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14/11/2001 | LUXEMBOURG | N°12985

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2001, 12985


Tribunal administratif N° 12985 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2001 Audience publique du 14 novembre 2001

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Recours formé par Monsieur … AGOVIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12985 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2001 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Fabi

en VERREAUX, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif N° 12985 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2001 Audience publique du 14 novembre 2001

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Recours formé par Monsieur … AGOVIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12985 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2001 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Fabien VERREAUX, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AGOVIC, né le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 20 novembre 2000, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative prise sur recours gracieux par ledit ministre en date du 7 février 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Habiba BOUGHABA, en remplacement de Maître Lex THIELEN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives.

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Le 16 juin 1999, Monsieur … AGOVIC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur AGOVIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu en dates des 16 juin et 14 décembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 20 novembre 2000, notifiée en date du 22 janvier 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur AGOVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit : « Vous exposez avoir passé un contrôle d’aptitude pour le service militaire. On ne serait pas encore venu vous chercher pour faire votre service militaire. Vous auriez peur d’être maltraité pendant votre service militaire.

Vous auriez été menacé et maltraité par des réservistes. Selon vos opinions, vous auriez été menacé en raison de votre religion musulmane. Vous ne précisez pas en quoi votre religion aurait joué un rôle lors des menaces.

Il ne ressort cependant pas de vos déclarations que vous auriez subi des persécutions personnelles en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social.

Vous invoquez surtout un sentiment général d’insécurité en raison de la présence massive de militaires au Monténégro à l’époque du conflit armé au Kosovo, présence qui a fortement diminué depuis la fin de ce conflit. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par un courrier de son mandataire daté du 29 janvier 2001, Monsieur AGOVIC forma un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée du 20 novembre 2000.

Par lettre du 7 février 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure du 20 novembre 2000.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2001, Monsieur AGOVIC a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du ministre de la Justice des 20 novembre 2000 et 7 février 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, 2 prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

C’est à tort, comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement, que le demandeur soutient que la décision ministérielle précitée du 20 novembre 2000 aurait déclaré sa demande d’asile comme étant irrecevable au sens de la loi précitée du 3 avril 1996. En effet, il ressort sans aucune équivoque possible que le ministre de la Justice a déclaré, dans sa décision précitée du 20 novembre 2000, et après avoir analysé les différents faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, celle-ci comme étant non fondée au sens de l’article 11 de la loi précitée du 3 avril 1996. Il s’ensuit qu’en raison de la fausse interprétation non seulement du sens mais également des mots utilisés dans la décision litigieuse, ce moyen qualifié de moyen d’« incompétence » est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Le demandeur reproche encore au ministre de la Justice de ce qu’il ne résulterait d’« aucune pièce … qu’une autorité compétente n’avait été saisie ».

Il échet d’abord de relever que conformément à l’article 4, paragraphe (1) de la loi précitée du 3 avril 1996, qui prévoit expressément le droit accordé au demandeur d’asile d’être entendu par un agent du ministère de la Justice, Monsieur AGOVIC a été entendu en dates des 16 juin et 14 décembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile et que conformément à l’article 6, paragraphe (1) de la même loi, qui dispose que le service de police judiciaire est compétent pour procéder « à toute vérification nécessaire à l’établissement de l’identité du demandeur d’asile », en prévoyant encore que ledit service est compétent pour procéder « à une audition du demandeur d’asile » et de dresser un rapport afférent, le demandeur a été entendu par un agent du service de police judiciaire le jour du dépôt de sa demande d’asile, à savoir en date du 16 juin 1999, sur son identité ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’ensuit que tant les auditions précitées des 16 juin et 14 décembre 1999 que l’interrogatoire par un agent du service de police judiciaire en date du 16 juin 1999 ont été effectués par les autorités compétentes sur base des dispositions légales précitées.

Par ailleurs, au cas où, malgré l’imprécision du moyen formulé par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, celui-ci estime que la commission consultative pour les réfugiés aurait dû être saisie de son dossier de demande d’asile, il échet de relever, comme l’a soulevé à bon droit le délégué du gouvernement, que l’article 3, paragraphe 3 de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose que le ministre de la Justice a la faculté de consulter la prédite commission consultative en vue d’obtenir son avis sur un dossier individuel, mais que la saisine de cette commission n’est en aucun cas obligatoire. Ainsi, le fait de ne pas avoir soumis le dossier du demandeur à la commission consultative pour les réfugiés ne saurait entraîner l’annulation d’une décision ministérielle prise pour juger du bien fondé de sa demande d’asile.

En outre, le demandeur n’a pas établi l’existence d’une pratique administrative constante relativement à la saisine de la prédite commission consultative, malgré la modification de la loi précitée du 3 avril 1996, par la loi du 18 mars 2000, remplaçant la saisine obligatoire de la commission par une consultation facultative de celle-ci.

3 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen afférent est à écarter comme n’étant pas fondé.

Le demandeur conclut par ailleurs à l’annulation des décisions critiquées en soutenant que celles-ci auraient été prises sans qu’il aurait été vérifié qu’il n’y avait pas un problème de traduction ou d’interprétation des réponses fournies par lui au cours de ses auditions par un agent du ministère de la Justice. Dans ce contexte, il entend faire nommer un traducteur-

interprète assermenté en vue de faire procéder à une nouvelle audition. Il estime que des problèmes de traduction seraient à l’origine d’imprécisions et de contradictions dans la version des faits présentée par lui au cours de ses auditions et qu’il aurait incombé au ministre de la Justice de clarifier ces faits afin de les rendre plus compréhensibles.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement rappelle tout d’abord qu’il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique et que la deuxième audition par un agent du ministère de la Justice, effectuée en date du 14 décembre 1999, s’est déroulée en présence de l’avocat du demandeur, qui a également contresigné le procès-verbal de la première audition du demandeur effectuée en date du 16 juin 1999. Ainsi, Monsieur AGOVIC avait l’occasion, en date du 14 décembre 1999, ensemble avec son avocat, de développer davantage ses déclarations initialement fournies en date du 16 juin 1999 ou de rectifier celles-ci en cas d’incohérence. Toutefois, il ne ressort ni du procès-verbal de l’audition complémentaire du 14 décembre 1999 ni de la requête introductive d’instance sous analyse que Monsieur AGOVIC se plaignait de ce que ses déclarations initiales auraient été mal traduites ou mal interprétées ou qu’il avait des déclarations supplémentaires à faire quant aux faits se trouvant à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, qui n’auraient pas été inscrites au procès-verbal initial du 16 juin 1999. Par ailleurs, comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement, en se référant au fait que les procès-verbaux respectifs contenant les déclarations de Monsieur AGOVIC ont été respectivement signés par celui-ci, ainsi que par son avocat, qu’au cas où ils auraient douté de la traduction correcte des déclarations de Monsieur AGOVIC, ils auraient pu refuser de signer lesdits procès-verbaux ou exiger d’être assistés par un autre interprète, d’autant plus que Monsieur AGOVIC ni n’explique en quoi ses propos auraient été dénaturés ni n’apporte un quelconque élément de preuve mettant le tribunal en mesure d’apprécier si, effectivement, le traducteur n’a pas correctement traduit et interprété ses déclarations faites au cours des auditions précitées des 16 juin et 14 décembre 1999 par un agent du ministère de la Justice.

Il résulte des développements qui précèdent que le moyen afférent est à rejeter et qu’il n’y a pas lieu à faire droit à la nomination d’un traducteur-interprète.

Le demandeur reproche encore au ministre de la Justice de ne pas avoir indiqué « une véritable motivation » dans la décision critiquée du 20 novembre 2000, alors que celle-ci ne contiendrait que des « affirmations sommaires non autrement circonstanciées en fait ni motivées en droit » et il conclut partant à l’annulation de ladite décision pour défaut de motifs légaux.

Force est de constater, comme l’a encore relevé à bon droit le délégué du gouvernement, que ledit moyen laisse d’être fondé, étant donné qu’il ressort du libellé de la décision précitée du 20 novembre 2000, auquel s’est référée la décision confirmative du 7 février 2001 pour faire partie intégrante également de cette deuxième décision, que le ministre 4 de la Justice a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels il s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur.

A l’appui du bien fondé de sa demande d’asile, le demandeur fait exposer qu’il serait originaire de Bérane (Monténégro), de confession musulmane, qu’il ferait partie de la minorité des « bochniaques » et qu’il aurait eu « de graves difficultés » dans son pays d’origine, non seulement en raison de sa religion musulmane mais également en raison de ses différentes prises de position politiques. Dans ce contexte, il fait valoir qu’il aurait été menacé et maltraité par les réservistes de l’armée à une époque où il n’aurait pas fait partie de l’armée fédérale yougoslave et n’aurait pas été convoqué par celle-ci en vue d’accomplir son service militaire, qu’ainsi, il aurait été frappé avec la crosse du fusil par un réserviste qui aurait proféré des menaces à son encontre, que d’autres réservistes l’auraient menacé de le tuer et que l‘absence de protection de la part des autorités étatiques rendrait ces menaces particulièrement inquiétantes. Ainsi, sa vie serait gravement mise en danger en cas de retour dans son pays d’origine.

Il estime de ce fait remplir les conditions prévues par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur AGOVIC et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib.adm. 1er octobre 1997, Engel, n°9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n°12179C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n° 29).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur AGOVIC lors de ses auditions en date des 16 juin et 14 décembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les 5 deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il échet tout d’abord de relever que les craintes de persécutions avancées par le demandeur en raison de son appartenance à la communauté religieuse musulmane et de la situation politique générale dans son pays d’origine, en raison de sa peur de réservistes ou, d’une manière générale, de membres de l’armée fédérale yougoslave, constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il se dégage en effet des déclarations du demandeur qu’il n’a pas personnellement subi des persécutions et que sa peur tient en grande partie aux menaces et mauvais traitements par lesquels « les militaires » viseraient « tout le monde ». - Dans ce contexte, il échet de relever que le fait non autrement documenté portant sur des coups reçus de la part d’un réserviste moyennant la crosse d’un fusil, à le supposer véridique, ne saurait, à lui seul, établir une persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que le demandeur n’a pas établi que ce comportement ait été motivé par l’une des raisons prévues par la prédite Convention permettant la reconnaissance du statut de réfugié.

En outre, concernant ce même risque de persécution de réservistes de l’armée fédérale yougoslave, invoqué par le demandeur, force est de constater qu’un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s).

En l’espèce, le demandeur fait état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre, mais ne démontre point que les autorités en place ne seraient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Monténégro. - Il convient de rappeler, dans ce contexte, en ce qui concerne la situation des membres de minorités ethniques, notamment de celle des « bochniaques », que s’il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes et des discriminations par les groupuscules extrémistes et terroristes, elle n’est cependant pas telle que tout membre 6 de la minorité visée aurait de ce seul chef raison de craindre une persécution au sens de la Convention de Genève. En l’absence d’un quelconque élément individuel et concret de nature à établir que le demandeur, considéré individuellement et concrètement, risque de subir des traitements discriminatoires, la crainte par lui exprimée s’analyse dès lors, en substance, en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

rejette la demande en nomination d’un traducteur-interprète ;

au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 14 novembre 2001 par le vice-président, présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12985
Date de la décision : 14/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-14;12985 ?

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