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27/11/2001 | LUXEMBOURG | N°13379

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2001, 13379


Tribunal administratif N° 13379 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2001 Audience publique du 27 novembre 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13379 du rôle, déposée le 3 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour,

assisté de Maître Carole BESCH, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à ...

Tribunal administratif N° 13379 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2001 Audience publique du 27 novembre 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13379 du rôle, déposée le 3 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, assisté de Maître Carole BESCH, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 janvier 2001, notifiée en date du 7 février 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative intervenue sur recours gracieux et prise par le prédit ministre en date du 3 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Carole BESCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 novembre 2001.

Le 12 mai 1999, Monsieur … ADROVIC introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur ADROVIC fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Il fut ensuite entendu en date du 11 novembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 12 janvier 2001, notifiée le 7 février 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur ADROVIC de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que le conflit armé au Kosovo s’est terminé en mai 1999, de sorte que la crainte d’y être envoyé pour participer à une guerre ne serait plus justifiée et que par ailleurs l’insoumission ne serait pas constitutive, à elle seule, d’un motif valable pour obtenir le statut de réfugié.

Le recours gracieux introduit par le mandataire de Monsieur ADROVIC en date du 6 mars 2001 contre la décision initiale de refus du 12 janvier 2001 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre de la Justice du 3 avril 2001, Monsieur ADROVIC a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 12 janvier et 3 avril 2001 par requête déposée en date du 3 mai 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait quitté son pays d’origine à la suite d’une crainte légitime d’avoir à subir des répressions violentes et injustes de la part des autorités policières et militaires et que cette crainte serait toujours légitime à l’heure actuelle, ceci au vu de la situation politique actuelle au Monténégro. Il expose plus particulièrement à cet égard que la fuite de son pays d’origine aurait été motivée par sa peur de devoir participer à une guerre dont il n’aurait connu ni les tenants ni les aboutissements, et que, à l’heure actuelle, des persécutions seraient encore dirigées contre les personnes ayant quitté le pays au lieu de joindre les forces armées.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur ADROVIC et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile 2 qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur ADROVIC lors de son audition en date du 11 novembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le seul motif que le demandeur fait valoir, fondé sur son état d’insoumission, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur ADROVIC risque encore de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance ethnique et de sa religion, risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur ADROVIC n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du Parlement de la République fédérale yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

3 reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 novembre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13379
Date de la décision : 27/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-27;13379 ?

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