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05/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13363

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2001, 13363


Tribunal administratif N° 13363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2001 Audience publique du 5 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … HADZOVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13363 du rôle, déposée le 2 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, a

ssisté de Maître Alban COLSON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Lu...

Tribunal administratif N° 13363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2001 Audience publique du 5 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … HADZOVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13363 du rôle, déposée le 2 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Alban COLSON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HADZOVIC, né le … à Bijelo Polje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 décembre 2000, notifiée le 8 février 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par le prédit ministre en date du 3 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Madame le délégué du Gouvernement Malou HAMMELMANN en ses plaidoiries à l’audience publique du 26 novembre 2001.

Le 16 septembre 1999, Monsieur … HADZOVIC introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur HADZOVIC fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Il fut ensuite entendu en date du 20 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 8 décembre 2000, notifiée le 8 février 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur HADZOVIC de ce que sa demande avait été rejetée au motif que l’insoumission par lui invoquée serait insuffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, qu’il ne serait par ailleurs pas établi que l’appartenance à l’armée imposerait à l’heure actuelle la participation à des opérations militaires que des raisons de conscience valables justifieraient de refuser et qu’il ne faudrait pas oublier que le régime politique en Yougoslavie aurait changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement ainsi qu’avec la mise en place d’un nouveau gouvernement en novembre 2000 sans la participation des partisans de l’ancien régime.

Monsieur HADZOVIC fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 8 décembre 2000 par courrier de son mandataire datant du 6 mars 2001.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 3 avril 2001, il a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 8 décembre 2000 et 3 avril 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation formulé en ordre principal ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. -Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Monténégro et que jusqu’à son exil il aurait subi de véritables persécutions en raison de ses convictions politiques et religieuses. Il relève plus particulièrement avoir déserté de l’armée yougoslave pour mettre en application ses convictions religieuses, de manière à avoir été contraint de quitter son pays d’origine en date du 16 septembre 1999. A l’appui de son recours le demandeur critique d’abord les décisions déférées en ce qu’elles ne seraient pas suffisamment motivées en fait et en droit.

Ledit moyen, basé sur une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes est cependant à écarter, étant donné que, même à admettre que le reproche formulé soit justifié, il ne s’en dégagerait pas une cause d’annulation des décisions ministérielles attaquées ou de l’une d’entre elles, l’omission de l’obligation d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a pris entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. Ceci étant, il convient d’ajouter que le demandeur est resté en défaut d’apporter des éléments nouveaux dans son recours gracieux, de sorte que le ministre a valablement pu se référer, dans sa décision confirmative, à la motivation, par ailleurs exhaustive en fait et en droit, contenue dans sa décision initiale.

2 Quant au fond, le demandeur reproche en substance au ministre de la Justice de ne pas avoir pris en considération les faits en rapport avec son insoumission ainsi que la situation dans son pays d’origine qui serait toujours marquée d’instabilité et de terreur du fait des disparités religieuses et politiques persistantes.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur HADZOVIC et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur HADZOVIC lors de son audition en date du 20 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le seul motif que le demandeur fait valoir, fondé sur son état d’insoumission, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur HADZOVIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance ethnique et de sa religion, risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il 3 risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur HADZOVIC n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée récemment par les deux chambres du Parlement de la République fédérale yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour le demandeur n’a été ni présent, ni représenté à l’audience à laquelle l’affaire fut plaidée, est indifférent. Comme le demandeur a fait déposer une requête introductive d’instance, le jugement est rendu contradictoirement entre parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 décembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13363
Date de la décision : 05/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-05;13363 ?

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