La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13254

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 décembre 2001, 13254


Tribunal administratif Numéro 13254 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 3 décembre 2001 Recours formé par Madame … ADROVIC-… et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13254 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001 par Maître Guillaume RAUCHS, avocat à la Cour, assisté de Maître Bob PIRON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Mada

me … ADROVIC-…, née le … à Crhalj (Monténégro/Yougoslavie), agissant pour elle-même, a...

Tribunal administratif Numéro 13254 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 3 décembre 2001 Recours formé par Madame … ADROVIC-… et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13254 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001 par Maître Guillaume RAUCHS, avocat à la Cour, assisté de Maître Bob PIRON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Madame … ADROVIC-…, née le … à Crhalj (Monténégro/Yougoslavie), agissant pour elle-même, ainsi qu’en nom et pour le compte de sa fille mineure … ADROVIC, née le …à Vrbica (Monténégro/Yougoslavie), toutes les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 13 octobre 2000 en ce qu’il a refusé sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et d’une décision confirmative du même ministre du 12 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bob PIRON et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 novembre 2001.

Le 2 avril 1999, Madame … ADROVIC-…, agissant en son nom propre, ainsi qu’en celui de sa fille mineur …, introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Madame … ADROVIC-… fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 3 août 1999, Madame ADROVIC-… fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

1 Par décision du 13 octobre 2000, notifiée le 16 février 2001, le ministre de la Justice informa Madame … ADROVIC-… que sa demande avait été refusée comme étant non fondée aux motifs qu’elle n'invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 16 février 2001, Madame … ADROVIC-… fit déposer un recours gracieux contre cette décision.

Par décision du 13 mars 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision du 13 octobre 2000.

Le 12 avril 2001, Madame … ADROVIC-… a fait déposer, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 13 octobre 2000 et celle confirmative du 13 mars 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, la demanderesse, de nationalité yougoslave et de confession musulmane, fait valoir qu’elle aurait quitté le Monténégro avec sa fille mineure et ses deux fils majeurs pour éviter que ces derniers ne soient obligés à accomplir le service militaire. Elle expose qu’en cas de retour dans son pays, elle risquerait sa vie notamment à cause de son appartenance à la communauté des Musulmans. Elle ajoute qu’elle-même et sa fille risqueraient d’être maltraitées et injuriées à cause de la désertion de ses deux fils et qu’elles ne pourraient bénéficier d’aucune protection parce que son mari serait décédé. Elle termine en invoquant la situation générale au Monténégro laquelle serait dangereuse, instable et effrayante et qu’il serait dès lors prématuré et inadmissible de les renvoyer au Monténégro.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en 2 réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Madame … ADROVIC-… ne fait état d’aucune crainte raisonnable d’être personnellement persécutée en cas de retour dans son pays ni d’avoir subi dans le passé des persécutions. En effet lors de son audition elle a déclaré de ne pas avoir d’opinions politiques et elle affirme qu’elle n’a jamais subi personnellement de persécution. Elle invoque notamment des raisons économiques et sa situation difficile en tant que veuve dans un pays détruit par la guerre. Bien que mesurant à sa juste valeur les difficultés auxquelles Madame ADROVIC-… a été confrontée après le décès de son mari, il y a lieu de retenir que la crainte dont elle fait état s’analyse en un sentiment général d’insécurité, lequel ne saurait être qualifié d’une crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne la désertion de ces deux fils, il y a lieu de retenir qu’aucun lien entre la désertion de ces fils et un motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève en ce qui concerne Madame ADROVIC-… n’est établi.

De même en ce qui concerne son appartenance à la minorité religieuse des Musulmans, elle reste en défaut d’établir en quoi cette appartenance lui vaudrait des traitements discriminatoires en cas de retour.

Enfin, en ce qui concerne la situation générale instable au Monténégro, le tribunal se doit de constater que la paix s’est installée dans cette région et que l’invocation d’une situation générale instable ne saurait suffire comme motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié de Madame ADROVIC-… comme n’étant pas fondée.

3 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 décembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13254
Date de la décision : 03/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-03;13254 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award