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27/11/2001 | LUXEMBOURG | N°13205

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 novembre 2001, 13205


Numéro 13205 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2001 Audience publique du 27 novembre 2001 Recours formé par les époux … et … CEKOVIC-…, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13205 du rôle, déposée le 9 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, as

sisté de Maître Frank WIES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats...

Numéro 13205 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2001 Audience publique du 27 novembre 2001 Recours formé par les époux … et … CEKOVIC-…, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13205 du rôle, déposée le 9 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, assisté de Maître Frank WIES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … CEKOVIC, né le … à Novi Pazar (Serbie/Yougoslavie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Mostar (Bosnie-Herzégovine), tous les deux de nationalité yougoslave, agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, né le … à Luxembourg, et …, née le … à Ettelbruck, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 11 décembre 2000 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Louis UNSEN, en remplacement de Maître Pol URBANY, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 novembre 2001.

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Le 4 septembre 1998, Monsieur … CEKOVIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux CEKOVIC-… furent entendus séparément en date du 6 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux CEKOVIC-…, par décision du 11 décembre 2000, notifiée en date du 26 janvier 2001, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le recours gracieux introduit par les époux CEKOVIC-… suivant courrier de leur mandataire du 16 février 2001 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 9 mars 2001, ils ont fait introduire, tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle initiale de refus du 11 décembre 2000 par requête déposée le 9 avril 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que Monsieur CEKOVIC serait originaire de la ville de Novi Pazar située dans la région du Sandzak à la frontière entre la Serbie et le Monténégro, tandis que son épouse, fille d’un père catholique et d’une mère musulmane, proviendrait de la ville de Mostar et aurait trouvé refuge à Novi Pazar au moment de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Ils font valoir que Monsieur CEKOVIC serait devenu membre de la section du parti politique musulman SDA de Novi Pazar au cours de l’année 1994, son père ayant alors été le secrétaire d’une section locale de ce parti à Novi Pazar, et qu’il aurait dans la suite fait l’objet d’harcèlements et de chicaneries de la part des autorités serbes, ainsi que d’avoir été activement recherché par la police depuis l’année 1998 pour être soupçonné de cacher des armes pour compte du SDA. Ils ajoutent que la police se serait présentée fin août 1998 à leur domicile afin d’arrêter Monsieur CEKOVIC et qu’en raison de l’absence de ce dernier, leur maison aurait été perquisitionnée et Madame … aurait été harcelée et malmenée afin de la forcer à indiquer la cachette de son mari. Ils font valoir que la finalité de cette visite domiciliaire de la police aurait clairement été celle d’arrêter Monsieur CEKOVIC en raison de son activité politique et de sa religion musulmane et que cette attitude des autorités serbes les aurait convaincu de quitter leur pays d’origine. Ils relèvent également que Monsieur CEKOVIC aurait été condamné en son absence à une peine d’emprisonnement « pour les prétendues caches d’armes qu’il aurait aménagées » et que son père aurait été arrêté après leur fuite et relâché seulement au mois d’octobre 2000. Ils concluent que Monsieur CEKOVIC serait arrêté et emprisonné en cas de retour dans son pays d’origine en raison de son activité politique et de sa religion musulmane, de manière que les persécutions dont ils auraient fait l’objet tomberaient dans le champ d’application de la Convention de 2 Genève et que ce serait à tort que le ministre leur a refusé la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 2001, v° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 5 avril 2001, Durakovic, n° 12801C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les demandeurs restent en défaut de préciser concrètement les harcèlements et chicaneries de la part des autorités serbes dont ils se prévalent et que le seul fait précis par eux invoqué réside dans la perquisition de leur maison effectuée par la police au mois d’août 1998.

Or, une visite policière unique de la part de la police serbe n’est pas suffisamment grave pour établir à elle seule un acte de persécution à l’égard des demandeurs au sens de la Convention de Genève (cf. trib. adm. 5 février 2001, Adrovic, n° 12357, non encore publié), abstraction même faite de ce que les demandeurs se contredisent quant au motif à la base de cette visite policière, Madame … entendant la voir en relation avec l’activité politique de Monsieur CEKOVIC qui soupçonne par contre la police d’avoir voulu l’emmener de force à la réserve de l’armée yougoslave.

3 S’y ajoute que les demandeurs ont affirmé lors de leurs auditions respectives avoir été simples membres du parti SDA, qualité qui ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié, les demandeurs n’ayant en effet pas établi avoir joué un rôle actif au sein dudit parti qui les aurait exposé à un risque de persécution.

Enfin, concernant la condamnation alléguée de Monsieur CEKOVIC à une peine d’emprisonnement « pour les prétendues caches d’armes qu’il aurait aménagées », elle reste à l’état de pure allégation.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre leur a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 novembre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13205
Date de la décision : 27/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-27;13205 ?

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