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03/12/2001 | LUXEMBOURG | N°13250

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 décembre 2001, 13250


Tribunal administratif Numéro 13250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 3 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13250 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001 par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, assisté de Maître Marc MEHLEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … A

DROVIC, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeuran...

Tribunal administratif Numéro 13250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 3 décembre 2001 Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13250 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2001 par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, assisté de Maître Marc MEHLEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L –…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 novembre 2000 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 14 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc MEHLEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 novembre 2001.

Le 3 mai 1999, Monsieur … ADROVIC introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour Monsieur ADROVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 20 août 1999, Monsieur ADROVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

1 Par décision du 14 novembre 2000, notifiée le 5 février 2001, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été refusée comme non fondée aux motifs qu’il n'invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social, étant donné que l’insoumission ne saurait suffire pour constituer une crainte justifiée de persécution susceptible de lui rendre la vie intolérable dans son pays d’origine.

Par courrier de son mandataire du 26 février 2001, Monsieur ADROVIC fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 14 mars 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision du 14 novembre 2000.

Le 12 avril 2001, Monsieur ADROVIC a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles de refus datées des 14 novembre 2000 et 14 mars 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur ADROVIC précise que son recours est dirigé principalement contre la décision ministérielle du 14 mars 2001 en ce que cette dernière ne prendrait nullement position quant aux différents moyens développés dans le recours gracieux et que la réponse du ministre serait une réponse standard, laquelle ne permettrait pas au juge administratif d’en contrôler la légalité. Monsieur ADROVIC conclut dès lors que la décision litigieuse serait entachée d’irrégularité pour défaut de motivation.

C’est à tort que le demandeur reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir motivé sa décision sur recours gracieux. En effet il ressort clairement du libellé de la décision du 14 mars 2001 que le ministre s’est référé à la décision initiale du 14 novembre 2000, de sorte que les motifs à la base de cette dernière font partie intégrante de la décision confirmative du 14 mars 2001. Le ministre a partant indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels il s’est fondé pour justifier son refus et les motifs ont ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance du demandeur.

Le premier moyen fondé sur le défaut de motivation de la décision du 14 mars 2001 n’est donc pas fondé.

A titre subsidiaire, Monsieur ADROVIC, de nationalité yougoslave et de religion musulmane, expose qu’il aurait reçu en avril 1999 un appel pour la réserve, auquel il n’aurait pas donné suite pour des raisons de conscience valables et par crainte pour sa vie parce qu’il risquerait d’être affecté sur le front et de faire l’objet de persécutions psychiques émanant de Serbes nationalistes. Il relève qu’en cas de retour dans son pays il risquerait d’encourir une peine disproportionnée à cause de son insoumission, qu’il ne pourrait pas se prévaloir de la protection des autorités en place et que malgré la loi d’amnistie les déserteurs ou présumés déserteurs continueraient d’être arrêtés de ce chef. Il ajoute qu’en cas d’une condamnation 2 effective il ferait probablement l’objet de traitements dégradants, de punitions ou de torture, dont témoigneraient les rapports de nombreuses organisations non gouvernementales.

Monsieur ADROVIC invoque encore la prétendue situation générale instable au Monténégro et le risque de l’éclatement d’une guerre civile entre pro-Serbes et pro-

indépendentistes pour arguer que les conditions d’un éventuel retour dans son pays ne seraient pas encore remplies.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur ADROVIC ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif invoqué de l’insoumission, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. En l’espèce, étant donné que la paix s’est établie dans la région originaire du demandeur, il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur ADROVIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever que Monsieur ADROVIC n’établit pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre de ce chef, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale.

Cette conclusion ne saurait en l’état actuel du dossier être énervée par les considérations avancées par le demandeur tenant au fait que des déserteurs et insoumis seraient condamnés malgré la loi d’amnistie. En effet cette interprétation reviendrait à vider la loi 3 d’amnistie étant donné qu’il se dégage d’une prise de position du Haut Commissariat pour les réfugiés versée en cause que les termes de cette loi témoignent de la volonté des autorités yougoslaves de mettre en place une amnistie effective et qu’il n’a pas encore eu connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs, n’ayant pas reçu de nouvel appel après le 7 octobre 2000, qui n’auraient pu bénéficier de cette loi, de manière à ne pas entrevoir de raisons de penser que celle-ci ne serait pas appliquée aux personnes ayant été à l’étranger après le 7 octobre 2000 et n’ayant pas reçu de nouvel appel après cette date (cf. Cour adm. 16 octobre 2001, n° 13854C du rôle, non encore publié).

Quant à la situation générale instable au Monténégro, il y a lieu de relever que l’invocation d’une situation générale ne saurait à elle seule suffire pour constituer un motif d’octroi du statut de réfugié et le demandeur reste en défaut de rapporter la preuve en quoi cette situation générale lui rendrait un retour dans son pays impossible.

Il ressort de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Le recours en réformation est partant également à rejeter comme n’étant pas fondé contre la décision du 14 novembre 2000.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 décembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13250
Date de la décision : 03/12/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-12-03;13250 ?

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