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05/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13199

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2001, 13199


Tribunal administratif Numéro 13199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2001 Audience publique du 5 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … KARIER, … contre deux décisions du directeur de la police et du ministre de l’Intérieur en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13199 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2001 par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KARIER, fonctionnaire de police, dem

eurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation 1. de la décision du dire...

Tribunal administratif Numéro 13199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2001 Audience publique du 5 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … KARIER, … contre deux décisions du directeur de la police et du ministre de l’Intérieur en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13199 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2001 par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KARIER, fonctionnaire de police, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation 1. de la décision du directeur de la police du 24 novembre 1998, notifiée le 4 décembre 1998, lui infligeant la peine disciplinaire de l’amende de 15% d’une mensualité brute de son traitement de base, 2. de la décision du ministre de l’Intérieur du 24 janvier 2001, notifiée le 12 février 2001, confirmant la décision du directeur de la police du 24 novembre 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2001 au nom du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frédérique LERCH, en remplacement de Maître Patrick WEINACHT, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

Par lettre du 23 juillet 1998, intitulée « demande de justification », le major de la police J. S., commandant de la circonscription centre, commissaire central, s’adressa à Monsieur … KARIER en les termes suivants : « A l’occasion de l’établissement du relevé global des absences des membres du Commissariat Central pour l’année 1997 il a été constaté qu’il y a de graves divergences entre les relevés de vos propres absences au courant de l’année passée, relevés introduits au bureau du personnel CC par vos soins, et les relevés des heures supplémentaires que vous gérez.

Par ailleurs il s’est révélé que suivant la comptabilité officielle du Commissariat Central pour 1997, vous avez été absent 128 jours de repos pour 118 jours de repos octroyés, 1 d’autre part suivant les mêmes relevés introduits par vous-même, vous avez repris 104 heures supplémentaires, soit 13 jours, sur la même période.

Concernant l’octroi d’heures supplémentaires il ressort de votre relevé que vous avez comptabilisé des heures supplémentaires en votre faveur pour le don de sang en congé (26.02.97), activités sportives en congé (04.06.97 - juillet (date ?)- 17.12.97) au total 12 heures qui ne sont pas dues, conformément aux instructions de service en vigueur.

Etant donné que votre comptabilité des absences de l’année 1997 n’est pas correcte, vous me ferez parvenir un relevé complet de vos jours de repos, congé et heures supplémentaires enregistrés depuis janvier 1998 à ce jour, avec vos explications écrites jusqu’au 06 août 1998. » Suivant courrier du 6 août 1998, Monsieur … KARIER fournit sa prise de position ensemble avec le relevé des heures supplémentaires pour l’année courante ainsi que les plans de fonction (« Dienstpläne ») pour l’année 1998 aux fins de contrôle des jours de repos octroyés.

Par courrier du 28 octobre 1998, le commissaire contrôleur J. K. fit parvenir au commandant de la circonscription centre son rapport n° 25278/351, dans lequel il énumérait un certain nombre d’irrégularités concernant le calcul par Monsieur … KARIER de ses heures supplémentaires, de ses jours de congé et des jours de repos pour l’année 1997.

Suivant transmis du 30 octobre 1998, le commandant de la circonscription centre se rallia aux conclusions du commissaire contrôleur et proposa au directeur de la police de décerner à l’encontre de Monsieur … KARIER une amende de 1/5 d’une mensualité brute de traitement.

Par décision du directeur de la police du 24 novembre 1998, lui notifiée le 4 décembre 2000, Monsieur … KARIER s’est vu infliger la peine disciplinaire de l’amende de 15% d’une mensualité brute de son traitement de base pour ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordres de service, ainsi que pour ne pas avoir soumis l’intérêt personnel à l’intérêt du service, décision motivée par les faits suivants : « A l’occasion de l’établissement du bilan global des absences pour l’année 1997 le bureau du personnel du Commissariat Central a constaté que le commissaire … KARIER a bénéficié de 127,5 jours de repos au lieu de 118 jours de repos prévus pour l’année en question. Par ailleurs, il s’est avéré que l’intéressé s’est octroyé 29 heures supplémentaires indues.

Au vu de sa réponse écrite il s’est avéré que les explications fournies par l’intéressé sont inexactes, respectivement incomplètes. La comptabilité des absences rédigée par le commissaire KARIER est irrégulière, partant inadmissible puisque contraire aux instructions et ordres de service. Ainsi, le commissaire KARIER a bénéficié de son chef d’une absence illicite de 15 jours (jours de travail)».

Par courrier recommandé de son mandataire du 7 décembre 1998, Monsieur … KARIER a releva appel contre la prédite décision directoriale auprès du ministre de la Force publique.

En date du 24 janvier 2001, le ministre de l’Intérieur, autorité compétente pour statuer sur l’appel, confirma la décision du directeur de la police du 24 novembre 1998 infligeant au 2 demandeur la peine disciplinaire de l’amende de 15% d’une mensualité brute de traitement de base. Cette décision ministérielle fut notifiée à Monsieur … KARIER en date du 12 février 2001.

Par requête déposée en date du 9 avril 2001, Monsieur … KARIER a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation des décisions directoriale du 24 novembre 1998 et ministérielle du 24 janvier 2001 précitées.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire dans la mesure où aucune disposition légale n’attribuerait compétence au juge administratif pour statuer en tant que juge du fond en matière de contestations liées à une décision du directeur de la police ayant prononcé la sanction disciplinaire de l’amende ne dépassant pas 1/5 d’une mensualité brute du traitement de base.

D’après l’article 25 II. 3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique, le droit d’appliquer au militaire de police une peine disciplinaire d’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base appartient au directeur de la police. Il est constant que la peine infligée par la décision directoriale déférée du 24 novembre 1998 correspond à 15% d’une mensualité brute du traitement de base du demandeur et tombe dès lors sous la compétence du chef de corps.

Par voie de conséquence le recours au fond, prévu par l’article 30 de la même loi du 16 avril 1979, contre les décisions portant sur une peine dépassant la compétence du chef de corps, n’est point ouvert en l’espèce.

Ni l’article 29 de la même loi instaurant la procédure d’appel ainsi désignée contre les décisions du chef de corps ayant prononcé une peine disciplinaire relevant de son domaine de compétence, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Dans son recours introductif, la partie demanderesse se rapporte à prudence du tribunal quant à la prescription de l’infraction, le terme « infraction » concernant les faits matériels à la base de la sanction disciplinaire actuellement visée par le recours.

Le délégué du gouvernement estime que l’appel interjeté par le commissaire de police … KARIER, en date du 7 décembre 1998, aurait un effet suspensif aux termes de l’article 29 de la loi précitée du 16 avril 1979.

Le demandeur fait ajouter que l’article 29 ne préciserait cependant pas si les délais de prescription de l’infraction se trouveraient également suspendus du chef de l’appel et que si l’appel avait un effet suspensif sur l’application de la peine prononcée, il n’en aurait pas sur les délais de prescription de l’infraction. Il aurait appartenu à l’Etat de faire les diligences pour instruire le dossier.

3 Le délégué du gouvernement rencontre cette argumentation en signalant que la prescription prendrait cours, d’après l’article 46 de la prédite loi du 16 avril 1979, à partir du jour où la faute à été commise et qu’elle serait interrompue par tout acte d’instruction ou de poursuite disciplinaire. L’instruction à charge de Monsieur … KARIER ayant commencé au courant du mois de juillet 1998, pour aboutir à la décision du 24 novembre 1998 prononçant la peine disciplinaire de l’amende, il n’y aurait pas eu prescription des infractions commises.

Comme Monsieur KARIER a interjeté appel contre la décision du directeur de la police, l’article 29 de la loi du 16 avril 1979, en énonçant que « le délai d’appel et l’appel ont un effet suspensif » entraînerait que la prescription s’en trouverait suspendue et que la décision ministérielle du 24 janvier 2001, confirmant la décision du directeur de la police, aurait posé l’acte final de la procédure disciplinaire engagée.

La prescription de l’action disciplinaire et des peines disciplinaires relève de la même idée qu’en droit pénal, à savoir que les fautes doivent être punies dans un temps proche de leur commission et relève aussi du principe que le fonctionnaire sanctionné doit pouvoir poursuivre sa carrière sans que celle-ci soit entachée indéfiniment d’un stigmate dû à un manquement lointain à la discipline. (Le droit de la Fonction publique au Luxembourg par Maîtres Jean-Marie BAULER et François MOYSE, Editions Bruylant 1998, n° 380 et 381).

Pour ce qui est de l’effet suspensif de l’appel, il se déduit logiquement du fait que le jugement d’appel pourra être soumis à la juridiction supérieure et modifié par elle, que c’est l’exécution du jugement qui devra être tenue en suspens aussi longtemps qu’existe cette possibilité de réformation du jugement, c’est-à-dire aussi bien pendant le délai accordé par la loi aux parties pour interjeter appel, avant l’exercice du recours, qu’à partir du moment où l’appel a été formé et jusqu’à la décision du juge d’appel (voir Répertoire pratique de droit belge, complément VIII, 1995, v° Appel en matière répressive, no. 254 et s.).

S’il est exact que la décision ministérielle du 24 janvier 2001 confirmant la décision du directeur de la police pose l’acte final de la procédure disciplinaire engagée, toujours est-il que le délai imposé au ministre est limité par la prescription de l’infraction (voir Cour adm. 6 mai 1999, n° 11031C, Pas. adm. 2001, V° Fonction publique n° 94).

Dès lors, le mécanisme de la prescription tel que prévu à l’article 46 de la loi du 16 avril 1979, identique aux principes de la prescription en matière pénale, ne saurait être tenu en échec par l’effet suspensif attaché à l’appel et au délai d’appel sous peine de maintenir le demandeur à l’égard duquel une sanction disciplinaire a été prononcée dans une insécurité juridique au-

delà de la période de prescription, en l’espèce équivalente à un an, et le cas échéant à jamais, quant à l’issue de la procédure d’appel par lui engagée en vue de voir dégager son innocence.

Il s’ensuit que l’effet suspensif attaché à l’appel et au délai d’appel, tel qu’énoncé à l’article 29 de la prédite loi du 16 avril 1979, ne vise que l’exécution de la peine prononcée par le chef de corps et non pas la prescription de l’infraction.

Etant donnée qu’il ressort du dossier qu’aucun acte interruptif de prescription n’a été posé dans le délai d’un an à partir de l’appel interjeté en date du 7 décembre 1998, le tribunal constate que l’action disciplinaire se trouve éteinte par prescription.

Le demandeur garde cependant un intérêt à introduire un recours contentieux contre les décisions ministérielle et directoriale, malgré le fait que l’action disciplinaire se trouve éteinte par voie de prescription, afin précisément de voir constater cette prescription, étant donné que 4 dans l’hypothèse inverse les décisions attaquées continueraient à exister, malgré l’effet suspensif attaché à l’exécution de la décision directoriale en vertu de l’appel relevé.

Il se dégage des développements qui précèdent que le recours est fondé, l’analyse des autres moyens de forme et de fond proposés devenant de ce fait surabondante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond, constate que l’action disciplinaire est éteinte par prescription et annule les décisions critiquées ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 5 décembre 2001, par le président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13199
Date de la décision : 05/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-05;13199 ?

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