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26/11/2001 | LUXEMBOURG | N°13132

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 novembre 2001, 13132


Tribunal administratif Numéro 13132 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars 2001 Audience publique du 26 novembre 2001 Recours formé par Madame … PEREIRA, … contre une décision de la commission instituée par le règlement grand-

ducal modifié du 23 avril 1983 en matière d’aides au logement Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2001 par Maître Joëlle CHOUCROUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PEREIRA, fonctionnaire européen, demeurant à L –…, tendant

principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision pris...

Tribunal administratif Numéro 13132 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars 2001 Audience publique du 26 novembre 2001 Recours formé par Madame … PEREIRA, … contre une décision de la commission instituée par le règlement grand-

ducal modifié du 23 avril 1983 en matière d’aides au logement Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2001 par Maître Joëlle CHOUCROUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PEREIRA, fonctionnaire européen, demeurant à L –…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision prise par la commission instituée par le règlement grand-ducal modifié du 23 avril 1983, approuvée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 29 décembre 2000 lui refusant le bénéfice des primes en faveur du logement ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Joëlle CHOUCROUN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 novembre 2001.

Le 24 juin 1999, les époux …-PEREIRA ont acheté un appartement sis à Luxembourg, … . Fin 1999, une demande en obtention d’une aide au logement fut introduite auprès du Ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement.

Par courrier du 13 octobre 1999, le département « Aides au logement, service construction acquisition » accusa réception de la demande et demanda le versement de certaines pièces supplémentaires.

Par courriers respectifs des 5 et 24 janvier 2000, le même service demanda à « Monsieur et Madame … PEREIRA-… » puis à « Monsieur et Madame … …-PEREIRA » une copie de leur carte de séjour.

Le 21 février 2000, Madame … PEREIRA informa le service compétent qu’il lui était impossible de verser une photocopie de la carte de séjour de son époux, Monsieur … …, puisque celui-ci séjournait au Portugal pour des raisons de travail, tout en demandant au dit service d’apprécier le dossier en vue de l’obtention des primes, et en prenant en considération que sa fille habitait déjà avec elle.

1 Le 29 décembre 2000, la commission instituée par le règlement grand-ducal modifié du 23 avril 1983 en matière d’aides au logement prit la décision de refus en la motivant de la façon suivante : « la commission (…) est au regret de vous informer qu’elle n’est pas en mesure de réserver une suite favorable à votre requête, étant donné que vous n’habitez pas le logement à subventionner.

En effet, l’article 11 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement dispose que les primes ne peuvent être accordées qu’aux ménages auxquels le logement en question sert d’habitation principale et permanente… ».

Cette décision fut approuvée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement.

Par requête déposée au tribunal administratif le 27 mars 2001, Madame … PEREIRA a fait introduire un recours principalement en annulation et subsidiairement en réformation contre cette décision de refus.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire, aucun texte légal ne prévoyant un recours au fond en la matière.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours principal en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, la demanderesse fait valoir que ce serait à tort que la commission retient que les conditions de l’article 11 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement ne seraient pas réunies, parce que le logement servirait d’habitation principale et permanente au ménage. A cette fin, elle verse deux certificats établis par la Ville de Luxembourg attestant qu’elle y réside avec sa fille Marta.

En plus, elle invoque l’article 39 du Traité CE qui assure la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, en leur reconnaissant le droit de « séjourner dans un des Etats membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique ». Elle ajoute que la Cour de justice des communautés européennes estimerait que « l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent [ainsi] à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur l’ensemble du territoire de la Communauté et s’opposent à une réglementation nationale qui pourrait défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent étendre leurs activités hors du territoire d’un seul Etat membre ».

Elle termine en soulignant que la législation luxembourgeoise en cause constituerait une pénalisation du ménage dont un des conjoints travaille dans un autre pays et serait discriminatoire en ce qu’elle favoriserait les ménages dont l’un des conjoints est frontalier et 2 n’est pas contraint de se loger à l’étranger et en plus elle ne serait pas justifiée par des raisons d’ordre, de sécurité ou de santé publics.

Le représentant étatique fait valoir que la décision de refus aurait été prise parce qu’une des conditions fondamentales, plus précisément celle que le logement doit servir d’habitation principale et permanente au ménage bénéficiaire pendant une période d’au moins dix ans, n’aurait pas été remplie. Il ajoute qu’il serait légitime d’exiger des personnes qui achètent un logement et qui désirent obtenir des aides au logement qu’elles habitent ce logement pendant une période déterminée. En l’espèce, il serait établi que Monsieur … …, lequel ferait partie du ménage bénéficiaire, n’habiterait pas le logement en question.

En ce qui concerne les dispositions du droit communautaire invoquées par la partie demanderesse, le représentant étatique soutient qu’elles seraient non pertinentes. Il ajoute que l’établissement de différences de traitement fondées sur des critères objectifs et en rapport avec l’objet de la réglementation, sinon avec son but poursuivi ne serait pas interdit. Il expose que la réglementation en question ne contiendrait aucune discrimination illégitime ou arbitraire. Le fait important ne serait pas que l’époux habite au Portugal mais que celui-ci n’habiterait pas le logement pour lequel les aides ont été demandées. Il ne ferait donc aucune différence que Monsieur … habite au Portugal, à Esch-sur-Alzette ou à Diekirch, le résultat étant toujours le même.

L’article 11 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement dispose en son article 11 : « L’Etat est autorisé à encourager l’accession à la propriété d’un logement par l’octroi de primes d’épargne de primes de construction et de primes d’acquisition différenciées suivant le revenu, la fortune, et la situation de famille des bénéficiaires.

Ces primes ne peuvent être accordées qu’aux ménages :

a) auxquels le logement en question sert d’habitation principale et permanente ;

(suivent les autres conditions) Un règlement grand-ducal précisera les conditions et modalités d’octroi et le montant des primes… ».

C’est le règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 qui fixe les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ainsi que de vérifier si les éléments de fait dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

En ce qui concerne le seul motif de refus à la base de la décision déférée, à savoir la condition de l’occupation, par le ménage, du logement comme habitation principale et permanente, il s’agit d’analyser si ce motif peut légalement servir de fondement à la décision de refus de la commission déférée en l’espèce.

Il est constant en cause que Madame … Pereira et sa fille Marta habitent le logement acquis par les époux …-Pereira. Il n’a pas été allégué, ni a fortiori établi que les époux …-

Pereira aient divorcé ou soient séparés. Au contraire, les affirmations du mandataire de la demanderesse suivant lesquelles Monsieur … rentre régulièrement au Luxembourg pour 3 rejoindre ses épouse et fille dans le logement au Luxembourg n’ont pas été contredites par le représentant étatique. En raison du fait que Madame … Pereira et sa fille occupent le logement en tant qu’habitation principale et permanente et que Monsieur … y garde ses attaches pour des raisons familiales non contestées, ses absences étant dues à des raisons professionnelles, il y a lieu de retenir que la condition imposée par l’article 11, a) de la loi modifiée du 25 février 1979 est remplie dans le cas d’espèce dans le chef du ménage ainsi ancré à Luxembourg.

D’ailleurs conformément à l’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983, les primes en faveur du logement sont accordées aux personnes ayant leur domicile légal au Luxembourg et y résident effectivement. Il est constant en cause que Madame … Pereira et sa fille ont leur domicile légal au Luxembourg et y résident effectivement, dont attestent les deux certificats de résidence établis par la Ville de Luxembourg.

Le représentant étatique s’empare encore de l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 pour soutenir que la condition de l’occupation du logement en tant qu’habitation principale et permanente ne serait pas remplie. L’article en question dispose :

« Le logement pour lequel une aide est accordée doit, sous peine de restitution de celle-ci, servir d’habitation principale et permanente au ménage bénéficiaire pendant un délai de dix ans après la date (…) de l’acte authentique documentant l’acquisition de ce logement.

La condition de la résidence effective et permanente est à documenter notamment moyennant la production d’un extrait du registre de la population émanant de l’autorité compétente de la commune sur le territoire de laquelle se trouve le logement faisant l’objet de l’aide. » Cette disposition ne peut être utilement invoquée en l’espèce. En effet, l’article en question définit l’obligation à remplir par le ménage bénéficiaire pour garder le bénéfice de la prime et instaure une obligation de restitution en cas de non-respect de cette obligation. Il vise donc la situation où une prime a été accordée, et non celle sous-jacente à la présente affaire où il s’agit d’analyser si le ménage remplit les conditions d’attribution de la prime définies à l’article 11 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement.

De ce qui précède, il résulte que c’est à tort que la demanderesse s’est vu opposer que la condition posée par l’article 11, sous a) de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement ne serait pas remplie en l’espèce.

Le tribunal ne peut par ailleurs pas valablement procéder à une substitution de motifs légaux, étant donné que la décision déférée est basée sur le seul motif tiré de l’absence de Monsieur … de l’habitation à subventionner et que les éléments fournis au dossier ne permettent pas au tribunal d’analyser si les autres conditions posées par la loi en vue de l’accession aux aides sollicitées par la demanderesse sont remplies en espèce. La décision déférée encourt partant l’annulation à ce stade.

En ce qui concerne l’indemnité de procédure, il y a lieu de retenir qu’une demande en allocation d'une indemnité de procédure, qui omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser ces frais à charge de la partie gagnante, est à rejeter, la simple référence à l'article 240 du nouveau Code de procédure civile étant à cet égard non seulement insuffisante mais encore erronée, la base légale en la matière étant l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare justifié, partant annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant la commission compétente, déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure non justifiée et en déboute, condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 novembre 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13132
Date de la décision : 26/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-26;13132 ?

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