé au moment de son départ, mais a confirmé lors de son audition en date du 8 juillet 1999 ne pas avoir subie de persécution personnelle et d’avoir peur essentiellement de l’armée stationnée dans sa ville d’origine. Une telle crainte s’analyse en substance en l’expression d’un sentiment général de peur, sans que la demanderesse n’ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Enfin, il convient de relever que le recours contentieux de la demanderesse est également dirigé contre une éventuelle décision du ministre de la Justice relativement à sa 3 demande en admission à un statut de tolérance, telle que formulée en ordre subsidiaire dans leur recours gracieux du 2 mars 2001.

Or, dans la mesure où la décision ministérielle du 29 mars 2001 est purement confirmative de la décision initiale du 29 novembre 2000, cette dernière ayant exclusivement trait à la procédure « normale » de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et que le délégué du gouvernement a confirmé implicitement à travers son mémoire en réponse qu’aucune décision n’a encore été prise y relativement, il n’y a pas lieu de procéder à l’examen de ce volet du recours.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 décembre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13325
Date de la décision : 10/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-10;13325 ?

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