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03/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13252

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 décembre 2001, 13252


Tribunal administratif Numéro 13252 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 3 décembre 2001 Recours formé par les époux … VUCELJ et … …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13252 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001 par Maître Guillaume RAUCHS, avocat à la Cour, assisté de Maître Bob PIRON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons

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Tribunal administratif Numéro 13252 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 3 décembre 2001 Recours formé par les époux … VUCELJ et … …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13252 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001 par Maître Guillaume RAUCHS, avocat à la Cour, assisté de Maître Bob PIRON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … VUCELJ, né le … à Tutin (Serbie/Yougoslavie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Tutin (Serbie/Yougoslavie), tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L –…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 23 novembre 2000 portant rejet de leurs demandes en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondées et d’une décision confirmative du même ministre du 12 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bob PIRON et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 novembre 2001.

Le 26 juillet 1999, Monsieur … VUCELJ et son épouse, Madame … … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux VUCELJ-… furent chacun entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 26 octobre 1999 respectivement le 27 octobre 1999, Monsieur VUCELJ et Madame … furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur leurs motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

1 Par décision du 23 novembre 2000, notifiée le 19 janvier 2001, le ministre de la Justice informa les époux VUCELJ-… de ce que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées aux motifs qu’ils n'invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social. En effet, l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des exactions au Kosovo, auraient quitté ce territoire et des centaines de milliers de personnes auraient réintégré leurs foyers après l’entrée des forces internationales sur le territoire.

Le 19 février 2001, les époux VUCELJ-… firent déposer un recours gracieux contre cette décision.

Par décision du 12 mars 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision.

Le 12 avril 2001, les époux VUCELJ-… ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 23 février 2000 et celle confirmative du 12 mars 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs, de nationalité yougoslave et de confession musulmane, exposent qu’ils auraient habité dans la ville de Mitrovica au Kosovo avant de quitter leur pays.

Ils précisent que Monsieur VUCELJ aurait été membre du parti politique SDA du Kosovo et qu’à cause de cette adhésion et à cause de sa religion, il aurait eu des problèmes tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie quotidienne et plus précisément il aurait été maltraité par un soldat lors d’un contrôle effectué à un poste de l’armée. Ils ajoutent que leur maison aurait été complètement détruite par les Serbes et qu’en cas de retour dans leur pays ils craindraient pour leur intégrité physique en raison de leur appartenance à la communauté musulmane, d’autant plus que la situation à Mitrovica resterait à l’heure actuelle encore très instable.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en 2 réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la situation ethnico-religieuse des demandeurs, il y a en effet lieu de relever que la seule appartenance à une minorité ethnique ou religieuse est insuffisante pour établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que les demandeurs, considérés individuellement et concrètement, risquent de subir actuellement des traitements discriminatoires en raison de cette appartenance. S’il est vrai à cet égard que les demandeurs se prévalent du fait que les Serbes ont brûlé leur maison après leur départ, ils n’établissent pas qu’un risque de persécution subsisterait à l’heure actuelle au vu de la présence des forces armées internationales au Kosovo.

Concernant les craintes de persécutions en raison de l’appartenance de Monsieur VUCELJ au parti politique « SDA », il échet de relever que s’il est vrai que les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution, Monsieur VUCELJ indique simplement avoir été membre du parti SDA et reste en défaut de soumettre des faits concrets d’une gravité suffisante pour dénoter l’existence d’une persécution au sens de la Convention de Genève en raison de son engagement politique. Le traitement lui infligé par un soldat lors d’un contrôle routier ne revêt à cet égard, en tant qu’événement isolé, pas un caractère de gravité suffisante.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié des consorts VUCELJ-… comme n’étant pas fondée.

3 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 décembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13252
Date de la décision : 03/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-03;13252 ?

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