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03/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13381

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 décembre 2001, 13381


Tribunal administratif N° 13381 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2001 Audience publique du 3 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … KUC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13381 du rôle, déposée le 3 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, assistÃ

© de Maître Anouck SCHNEIDER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe...

Tribunal administratif N° 13381 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2001 Audience publique du 3 décembre 2001

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Recours formé par Monsieur … KUC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13381 du rôle, déposée le 3 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, assisté de Maître Anouck SCHNEIDER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KUC, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 janvier 2001, notifiée le 21 février 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative intervenue sur recours gracieux et prise par le prédit ministre en date du 3 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Anouck SCHNEIDER et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 novembre 2001.

Le 7 juin 1999, Monsieur … KUC introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur KUC fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Il fut ensuite entendu en date du 8 juin 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 8 janvier 2001, notifiée le 21 février 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur KUC de ce que sa demande avait été rejetée au motif que les considérations d’ordre économique par lui invoquées ne seraient pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève et que les autres motifs par lui présentés reflèteraient d'avantage un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de ladite Convention.

Monsieur KUC fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 8 janvier 2001 par courrier de son mandataire datant du 16 mars 2001. Dans le cadre dudit recours il a fait préciser notamment que compte tenu de son jeune âge, il n’aurait pas encore été appelé pour faire son service militaire, mais qu’au moment de son départ sa génération aurait commencé à être appelée, de sorte que les raisons l’ayant poussé à quitter son pays auraient également tenu à son refus de faire le service militaire. Ce recours gracieux ayant fait l’objet d’une décision confirmative du ministre datant du 3 avril 2001, Monsieur KUC a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 8 janvier et 3 avril 2001 par reuqête déposée en date du 3 mai 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation formulé en ordre principal ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Monténégro et qu’il aurait été contraint de quitter son pays d’origine par crainte d’être enrôlé à la guerre et d’être maltraité par la police, étant donné qu’au moment de son départ sa génération avait commencé à être appelée et que beaucoup de ses amis auraient été forcés à faire leur service militaire. Il reproche au ministre de ne pas avoir fait droit à sa demande d’asile, étant donné qu’en raison de son refus de faire son service militaire, il risquerait d’être condamné à une peine d’emprisonnement disproportionnée par rapport à la nature de l’infraction commise et que par voie de conséquence il ne pourrait pas se réclamer de la protection des autorités de son pays.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur KUC et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses 2 opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur KUC lors de son audition en date du 8 juin 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le seul motif que le demandeur fait valoir à travers son recours contentieux, fondé sur son état d’insoumission, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur KUC risquait ou risque encore actuellement de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance ethnique et de sa religion, risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur KUC n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée récemment par les deux chambres du Parlement de la République fédérale yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

3 Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 décembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13381
Date de la décision : 03/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-03;13381 ?

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