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10/12/2001 | LUXEMBOURG | N°12238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2001, 12238


Tribunal administratif N° 12238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2000 Audience publique du 10 décembre 2001

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Recours formé par la société anonyme TRACOL S.A. et consorts, contre deux décisions du ministre des Travaux publics, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Revu la requête déposée le 16 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la

société anonyme TRACOL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’...

Tribunal administratif N° 12238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2000 Audience publique du 10 décembre 2001

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Recours formé par la société anonyme TRACOL S.A. et consorts, contre deux décisions du ministre des Travaux publics, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Revu la requête déposée le 16 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société anonyme TRACOL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, 2) Monsieur C.M., entrepreneur, demeurant à D-…, 3) la société à responsabilité limitée de droit allemand K.M.

GMBH, établie et ayant son siège social à D-…, représentée par son gérant actuellement en fonction, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 1er mars 2000 par laquelle il a rejeté l’offre présentée par les trois demandeurs préqualifiés, réunis en association momentanée, dans le cadre du marché de travaux de parements en pierre naturelle à exécuter dans l’intérêt du musée d’Art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-Kirchberg pour non conformité de l’offre aux prescriptions du cahier spécial des charges et, « pour autant que la décision de rejet de la Ministre des Travaux Publics est à annuler », de l’arrêté pris par ledit ministre le 17 mai 2000 portant annulation de la susdite soumission;

Revu le jugement rendu le 21 février 2001 par le tribunal administratif portant nomination d’un expert avec la mission plus amplement spécifiée dans le jugement en question;

Vu les ordonnances du président de la deuxième chambre des 28 mai et 9 juillet 2001;

Vu le rapport d’expertise de Monsieur Daniel GODFROY du 19 juillet 2001, déposé le 20 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif;

Vu le mémoire additionnel après expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2001 au nom des demandeurs;

2 Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2001 par le délégué du gouvernement;

Vu le deuxième mémoire après expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2001 au nom des demandeurs;

Vu les pièces versées en cause et notamment les deux décisions attaquées et le rapport d’expertise du 19 juillet 2001;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Claudie PISANA, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 13 octobre 1999, une soumission publique fut ouverte relativement aux travaux de parements en pierre naturelle à exécuter dans l’intérêt du musée d’Art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-Kirchberg.

Deux soumissionnaires participèrent audit appel d’offres, à savoir l’association momentanée T-M-K.M. et l’association momentanée C.P-J-G.D.

Le 1er mars 2000, le ministre des Travaux Publics, ci-après dénommé le « ministre », informa l’association momentanée T-M-K.M. de ce que « votre offre de base ainsi que la variante relatives à l’objet sous rubrique doivent être écartées parce qu’elles ne sont pas conformes aux prescriptions du cahier spécial des charges.

Les principales non-conformités sont :

- Refus d’acceptation du prix forfaitaire de la formule d’engagement ;

- Teinte et aspect des pierres calcaires ;

- Teinte et aspect des granits ;

- Masticage du travertin ;

- Non-fourniture, même après demande, de références de travaux similaires de même degré de complexité, de précision et de même envergure ;

- Non-fourniture, même après demande, de données techniques sur les pierres (excepté pour le travertin) ;

- Non-fourniture, même après demande, de données sur les carrières, données indispensables pour juger la qualité des pierres et la capacité d’exécution des travaux.

Veuillez noter par ailleurs que je me propose d’annuler la soumission sous rubrique au motif qu’elle n’a pas donné de résultat satisfaisant.

Dans ce contexte, vous avez la possibilité de présenter dans le délai de la huitaine vos observations conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations de l’Etat et des communes. (…) ».

Par courrier séparé en date du même 1er mars 2000, le ministre informa l’association momentanée C.P-J-G.D de ce que « votre offre de base ainsi que la variante relatives à l’objet sous rubrique doivent être écartées parce que le prix est surfait et inacceptable.

3 En vertu de l’article 30 (13) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 portant institution d’un cahier général des charges applicable aux marchés publics de l’Etat, il ne peut être tenu compte de votre proposition de réviser certains prix unitaires à la baisse.

(…) ».

Sur avis de la commission des soumissions daté du 21 février 2000, pris en sa séance du 16 février 2000, la susdite soumission publique fut annulée par décision du ministre en date du 17 mai 2000 sur base de l’article 31 (2) a) du règlement grand-ducal modifié du 2 janvier 1989 portant 1° institution d’un cahier général des charges applicables aux marchés publics de travaux et de fournitures pour compte de l’Etat, 2° fixation des attributions et du mode de fonctionnement de la Commission des Soumissions.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 août 2000, 1) la société anonyme TRACOL S.A., 2) Monsieur C.M. et 3) la société à responsabilité limitée de droit allemand K.M. GMBH, ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 1er mars 2000 par laquelle il a rejeté l’offre présentée par les trois demandeurs préqualifiés, réunis en association momentanée, dans le cadre de la soumission émargée et, « pour autant que la décision de rejet de la Ministre des Travaux Publics est à annuler », de l’arrêté pris par ledit ministre le 17 mai 2000 portant annulation de ladite soumission.

Par jugement rendu le 21 février 2001, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en la forme et, avant tout autre progrès en cause, a nommé expert Monsieur Daniel GODFROY, architecte, établi à L-3403 Dudelange, b.p. 265, avec la mission d’examiner si 1) les teinte et aspects de la pierre « Rocheville jaune » ou « Magny jaune » offerte et les échantillons des pierres calcaires remises par l’association momentanée T-M-K.M. sont conformes au descriptif du dossier de soumission (pages 54 et 55 du dossier de soumission et article 2.2.2.1.11. de la page 59 du dossier de soumission) et aux échantillons-témoins mis à la disposition des soumissionnaires par le commettant, 2) les granits offerts et les échantillons présentés sont conformes aux prescriptions du cahier des charges (page 55 du dossier de soumission) et aux échantillons-témoins mis à la disposition des soumissionnaires par le commettant, 3) le masticage du travertin est conforme aux qualités exigées (article 2.1.3.20 de la page 46 du dossier de soumission), notamment quant à l’exigence d’un aspect final parfaitement homogène et d’une teinte identique à celle de la pierre et aux échantillons-témoins exposés, 4) les références de travaux similaires de même degré de complexité, de précision et d’envergure apportés par les demandeurs remplissent les exigences afférentes du commettant et, dans la négative, se prononcer sur l’incidence et la gravité de la non-production de tout ou partie des références demandées pour l’examen de la conformité de l’offre des demandeurs ou de la capacité d’exécution des travaux, 4 5) les données techniques sur les pierres fournies par les demandeurs sont complètes et suffisantes par rapport aux stipulations du cahier des charges et, dans la négative, de renseigner le tribunal quant à l’incidence et la gravité de la non-fourniture de tout ou partie de ces données pour l’examen de la conformité de l’offre des demandeurs, 6) les données sur les carrières remplissent les exigences afférentes du commettant et, dans la négative, de se prononcer sur la question de savoir si ces informations sont ou non indispensables pour l’examen de la conformité de l’offre ou de la capacité d’exécution des travaux. En outre, le tribunal a entre autres dit que l’expert devra déposer son rapport écrit et motivé, au greffe du tribunal administratif, au plus tard le 21 mai 2001 et il a fixé l'affaire à l'audience de la deuxième chambre du tribunal administratif du 28 mai 2001.

Le 20 juillet 2001, suite à deux prorogations du délai de remise du rapport d’expertise, l’expert a déposé son rapport d’expertise portant date du 19 juillet 2001.

CONCERNANT LE MOTIF DE REFUS RETENU PAR LE MINISTRE RELATIF AU DEFAUT DE PRODUCTION DE REFERENCES DE TRAVAUX SIMILAIRES DE MEME DEGRE DE COMPLEXITE, DE PRECISION ET D’ENVERGURE Etant donné qu’il se dégage des conclusions concordantes des parties à l’instance que la 5ième non-conformité relevée dans la décision ministérielle querellée du 1er mars 2000 relative au défaut de production « de références de travaux similaires de même degré de complexité, de précision et d’envergure », n’a, par la suite, plus été maintenue par le pouvoir adjudicateur et que les parties s’étaient, suite au jugement du 21 février 2001, mises d’accord pour décharger l’expert de ce volet de sa mission d’expertise, il n’y a partant pas lieu de procéder ni à un examen sur le bien fondé ou mal fondé de ce motif de non-conformité supprimé, ni à une analyse des conclusions que l’expert, malgré la décharge lui donnée d’un commun accord par les parties, a prises, lesquelles sont superflues.

CONCERNANT LE MOTIF DE REFUS RETENU PAR LE MINISTRE RELATIF A LA NON-

CONFORMITE DES TEINTE ET ASPECT DES PIERRES CALCAIRES Dans son rapport d’expertise, l’expert constate et discute un certain nombre de « contradictions ou oppositions » dans les documents remis pour la consultation des entreprises « qui ne peuvent que conduire à des erreurs d’interprétations quant à la couleur générale des pierres à choisir ».

Dans ce contexte, il relève qu’en « page N° 1 du document “ descriptif général ” au niveau des remarques importantes, il est précisé : la pierre choisie, une pierre “ claire ” d’origine calcaire aura la nuance dominante caractéristique de teinte jaune rosé, un peu ramagé sur fond gris.

En page 59 du Cahier des Clauses Techniques Particulières article 2.2.2.1.11.1., il est précisé : Appellation MAGNY ROCHE DOREE et au niveau de la teinte :gris/beige (pas de jaune) ».

Sur ce, il analyse le détail du contenu de ces deux textes comme suit:

5 « Au niveau du descriptif général il est donc précisé que la pierre sera une pierre calcaire de teinte jaune rosé, un peu ramagée sur fond gris. La première difficulté pour interpréter cette description consiste à évaluer la proportion fond gris / jaune rosé. En effet, est ce le fond gris qui est dominant, ou est ce la teinte jaune rosé qui est dominante. Pour l’expert le manque de précision ne permet pas de choisir de façon sûr telle ou telle teinte de pierre. Compte tenu de cette difficulté d’appréciation, l’expert s’est donc naturellement rapproché des fournisseurs et revendeur pour affiner sa position. Le résultat de cette consultation est qu’en fait la teinte “ jaune rosé ” n’existe pas au niveau de la pierre dite de bourgogne. En effet, lorsqu’on consulte la fiche signalétique de l’appellation Pierre de Magny, l’on observe cinq variétés qui sont respectivement : Magny clair, Magny jaune, Magny doré, Magny rosé, pierre de Magny le Louvre. Cela veut donc dire que la définition de la teinte contenue dans le descriptif général au niveau des remarques importantes est totalement sibylline car cette teinte n’existe officiellement pas. A toutes fins utiles, l’expert joint en pièces annexes le document officiel qui détaille la pierre de Magny. Pour l’expert le texte contenu dans le descriptif général ne pouvait que conduire à des erreurs d’interprétations donc à des erreurs au niveau du choix de la pierre.

Au niveau de l’article 2.2.2.1.11.1., il est précisé que la teinte devra être gris/beige (pas de jaune). Là encore, l’expert constate un problème qui est d’importance, car la teinte demandée ne reprend pas le texte d’une appellation officielle de la pierre Magny dorée. En effet, le Tribunal pourra constater dans le paragraphe “ nature et aspects ” de la pierre Magny dorée, qu’il est écrit beige jaune-rosé pour l’aspect général de la teinte, et non pas gris/beige (pas de jaune) comme demandé dans l’article 2.2.2.1.11.1. Après analyse, il est donc clair que cet article sème encore plus le trouble, et rend donc pour les entreprises participant à l’appel d’offre le choix très hasardeux car soumis à des interprétations éventuellement multiples. En effet, la teinte imposée n’existe pas et la restriction au niveau du jaune est quasiment impossible à respecter ».

Ensuite, relativement à la conformité des échantillons présentés par les demandeurs par rapport au descriptif du dossier de soumission pour la pierre « Magny Doré », l’expert expose que les demandeurs ont présenté des échantillons de pierre « dont la référence est donc Pierre de Rocheville de teinte beige clair », que les échantillons proposés par les demandeurs et ceux présentés par le maître de l’ouvrage proviennent de deux sites qui « sont au niveau de l’étage Bathonien, ce qui veut dire que les deux sites ont le même âge dans l’échelle géologique ».

Ensuite, « en conclusion sur le site, l’expert dit que les deux sites sont identiques au niveau des âges géologiques, et font partie de la même région géologique ». Après avoir entrepris une comparaison des caractéristiques physiques, il conclut que « sur les quatre positions majeures qui caractérisent le bilan physique des deux pierres calcaires, (…) les caractéristiques sont identiques et cela est tout à fait normal vu les caractéristiques géologiques des sites qui sont pratiquement identiques ».

Après une comparaison des teintes, l’expert observe qu’à l’état sec, l’échantillon du maître de l’ouvrage est « très légèrement plus gris que les deux échantillons de Tracol » et qu’à l’état mouillé, « l’échantillon TRACOL est plus jaune que l’échantillon du maître d’ouvrage ».

Concernant la structure cristalline externe, l’expert a encore retenu que les structures cristalline et l’aspect visuel des deux échantillons sont pratiquement identiques. De même, 6 après une analyse de la structure cristalline interne, il soutient que les deux échantillons sont homogènes et présentent la même organisation structurale et qu’ils ne présentent pas de failles.

La conclusion générale de l’expert sur la conformité des pierres remises par les demandeurs par rapport au descriptif du dossier de soumission se lit comme suit:

« L’expert a analysé en paragraphe 5.1. les documents qui ont été transmis aux entreprises pour la consultation et pour la remise des offres. En toute objectivité, l’expert conclut sur ce point en disant que la rédaction du texte des conditions générales et de l’article 2.2.2.1.11.1 sont en contradiction et que l’article 2.2.2.1.1.11.1 présente lui-même une coquille de taille vu que la teinte prescrite “ gris/beige (pas de jaune) n’existe pas au niveau de la variété de la pierre MAGNY DOREE. Ceci veut dire que d’un point de vue purement théorique, vouloir respecter le descriptif de la soumission au niveau de la couleur est impossible pour toute entreprise, compte tenu du manque de précision et des erreurs de rédaction des différents textes de référence. En conclusion l’expert dit qu’en tout état de cause l’entreprise ne pouvait donc pas répondre de façon satisfaisante à la consultation vu les fautes de rédaction qui entachent le descriptif général et le cahier des clauses particulières au niveau des teintes des échantillons à fournir. En conclusion sur les teintes, l’expert dit qu’aucune conformité ne peut être obtenue vu l’absence de référence exacte. Pour se prononcer sur ce point, il aurait fallu que le descriptif soit clair en précisant la variété exacte de la pierre à fournir, or tel n’a pas été le cas et le litige ne pouvait que naître. A toutes fins utiles, l’expert joint aussi en annexe la publication des conditions générales de vente de la Fédération Française de la Pierre et du Marbre qui au niveau des échantillons précise : L’échantillon définit la pierre, et qu’il n’implique aucune identité de couleur entre l’échantillon et la fourniture.

Du point de vue physique, l’expert dit que les éléments de pierres remis par Tracol sont conformes aux caractéristiques physiques de la pierre définie dans le descriptif général et dans le cahier des clauses particulières ».

En résumé, il convient donc de retenir que selon l’expert, au niveau des caractéristiques physiques, la pierre proposée par les demandeurs est conforme aux prescriptions des documents de soumission, mais qu’au niveau des teintes, en raison de l’absence de références suffisamment exactes et précises, les dispositions du descriptif général et du cahier des clauses particulières n’ont pas été et n’ont pas pu être respectées.

Sur ce, il convient en premier lieu d’écarter le moyen développé par le gouvernement, qui fait soutenir qu’il faudrait faire abstraction de toutes les contradictions ou oppositions contenues dans le dossier de soumission, au motif que l’article 15 (11) du règlement grand-

ducal précité du 2 janvier 1989 prévoit que des erreurs ou omissions doivent être signalées au commettant, sous peine d’irrecevabilité et que les demandeurs auraient omis de ce faire. En effet, s’il est vrai que le défaut de remplir les conditions fixées par la disposition précitée risque d’affecter la recevabilité d’un recours dirigé directement contre un cahier des charges et, plus particulièrement, contre des clauses qui font grief par leur caractère discriminatoire, il n’en reste pas moins que dans le cadre d’un recours contre une décision prise sur base et en application du dossier de soumission, les ambiguïtés, erreurs ou omissions et spécialement celles ayant trait aux conditions de la soumission qui entrent en ligne de compte pour l’attribution du marché, ne sauraient être ignorées. En d’autres termes, il convient de tenir compte des vices affectant les conditions et critères de soumission pour apprécier notamment si 7 un soumissionnaire s’est conformé ou non, respectivement a pu se conformer ou non, aux données du dossier de soumission.

La partie défenderesse a encore fait état de ce que ni les identités géologiques des pierres demandées et de celles offertes, ni encore leurs identités physiques et de structure, interne et externe, n’auraient fait l’objet de la non-conformité retenue, mais que seule la teinte aurait été jugée non-conforme, que contrairement à l’avis de l’expert, la formulation de la teinte demandée aurait été suffisamment claire et précise et que l’expert se serait notamment trompé en retenant que la teinte jaune/rosé n’existerait pas au niveau de la pierre dite de bourgogne et en concluant que la teinte imposée n’existerait pas et que la restriction au niveau du jaune serait quasiment impossible à respecter.

Sur ce, il convient de rappeler que les juges ne doivent s’écarter des conclusions de l’expert qu’avec la plus grande circonspection et uniquement dans les cas où il est évident que l’expert n’a pas analysé toutes les données du problème qui lui a été soumis ou qu’il en a tiré des conclusions fausses (Cour Supérieure de Justice 17 janvier 2001, n° 24164 du rôle).

En l’espèce, il convient d’entériner le rapport de l’expert dans la mesure et dans la limite où il relève un libellé pour le moins imprécis en ce qui concerne le descriptif et les conditions relativement aux teintes des pierres calcaires, étant donné que les constats et conclusions de l’expert - ci-avant reproduits - sur ce point sont détaillés et sensés et que leur fausseté n’a pas été établie à suffisance de droit par les contestations développées par la partie défenderesse.

Il s’ensuit que le pouvoir adjudicataire n’a pas pu se fonder sur lesdites prescriptions pour déclarer l’offre des demandeurs non-conforme sur ce point.

CONCERNANT LE MOTIF DE REFUS RETENU PAR LE MINISTRE RELATIF A LA NON-

CONFORMITE DES TEINTE ET ASPECT DES GRANITS La conclusion de l’expert sur la conformité des échantillons de granits remis par les demandeurs par rapport aux prescriptions du cahier des charges et aux échantillons-témoins mis à la disposition des soumissionnaires par le commettant se lit comme suit :

« Après avoir terminé ses investigations, l’expert dit que les éléments de granits présentés par Tracol présentent une structure cristalline interne comparable à l’échantillon témoin fourni par le maître d’ouvrage. Les niveaux de finition « poli » sont comparables, et les niveaux de finitions « sablé » sont tout aussi comparables.

La seule différence relevée par l’expert concerne le coloris du granit qui est nettement différent lorsque le granit est mouillé. Toutefois l’expert précise que l’article 2.2.1.13. de la page 55 qui traite de la qualité des granits ne fait nullement état des couleurs à respecter, mais définit seulement en position 3 la façon d’assembler les pierres pour éviter le phénomène de damier.

La position 4 de l’article 2.2.1.13 est respectée par les échantillons présentés par Tracol tant au niveau de la finition « poli » qu’au niveau de la finition « sablé ».

8 Pour conclure, compte tenu que le coloris des granits n’est pas précisé par le maître d’ouvrage, l’expert dit que les dispositions de l’article 2.2.1.12 (sic) de la page 55 du cahier des charges du dossier de soumission sont globalement respectées ».

Il convient donc de retenir que selon l’expert, au niveau du coloris du granit, il y a une différence de teinte des échantillons des demandeurs par rapport à l’échantillon-témoin du maître de l’ouvrage, mais qu’en l’absence de précision dans le cahier des charges, on ne saurait retenir une non-conformité.

Or, la partie défenderesse fait soulever à juste titre que s’il est vrai que l’article 2.2.1.13. du cahier de charges ne précise pas de coloris du granit, il n’en reste pas moins que l’article 2.2.2.1.11.2 précise, en ce qui concerne la teinte, celle de « Buff / beige ».

Le tribunal ne saurait ignorer ladite disposition, laquelle, bien que non expressément visée dans la mission d’expertise, n’aurait pas dû échapper à l’expert, et le tribunal est appelé à en tenir compte dans le cadre de l’examen de l’existence d’une non-conformité. Sur ce, il convient partant de constater les différences de teinte (à l’état sec et, surtout, à l’état mouillé) retenues par l’expert entre l’échantillon présenté par les demandeurs et l’échantillon-témoin du maître de l’ouvrage - les conclusions y afférentes du rapport d’expertise étant à entériner -, et d’en conclure, en présence d’une teinte énoncée sans équivoque dans le cahier des charges, que c’est à bon droit que le pouvoir adjudicateur a retenu une non-conformité de la teinte par rapport à l’échantillon témoin et les prescriptions du cahier des charges.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision du ministre du 1er mars 2000 par laquelle il a rejeté l’offre présentée par les trois demandeurs, se trouve légalement justifiée par le motif de non-conformité analysé ci-dessus, sans qu’il y ait encore lieu à examiner les autres non-conformités retenues par ledit ministre à la base de sa décision et le recours en annulation -

tant en ce qui concerne la décision prévisée du 1er mars 2000, qu’en ce qui concerne celle du 17 mai 2000, qui a été prise sur base de la précédente - est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

vidant le jugement rendu le 21 février 2001;

déclare le recours non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Schroeder, juge 9 et lu à l’audience publique du 10 décembre 2001, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12238
Date de la décision : 10/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-10;12238 ?

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