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21/11/2001 | LUXEMBOURG | N°13183

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 novembre 2001, 13183


Tribunal administratif Numéro 13183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2001 Audience publique du 21 novembre 2001 Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2001 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … MURIC, né le … à Rozaje (Monténégro/Yougoslavie), de nat

ionalité yougoslave, demeurant actuellement à L –…, tendant à la réformation d’une décisio...

Tribunal administratif Numéro 13183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2001 Audience publique du 21 novembre 2001 Recours formé par Monsieur … MURIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2001 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … MURIC, né le … à Rozaje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L –…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 7 décembre 2000 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 14 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sarah TURK, en remplacement de Maître François GENGLER, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 novembre 2001.

Le 20 septembre 1999, Monsieur … MURIC introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur MURIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 26 octobre 1999, Monsieur MURIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 7 décembre 2000, notifiée le 30 janvier 2001, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été refusée comme non fondée aux motifs qu’il n'invoquerait 1 aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social, étant donné que la désertion ne saurait suffire pour constituer une crainte justifiée de persécution susceptible de lui rendre la vie intolérable dans son pays. Le ministre ajouta que la situation politique en Yougoslavie aurait changé au mois d’octobre 2000 avec l’arrivée au pouvoir d’un président élu démocratiquement.

Le 27 février 2001, Monsieur MURIC fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 14 mars 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision du 7 décembre 2000.

Le 5 avril 2001, Monsieur MURIC a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 7 décembre 2000 et celle confirmative du 14 mars 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur MURIC, de nationalité yougoslave et de confession musulmane, fait valoir qu’il aurait fui son pays parce qu’il aurait déserté de l’armée serbe après avoir été enrôlé à la réserve, au motif qu’il « ne voulait pas combattre au Kosovo ». Il expose en plus qu’en cas de retour dans son pays, il risquerait d’être arrêté et jeté en prison parce qu’il serait actuellement recherché par la police serbe « qui veut faire un procès à cause de sa désertion ». Il termine en relatant qu’il justifierait dès lors de craintes raisonnables de persécution susceptibles de lui rendre la vie intolérable dans son pays et que ce serait à tort que le ministre de la justice lui aurait refusé le statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

2 L’examen des déclarations faites par Monsieur MURIC lors de son audition du 26 octobre 1999, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er , section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif invoqué de la désertion, il convient de rappeler que celle-

ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que la paix s’est établie dans la région originaire du demandeur, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur MURIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever que Monsieur MURIC n’établit pas à suffisance qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre du chef de sa situation ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement yougoslave au mois de février 2001 et entrée en vigueur au mois de mars 2001, en vertu de laquelle les personnes ayant commis, jusqu’au 7 octobre 2000, le délit d’éloignement arbitraire et de désertion des unités de l’armée yougoslave, sont amnistiées.

Il ressort de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Le recours en réformation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 novembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 3


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13183
Date de la décision : 21/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-21;13183 ?

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