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10/12/2001 | LUXEMBOURG | N°11322

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 décembre 2001, 11322


Tribunal administratif N° 11322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juin 1999 Audience publique du 10 décembre 2001

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Recours formé par MM. … SPAUTZ, …, … SPAUTZ, …et … JOACHIM, … contre des décisions du ministre du Travail et du ministre de l'Environnement en matière d'établissements dangereux, insalubres ou incommodes, en présence des sociétés anonymes T. S.A., …, et E.I.C. S.A., …

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JUGEMENT

Vu le jugement rendu le 12 juillet 2000 par le t

ribunal administratif dans un recours en réformation, sinon en annulation dirigé par Monsieur … SPAUTZ, …, ...

Tribunal administratif N° 11322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juin 1999 Audience publique du 10 décembre 2001

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Recours formé par MM. … SPAUTZ, …, … SPAUTZ, …et … JOACHIM, … contre des décisions du ministre du Travail et du ministre de l'Environnement en matière d'établissements dangereux, insalubres ou incommodes, en présence des sociétés anonymes T. S.A., …, et E.I.C. S.A., …

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JUGEMENT

Vu le jugement rendu le 12 juillet 2000 par le tribunal administratif dans un recours en réformation, sinon en annulation dirigé par Monsieur … SPAUTZ, …, demeurant à L-…, Monsieur … SPAUTZ, …, demeurant à L-…, et Monsieur … JOACHIM, …, demeurant à L-

…, contre deux décisions prises l'une et l'autre le 28 avril 1999 par respectivement le ministre du Travail et le ministre de l'Environnement, portant autorisation de la société anonyme E.I.C., S.A., établie et ayant son siège social à L-…, pour le compte de la société anonyme T.

S.A., établie et ayant son siège social à L-…, à exploiter une centrale thermique à Esch-sur-

Alzette, le jugement en question ayant dit qu'il y avait lieu de nommer des experts avec la mission de se prononcer sur "la question de savoir si l'exploitation concrète, par la société T., de la centrale thermique à cycle combiné de production d'énergie électrique et de production de chaleur et de vapeur, alimentée exclusivement au gaz, à Esch-sur-Alzette, faisant l'objet d'autorisations ministérielles du 28 avril 1999, se fera selon la meilleure technologie disponible, sans entraîner des coûts excessifs, pour réduire au maximum les nuisances pour le voisinage et le personnel de l'établissement, et préserver au maximum l'environnement humain et naturel", et ayant refixé l'affaire pour permettre aux parties de prendre position quant au choix de l'expert ou des experts à nommer;

Vu le jugement avant dire droit du 19 juillet 2000 ayant nommé deux experts avec la mission spécifiée plus haut;

Vu le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2001;

Vu le mémoire après expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2001 au nom des demandeurs;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du lendemain, portant signification du mémoire en question aux sociétés E.I.C., S.A., et T. S.A., préqualifiées;

2 Vu le mémoire après expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2001 au nom de la société anonyme T. S.A.;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, des 20 et 21 septembre 2001, portant signification du mémoire en question aux demandeurs, préqualifiés;

Vu le mémoire après expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2001 par le délégué du gouvernement;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, et Maîtres Fernand ENTRINGER et Roger NOTHAR, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Suite à une demande introduite le 15 janvier 1999 par la société anonyme E.I.C., S.A., pour le compte de la société anonyme T. S.A., respectivement le ministre de l'Environnement et le ministre du Travail et de l'Emploi, par décisions prises le 28 avril 1999, délivrèrent à la société T., sous certaines conditions, l'autorisation pour la construction, l'installation et l'exploitation à Esch-sur-Alzette, sur les parcelles 2178/16661, 2150/16656 et 2280/16667, d'une centrale thermique à cycle combiné de production d'énergie électrique et de production de chaleur et de vapeur, alimentée exclusivement au gaz, ainsi que pour le déplacement d'une conduite de gaz existante sur environ 450 mètres.

Par requête déposée le 11 juin 1999, la fondation GREENPEACE LUXEMBOURG, ci-avant établissement d'utilité publique, actuellement fondation, établie et ayant son siège à L-…, l'association sans but lucratif GREENPEACE LUXEMBOURG, établie en son siège social à L-…, ainsi que Messieurs … SPAUTZ, … SPAUTZ et … JOACHIM, préqualifiés, déposèrent un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l'annulation des deux autorisations ministérielles en question.

Par jugement avant dire droit du 12 juillet 2000, le tribunal déclara irrecevable le recours en tant qu'introduit par la fondation GREENPEACE LUXEMBOURG et l'association sans but lucratif GREENPEACE LUXEMBOURG. Au fond, il dit qu'il y avait lieu de recourir à l'avis d'experts concernant la question de savoir si l'exploitation concrète, par la société T., de la centrale thermique à cycle combiné de production d'énergie électrique et de production de chaleur et de vapeur, alimentée exclusivement au gaz, à Esch-sur-Alzette, faisant l'objet d'autorisations ministérielles du 28 avril 1999, se fera selon la meilleure technologie disponible, sans entraîner des coûts excessifs, pour réduire au maximum les nuisances pour le voisinage et le personnel de l'établissement, et préserver au maximum l'environnement humain et naturel, et refixa l'affaire pour permettre aux parties de prendre position quant au choix de l'expert ou des experts à nommer.

Par jugement du 19 juillet 1999, le tribunal nomma deux experts avec la mission plus amplement spécifiée au dispositif du prédit jugement.

Les experts ont déposé leur rapport le 9 avril 2001.

3 Les demandeurs soulignent que les experts critiquent la conception de l'établissement dans la mesure où celle-ci ne serait pas optimale. En effet, selon la lecture que les demandeurs font du rapport, la centrale a été conçue pour un rendement global effectif de 75 % dont un rendement électrique de 57 % à l'état neuf et aux conditions normales de 9,5 °C de température d'air extérieur, étant précisé que T. n'avait en vue, ab initio, que la production électrique et ne se souciait ni de la récupération de la chaleur ou de la vapeur ni des émissions nocives. Ce résultat est dû d'un côté au très haut rendement de production électrique et de l'autre à l'absence de quantité de chaleur soutirée pour l'industrie et le chauffage urbain. A partir d'une conception de l'établissement englobant une récupération de chaleur, l'économie sur la consommation globale de combustible serait de 14 %, et si la centrale fonctionnait avec un rendement global de 85 %, cette économie passerait à 16 %, l'une et l'autre des solutions entraînant par ailleurs une réduction significative des émissions de NOx et de CO2.

Ils en concluent que la centrale TGV, de la manière dont elle est conçue et de la manière dont elle est exploitée, ne répond pas au critère de meilleure technologie possible, ou de meilleure technique disponible dans la mesure où la concentration sur le seul output électricité, en négligeant la chaleur et la vapeur, produit des émissions polluantes excessives, non justifiées et nécessite par ailleurs un input plus important.

Les demandeurs sollicitent partant, en ordre principal, une modification de l'autorisation en ce sens que l'exploitation ne puisse être entreprise qu'à partir du moment où les conditions optimales sont données, à savoir un rendement de 85 % avec récupération de chaleur telle que préconisée par les experts, subsidiairement une limitation dans le temps de l'autorisation d'exploitation (un ou deux ans) avec la condition qu'une solution pour la récupération de la chaleur soit trouvée, sous peine de caducité de l'autorisation, et, plus subsidiairement, que tant qu'un rendement global de 85 % ne sera pas atteint, l'exploitant ou l'Etat prennent des mesures concrètes, à dire d'experts, au niveau global du Grand-Duché, dans le domaine des énergies renouvelables et d'économie d'énergie, pour compenser les émissions de CO2 excédentaires (220.000 tonnes par an).

T. et le délégué du gouvernement estiment que les experts ont confirmé que l'installation répond aux critères posés par la loi pour pouvoir être autorisée. Le délégué du gouvernement insiste sur ce qu'en particulier, l'installation répondrait au critère de la meilleure technologie disponible.

Les experts, invités par le tribunal à se prononcer sur la question de savoir si l'exploitation concrète de la centrale se fera selon la meilleure technologie disponible, sans entraîner des coûts excessifs, pour réduire au maximum les nuisances pour le voisinage et le personnel de l'établissement, et préserver au maximum l'environnement humain et naturel, se sont livrés à deux appréciations concrètes de la conception et du fonctionnement de ladite centrale, en comparant d'une part l'utilisation effective de l'installation par rapport à ses propres performances théoriques, et en comparant d'autre part cette utilisation effective aux performances d'installations d'une conception différente mais devant avoir le même rendement que celui de l'installation incriminée. En d'autres termes, leur appréciation de l'utilisation effective de l'installation se situe dans l'absolu pour la première comparaison, et elle est relative dans la seconde.

Concernant l'appréciation de l'utilisation effective de l'installation par rapport à ses propres performances théoriques, les experts retiennent qu'il faut qu'outre la conception intrinsèque de la centrale, celle-ci utilise tout le potentiel disponible, et que dans le cas de 4 l'espèce, il faut s'assurer que la quantité du gaz naturel utilisé et les émissions CO2 sont au plus bas niveau avec l'exploitation effectivement prévue, c'est-à-dire avec une utilisation seulement partielle de la chaleur disponible.

Ils soulignent que la centrale a été conçue pour atteindre un rendement global de 75 %, et que cette valeur ne correspond pas à la meilleure technologie, une valeur de 85 % ayant pu être demandée. Ils en concluent que, par voie de conséquence, la conception de la centrale n'est pas optimale.

Ils critiquent encore, plus particulièrement, le fait que la chaleur produite n'est pas utilisée pour l'industrie et pour le chauffage urbain, mais que, tout axée sur la production d'électricité, la seule utilisation de la chaleur récupérée est encore destinée à produire de l'électricité. S'il est vrai qu'avec un tel mode de fonctionnement, le rendement électrique est de 57 %, la récupération de la chaleur pour l'industrie et pour le chauffage urbain permettraient de réduire la consommation de gaz et l'émission de CO2, ce qui entraînerait cependant une réduction du rendement électrique de la centrale TGV de 57 % à 48 %, la production perdue devant alors être remplacée par une autre production. Supposant que la récupération doit être compensée par la centrale elle-même, les experts préconisent la mise en place d'une centrale plus grande, qui, en dépit de l'utilisation de la chaleur, fournirait la même puissance électrique que celle de la centrale prévue à l'origine, sans récupération de chaleur.

Ce faisant, les experts se livrent à des considérations qui, en dernière analyse, relèvent de choix politiques ou économiques à l'appréciation desquels le tribunal administratif, même appelé à siéger comme juge du fond, ne saurait se livrer. Le tribunal ne saurait en effet, ni imposer une centrale d'une autre dimension ou capacité, ni imposer la création d'un réseau de chauffage urbain, ni encore imposer la récupération de la vapeur produite pour être utilisée par l'industrie. Il ne saurait, d'une manière quelconque, imposer la récupération de la chaleur produite pour des fins autres que celles prévues par les exploitants de la centrale, une telle mesure impliquant la coopération de tiers, y compris les pouvoirs publics, le tribunal n'ayant pas les pouvoirs pour imposer de telles solutions.

Or, les critiques des experts portent précisément sur cette question, et à les suivre dans ces critiques, le tribunal dépasserait ses pouvoirs de contrôle concernant l'exploitation d'un établissement selon la meilleure technique disponible.

Concernant l'appréciation de l'utilisation effective de la centrale par rapport aux performances d'installations d'une conception différente mais devant avoir le même rendement que celui de l'installation incriminée, en d'autres termes, concernant la performance relative de la centrale, les experts affirment clairement que la technologie choisie pour la centrale est bien la meilleure actuellement, et que parmi les technologies effectivement disponibles, c'est la centrale TGV qui a de loin le meilleur rendement électrique et ce dans n'importe quel mode d'exploitation (production simple ou combinée). Ils soulignent que pour une centrale avec condenseur à air, les performances de la centrale exploitée par T.

sont très bonnes, ce qui montre que le potentiel électrique de la technologie a été bien exploité par les concepteurs.

Il s'en dégage que, par rapport à d'autres installations devant avoir le même rendement électrique, la centrale TGV, utilisée aux seules fins de production d'électricité, encore qu'elle ait d'autres potentialités, a les meilleures performances, tant en ce qui concerne l'utilisation d'énergie primaire qu'en ce qui concerne les émissions.

5 On peut à bon droit déplorer que les exploitants aient décidé de ne pas utiliser de manière pleinement rationnelle les performances potentielles de leur installation, ce qui, d'un point de vue économique ou politique, constitue un gaspillage. Il n'en reste pas moins que la l'exploitation concrète de la centrale, déficiente dans l'absolu, correspond, par rapport à l'utilisation d'autres installations devant avoir le même rendement, à la meilleure technologie disponible.

Par voie de conséquence, le recours est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant par défaut à l'égard de la société anonyme E.I.C., S.A., et contradictoirement à l'égard des autres parties, vidant les jugements avant dire droit des 12 et 19 juillet 2000, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais, y compris ceux de l'expertise.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 10 décembre 2001 par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11322
Date de la décision : 10/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-10;11322 ?

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