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14/11/2001 | LUXEMBOURG | N°12980

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2001, 12980


Tribunal administratif Numéro 12980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2001 Audience publique du 14 novembre 2001 Recours formé par Monsieur … SOFTIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 février 2001 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … SOFTIC, chauffeur d’autobus, de nationalité yougoslave, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation d’un

e décision du ministre de la Justice du 12 décembre 2000 refusant la prolongation de l’au...

Tribunal administratif Numéro 12980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2001 Audience publique du 14 novembre 2001 Recours formé par Monsieur … SOFTIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 février 2001 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … SOFTIC, chauffeur d’autobus, de nationalité yougoslave, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 décembre 2000 refusant la prolongation de l’autorisation de séjour à Monsieur SOFTIC et l’invitant à quitter le pays dans le délai d’un mois ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Luc GONNER en sa plaidoirie à l’audience publique du 1er octobre 2001.

Monsieur … SOFTIC bénéficia d’une autorisation de séjour datée du 15 avril 1999 valable pour douze mois.

Par courrier du 4 avril 2000, le ministre de la Justice demanda à Monsieur SOFTIC de lui faire parvenir la preuve qu’il est en possession de moyens d’existence personnels et suffisants lui permettant d’assurer son séjour au pays, indépendamment de l’aide matérielle ou de secours financiers que de tierces personnes pourraient lui faire parvenir.

Monsieur SOFTIC affirme avoir envoyé une copie de son contrat de travail conclu en date du 9 août 1999 avec la société V.S. S. A., établie et ayant son siège social à L –…, auprès de laquelle il est engagé en tant que chauffeur d’autobus. Ces documents ont apparemment été égarés au Ministère de la Justice.

Par courrier recommandé du 14 juillet 2000, le ministre de la Justice refusa à Monsieur SOFTIC la prolongation de son autorisation de séjour.

Par courrier de son mandataire du 9 août 2000, Monsieur SOFTIC fit parvenir une copie d’un certificat de travail daté du 3 juillet 2000 et établi par son employeur, la société V.S. S. A., attestant son engagement en tant que chauffeur d’autobus à partir du 9 août 1999, ainsi que des copies de ses fiches de salaires pour les mois d’avril à juin 2000.

Par courrier du 29 août 2000, le ministre de la Justice accusa réception du courrier de Maître GONNER du 9 août 2000 et l’informa de ce qui suit :

« Un détail de cette lettre (lettre du 14 juillet 2000 refusant à Monsieur SOFTIC la prolongation de l’autorisation de séjour) a toutefois dû vous échapper 1 alors qu’il y était fait mention de moyens d’existence personnels « légalement acquis ».

Ainsi l’article 26 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers dispose qu’ « aucun travailleur ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail ».

Or, la validité du permis de travail A dont disposait votre mandant est venue à échéance en date du 1er avril 2000 et, renseignements pris auprès du Ministère du Travail, une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail n’a pas été enregistrée par l’administration de l’emploi.

Dans ces conditions, je ne puis que confirmer la teneur de ma lettre du 14 juillet 2000. » Par courrier du 7 septembre 2000, le mandataire de Monsieur SOFTIC s’adressa de nouveau au ministre de la Justice en précisant que Monsieur J. F., conseiller de direction au ministère du Travail et de l’Emploi, avait adressé, le 28 février 2000, un courrier à la société V.S. S.A. pour lui demander de formuler une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur SOFTIC. Suite à ce courrier, une nouvelle demande fut adressée directement à Monsieur F. en date du 10 mars 2000. Comme cette demande n’aurait pas été traitée, une nouvelle demande aurait été déposée le 2 septembre 2000 directement à l’ADEM.

Suite à ces explications, le mandataire de Monsieur SOFTIC demanda au ministre de la Justice d’intervenir auprès du ministre du Travail et de l’Emploi afin de clarifier cette situation et de revoir par conséquent la teneur de la décision du 14 juillet 2000.

Par décision du 12 décembre 2000, le ministre de la Justice refusa le prolongement de l’autorisation de séjour de Monsieur SOFTIC en les termes suivants : « …En date du 15 avril 1999, une autorisation de séjour valable pour 12 mois, soit jusqu’au 1er avril 2000 avait été accordée à votre mandant suite à son mariage avec la dame A. P.. Vu l’octroi de cette autorisation de séjour, un permis de travail « A » fut accordé pour la même période par le ministre du Travail et de l’Emploi.

Or, par un rapport de police daté du 17 février 2000, je fus informé que la communauté de vie entre les époux Softic-P. n’existait plus.

Cet état de fait s’est concrétisé par la suite, alors que votre mandant, depuis le 1er septembre 2000 a quitté le foyer conjugal pour s’établir à L-….

La communauté de vie entre les époux Softic-P. n’existant donc définitivement plus, votre mandant ne disposant pas, pour le surplus, de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis pour supporter ses frais de séjour, alors qu’un nouveau permis de travail n’a pas été octroyé, je ne me vois pas en mesure, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. L’entrée et le séjour des étrangers ; 2. Le contrôle médical des étrangers ; 3. L’emploi de la main d’œuvre étrangère, de procéder à la prolongation de son autorisation de séjour… ».

Suite à ce refus, Monsieur SOFTIC a fait déposer un recours en annulation contre la décision ministérielle du 12 décembre 2000.

Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi il est recevable.

Malgré le fait que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg se soit vu signifier le recours, il n’a pas comparu, ne faisant déposer aucun mémoire dans le délai légal, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant 2 règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire.

Quant aux motifs de refus fondant la décision ministérielle du 12 décembre 2000, le demandeur avance les moyens suivants.

En ce qui concerne la cessation de la communauté de vie entre lui-même et Madame P. A., il précise qu’il serait juste que Madame P. avait déposé une demande en divorce.

Cependant après avoir plaidé l’affaire de référé en obtention de la résidence séparée, elle n’aurait plus poursuivi l’instance de divorce, vu qu’entre-temps les époux SOFTIC- P. se seraient réconciliés, comme cela résulterait du certificat établi par le greffe du Tribunal d’arrondissement de Diekirch attestant qu’aucune procédure de divorce ne serait pendante à l’heure actuelle. Il ajoute que sa résidence séparée s’expliquerait par le fait qu’il aurait dû quitter le logement conjugal et qu’il devrait respecter les termes de son contrat de bail pour sa demeure à …. Il relève en plus que la communauté de vie entre époux aurait été reprise, alors qu’il rentrerait régulièrement au domicile conjugal à … et y passerait ses soirées et week-ends ensemble avec son épouse.

En ce qui concerne l’inexistence de moyens de subsistance valables, le demandeur ne conteste pas qu’au moment de la prise de la décision déférée, le ministre du Travail n’avait pas encore statué sur sa demande en renouvellement de son permis de travail valable jusqu’au 30 mars 2000. Il relève cependant qu’il ne faudrait pas perdre de vue que cet état des choses s’expliquerait pour des raisons inhérentes de non-organisation au sein du ministère du Travail et de l’Emploi et que ses papiers auraient été égarés. Il expose en plus qu’il aurait toujours travaillé correctement et à la plus grande satisfaction de son patron, qu’il aurait commencé à s’intégrer au pays et qu’il aurait appris la langue luxembourgeoise. Il renseigne qu’actuellement un recours en annulation contre la décision ministérielle du 5 février 2001 refusant la prolongation du permis de travail est pendant devant le tribunal administratif, tout en précisant que même en attendant l’issue de cette affaire, il disposerait de revenus suffisants alors qu’il aurait repris la communauté de vie avec son épouse.

En ordre subsidiaire, il demande au tribunal à surseoir à statuer en attendant l’issue du recours en annulation contre la décision du ministre du Travail et de l’Emploi lui refusant la prolongation du permis de travail.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

S’il est constant en cause que la première autorisation de séjour en date du 15 avril 1999 avait été accordée à Monsieur SOFTIC suite à son mariage avec la dame A. P., il n’en reste pas moins que Madame P. n’ayant pas la nationalité d’un pays membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (EEE), Monsieur SOFTIC ne peut bénéficier des dispositions du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, ni de celles du règlement CEE 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté.

3 La législation applicable à la présente affaire est la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main d’œuvre étrangère. L’article 2 de cette loi modifiée du 28 mars 1972 dispose : « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Si on peut considérer que le mariage peut, sous certaines conditions, valoir justification de moyens personnels suffisants, mais qu’il est établi en l’espèce qu’à la décision déférée la communauté de vie des époux SOFTIC-P. était dissoute en fait, il n’en demeure cependant pas moins que la personne qui sollicite une autorisation de séjour peut rapporter la preuve de moyens de subsistance personnels suffisants par tout autre moyen.

Il y a donc lieu de vérifier si Monsieur SOTIC, au moment de la prise de la décision de refus de l’autorisation de séjour prise par le ministre de la Justice le 12 décembre 2000, disposait de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Les moyens d’existence personnels suffisants peuvent être dégagés à partir de l’exercice d’une occupation rémunérée. Monsieur SOFTIC a travaillé en tant que chauffeur d’autobus auprès de la société anonyme V.S. S. A. à partir d’août 1999. Un permis de travail afférent lui a été délivré lequel était valable jusqu’au 30 mars 2000. D’après les affirmations du demandeur non contestées en cause, en date du 10 mars 2000, c’est-à-dire avant l’expiration du premier permis de travail, son employeur a introduit une demande en renouvellement du permis de travail.

Il y a partant lieu d’admettre qu’en date du 12 décembre 2000, l’examen de la demande de renouvellement du permis de travail de Monsieur SOFTIC était toujours pendant, de sorte que le ministre de la Justice n’a pas pu valablement fonder sa décision de refus du permis de séjour sur l’absence d’un permis de travail valable. Monsieur SOFTIC ne saurait en effet souffrir de la longueur de la procédure aussi bien au sein du ministère du Travail et de l’Emploi qu’au sein du ministère de la Justice. Il y a également lieu de considérer que dans le cadre d’une demande en renouvellement d’un permis de travail, introduite avant l’expiration de ce dernier, l’occupation au-delà du terme du salarié en question ne saurait être invoquée utilement comme motif de refus de renouvellement, sous peine de quasi systématiquement vouer la demande afférente à l’échec de ce seul fait, pareil motif ne rentrant pas par ailleurs dans les prévisions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 citée ci-avant, en ce qu’il ne participe pas aux raisons inhérentes à la situation, à l’évolution et à l’organisation du marché de l’emploi y limitativement énoncées (cf. trib. adm. 1er octobre 2001, JESIC, n° 12841, non encore publié).

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le ministre de la Justice n’a pas pu valablement se fonder sur l’absence d’un nouveau permis de travail pour en déduire l’absence de moyens de subsistance personnels suffisants pour refuser l’autorisation de séjour à Monsieur SOFTIC. La décision de refus de l’autorisation de séjour est partant à annuler.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard des deux parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant le ministre compétent, condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 novembre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12980
Date de la décision : 14/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-14;12980 ?

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