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10/12/2001 | LUXEMBOURG | N°12213

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2001, 12213


Tribunal administratif N° 12213 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2000 Audience publique du 10 décembre 2001

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Requête à fin de tierce opposition introduite par Monsieur … BLEY contre un arrêt rendu en date du 1er février 1995 par le comité du contentieux du Conseil d’Etat portant le numéro 9078 du rôle entre Monsieur T.P.

et les ministres des Classes moyennes et de l’Education nationale en matière 1) d’autorisation d’établissement 2) d’équivalence de diplômes

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JUGEMENT

Vu la requête à fin de tierce opposition, inscrite sous...

Tribunal administratif N° 12213 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2000 Audience publique du 10 décembre 2001

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Requête à fin de tierce opposition introduite par Monsieur … BLEY contre un arrêt rendu en date du 1er février 1995 par le comité du contentieux du Conseil d’Etat portant le numéro 9078 du rôle entre Monsieur T.P.

et les ministres des Classes moyennes et de l’Education nationale en matière 1) d’autorisation d’établissement 2) d’équivalence de diplômes

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JUGEMENT

Vu la requête à fin de tierce opposition, inscrite sous le numéro 12213 du rôle et déposée en date du 8 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … BLEY, maître-opticien, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêt rendu en date du 1er février 1995 par le comité du contentieux du Conseil d’Etat dans la cause entre Monsieur T.P. et les ministres des Classes moyennes et de l’Education nationale ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch du 26 juillet 2000, par lequel cette requête a été signifiée à Monsieur T.P., commerçant, demeurant à L-…;

Vu le mémoire en réponse, intitulé mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2000 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur T.P., préqualifié ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 12 janvier 2001, portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … BLEY ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2001 par Maître Pol URBANY au nom de Monsieur … BLEY ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 25 janvier 2001, par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à Monsieur T.P. ;

1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2001 par Maître Lex THIELEN au nom de Monsieur T.P. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêt précité du comité du contentieux du Conseil d’Etat du 1er février 1995 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Frank WIES, en remplacement de Maître Pol URBANY, et Lex THIELEN en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêt du 1er février 1995 (n° 9078 du rôle), le comité du contentieux du Conseil d’Etat a déclaré recevable le recours en réformation dirigé par Monsieur T.P. contre une décision du ministre des Classes moyennes du 15 février 1994 par laquelle le ministre a, sur recours gracieux, maintenu sa décision du 5 mai 1993 refusant au requérant l’autorisation d’établissement comme opticien, a déclaré ce recours fondé et partant a autorisé Monsieur P. à exercer au Grand-Duché de Luxembourg la profession d’opticien, en renvoyant l’affaire pour exécution devant le ministre des Classes moyennes, a déclaré irrecevable le recours tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un avis de la chambre des métiers du 26 août 1992, a déclaré irrecevable le recours dirigé contre une décision du ministre de l’Education nationale du 14 septembre 1992 refusant l’équivalence des titres de qualification du requérant pour autant que ce recours tend à la réformation de la prédite décision, a reçu en la pure forme le recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre de l’Education nationale, a constaté que la décision dudit ministre de l’Education nationale n’était pas de nature à faire grief au requérant et en conséquence a déclaré le recours irrecevable, en laissant les frais à charge de l’Etat.

Le comité du contentieux du Conseil d’Etat avait notamment procédé à la réformation de la décision précitée du ministre des Classes moyennes du 15 février 1994, en autorisant Monsieur P. à exercer au Luxembourg la profession d’opticien, en décidant que c’était à tort que le ministre des Classes moyennes avait refusé à Monsieur P.

l’autorisation d’établissement comme opticien, alors qu’il aurait dû reconnaître comme équivalent au brevet de maîtrise d’opticien les pièces produites par Monsieur P. à l’appui de sa demande.

Par requête déposée le 8 août 2000, Monsieur … BLEY a introduit une requête à fin de tierce opposition contre l’arrêt précité du 1er février 1995.

Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner le moyen soulevé par Monsieur … BLEY dans son mémoire en réplique, en ce que celui-ci soutient que le mémoire en réponse de Monsieur P. serait à rejeter, en ce que non seulement le dépôt du mémoire mais également sa signification seraient intervenus tardivement. - Dans ce contexte, il est indifférent que ce moyen a été soulevé dans un mémoire qui, le cas échéant, devra être écarté, étant donné que ce moyen a trait à l’ordre public et doit en tant que tel être soulevé d’office par le tribunal.

C’est à tort que Monsieur P. rétorque dans son mémoire en duplique que la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne saurait trouver application en l’espèce, en arguant que, comme la 2 requête à fin de tierce opposition viserait un arrêt du comité du contentieux du Conseil d’Etat du 1er février 1995, rendu à la suite du dépôt d’une requête introductive d’instance en date du 14 mars 1994, seule la législation applicable avant l’entrée en vigueur de la loi précitée du 21 juin 1999 s’appliquerait en l’espèce, au motif que l’action à fin de tierce opposition ne constituerait pas une « affaire nouvelle autonome », mais au contraire une instance dérivée de l’instance principale introduite par la requête précitée du 14 mars 1994, ayant un caractère de dépendance vis-à-vis de l’instance principale ainsi introduite, faisant en sorte qu’il s’agirait toujours de la seule et même instance, étant donné que s’il est vrai que par le dépôt d’une requête à fin de tierce opposition, les débats quant au fond de l’affaire sont à nouveau réouverts, mettant ainsi chacune des parties à l’instance en mesure de développer à nouveau ses moyens et arguments quant au fond sans que le premier jugement contre lequel la requête à fin de tierce opposition est dirigée ne puisse influencer d’une quelconque manière ce débat, il n’en reste pas moins qu’au cas où, depuis que le premier jugement a été rendu, de nouvelles règles de procédure sont en vigueur le jour de l’introduction de la requête à fin de tierce opposition, celles-ci sont d’application en ce qu’elles n’ont pour objet que de réglementer la manière de laquelle le procès est conduit sans avoir aucune influence quant au fond de l’affaire.

En application de l’article 69, alinéa 1er de la loi précitée du 21 juin 1999, la loi en question, prévoyant à son article 5 des dispositions quant aux délais dans lesquels les différents mémoires écrits des parties à l’instance doivent être déposés et signifiés, est entrée en vigueur le 16 septembre 1999.

Il s’ensuit que la requête à fin de tierce opposition, en ce qu’elle a été déposée le 8 août 2000 au greffe du tribunal administratif et signifiée à Monsieur P. le 26 juillet de la même année, tombe partant en principe sous le champ d’application de la nouvelle réglementation, d’autant plus qu’elle ne peut pas être considérée comme constituant une affaire introduite avant la date d’entrée en vigueur précitée, savoir le 16 septembre 1999, qui continuerait à être régie selon les anciennes règles de procédure, étant donné qu’il résulte de ce qui précède et des faits de l’espèce, que la requête a été déposée après la prédite entrée en vigueur et que s'y appliquent les règles de procédure applicables le jour de ce dépôt.

Il s’ensuit que la loi précitée du 21 juin 1999 en ce qu’elle fixe plus particulièrement les délais dans lesquels les mémoires des différentes parties doivent être fournis est applicable à la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2000 et le moyen de défense afférent proposé par Monsieur P. est à rejeter.

L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que :

« (1) (…) Le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive ».

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

3 Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5, paragraphe (7) de la loi précitée du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999, que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Par ailleurs, au vœu de l’article 5 précité, la fourniture du mémoire en réponse dans le délai de trois mois de la signification de la requête introductive d’instance inclut -

implicitement, mais nécessairement - l’obligation de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie voire aux parties défenderesses dans ledit délai de trois mois.

Dans la mesure où la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2000 et signifiée à Monsieur P. le 26 juillet 2000 par acte d’huissier de justice, le dépôt et la communication du mémoire en réponse du défendeur ont dû intervenir pour le 18 décembre 2000 au plus tard. Or, le mémoire en réponse a été déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2000 et communiqué à la partie adverse le 12 janvier 2001, partant en dehors dudit délai ayant expiré le 18 décembre 2000. Par conséquent, à défaut d’avoir été communiqué et déposé dans le délai de trois mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réponse des débats.

Le mémoire en réponse ayant été écarté, le même sort frappe les mémoires en réplique et en duplique respectivement du demandeur et du défendeur, lesquels n’ont été pris qu’à la suite du mémoire en réponse du défendeur.

Pour justifier son intérêt à agir, le demandeur expose être titulaire du brevet de maîtrise d’opticien obtenu au Luxembourg en date du 6 mai 1976, qu’il exploiterait deux magasins, dont l’un serait situé à W. et le deuxième à T., que du fait de l’installation de Monsieur T.P. et de l’ouverture d’un magasin d’opticien « en son nom et pour son compte » à W., …, place …, en date du 13 janvier 1996, il subirait un préjudice financier en ce que le chiffre d’affaires de son magasin situé à W. aurait considérablement diminué depuis la prédite installation de Monsieur P.. Il soutient que du fait des conséquences négatives supportées par son commerce situé à W. du fait de l’installation de Monsieur P.

et du fait qu’il serait lésé dans ses intérêts professionnels, en ce que, contrairement à Monsieur P., il disposerait des qualifications professionnelles en vue d’exercer la profession de maître-opticien, il disposerait d’un intérêt réel, né et actuel pour agir en vue de faire constater par les juridictions administratives l’absence de qualifications professionnelles dans le chef de Monsieur P., telles que prescrites par la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, dénommée ci-après « la loi d’établissement ».

En substance, le demandeur estime avoir un intérêt, en sa qualité de maître-

opticien, à faire vérifier les qualifications professionnelles d’un concurrent en vue de protéger le titre de maître-opticien ainsi que la qualité des services fournis par un tel 4 professionnel et à éviter que son commerce établi à W. ne subisse un préjudice économique du fait de l’installation du prédit concurrent.

L’intérêt à agir à établir par un demandeur dans le cadre d’une instance contentieuse devant les juridictions administratives doit revêtir certaines caractéristiques pour qu’un recours soit recevable. Ainsi, il doit être personnel, actuel, certain, direct et légitime. Il s’ensuit qu’en ce qui concerne le caractère personnel de l’intérêt à agir, un recours est à déclarer irrecevable lorsqu’il n’existe pas d’intérêt suffisamment individualisé et qu’en réalité l’intérêt à attaquer l’acte administratif se confond avec celui de la généralité des administrés pour se confondre avec l’intérêt général.

L’intérêt à agir que soulève le demandeur en ce qu’il s’estime avoir qualité pour attaquer, par la voie de la tierce opposition, une décision juridictionnelle par laquelle un opticien s’est vu reconnaître la qualification professionnelle en vue d’exercer en tant que maître-opticien et s’est vu autoriser à s’établir au Luxembourg, en vue d’assurer une « protection » du titre professionnel de maître-opticien et la qualité des services fournis d’une manière générale par les maîtres opticiens exerçant sous ce titre, de manière à protéger les clients potentiels d’un tel établissement, ne constitue pas un tel intérêt suffisamment individualisé, exigé pour l’introduction d’un recours contentieux dirigé contre une telle décision, en ce que l’intérêt ainsi décrit se confond avec l’intérêt général au sujet duquel le demandeur n’a pas qualité pour agir.

La loi d’établissement prévoit un certain nombre de conditions relatives notamment à la qualification professionnelle à remplir par les professionnels tombant sous son champ d’application, dont notamment les maîtres-opticiens, afin d’assurer que lesdits artisans disposent des compétences requises afin d’exercer leur profession. Cette réglementation n’a pas pour finalité de déterminer le nombre d’artisans pouvant être autorisés à exercer dans une certaine aire géographique ou d’établir des règles de concurrence permettant de réglementer ce secteur d’activité ou pour assurer un certain niveau de revenus à ses membres.

En l’espèce, le recours tend, de par son objet, à écarter un concurrent qui, du fait de son installation dans la même localité que celle dans laquelle le demandeur possède un commerce, aurait entraîné une diminution de chiffre d’affaires de ce dernier. Ainsi, l’objet du litige tend à une finalité autre que celle qui a été prévue par la loi, en ce que le demandeur revendique l’application de ladite législation à d’autres fins que celles pour lesquelles la législation a été instituée. En outre, une autorité publique ou une juridiction commettraient un détournement de pouvoir au cas où elles appliqueraient une réglementation à d’autres fins que celles prévues par son auteur.

En d’autres termes, la demande telle que formulée par le demandeur fait ressortir un intérêt qui n’est pas protégé par la règle dont il demande l’application, alors que le seul effet recherché par lui consiste à éviter l’installation d’un concurrent.

Il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Il convient de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoi que valablement informé par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête à fin de tierce opposition du demandeur, par courrier du 14 août 2000, n’a pas fait déposer de 5 mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

écarte des débats les mémoires en réponse, en réplique et en duplique tardivement fournis ;

déclare la tierce opposition irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 10 décembre 2001, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12213
Date de la décision : 10/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-10;12213 ?

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