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05/11/2001 | LUXEMBOURG | N°13070

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 novembre 2001, 13070


Tribunal administratif N° 13070 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mars 2001 Audience publique du 5 novembre 2001

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Recours formé par Madame … LEDINIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13070 du rôle et déposée le 15 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jérôme WIGNY, avocat à la Cour, assisté de Maître Sophie LAGUESSE, avocat, tou

s les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … LEDINIC, née le ...

Tribunal administratif N° 13070 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mars 2001 Audience publique du 5 novembre 2001

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Recours formé par Madame … LEDINIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13070 du rôle et déposée le 15 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jérôme WIGNY, avocat à la Cour, assisté de Maître Sophie LAGUESSE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … LEDINIC, née le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 novembre 2000, notifiée le 19 janvier 2001, confirmée sur recours gracieux le 21 février 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Sophie LAGUESSE, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives.

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Le 29 septembre 1999, Madame … LEDINIC introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg ainsi que sur son identité.

Le 24 janvier 2000, elle fut en outre entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 20 novembre 2000, notifiée le 19 janvier 2001, le ministre de la Justice l'informa de ce que sa demande était rejetée, au motif qu'à l'appui de sa demande d'asile, elle n'invoquait que des motifs d'ordre personnel sans citer un fait quelconque pouvant constituer une crainte justifiée d'être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève. La décision souligne que Madame LEDINIC n'est membre d'aucun parti politique et qu'elle n'a pas été persécutée personnellement. L'allégation selon laquelle la demanderesse d'asile ne sortait pratiquement plus de son domicile de peur des troupes serbes stationnées dans son village, et sa crainte d'un conflit au Monténégro n'étaient pas admises comme craintes légitimes pouvant justifier l'octroi du statut de réfugié politique.

Suite à un recours gracieux introduit le 16 février 2001, le ministre confirma sa décision négative le 21 février 2001.

Par requête déposée le 15 mars 2001, Madame LEDINIC a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décisions précitées du ministre de la Justice du 20 novembre 2000.

Le tribunal administratif étant compétent, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile;

2) d’un régime de protection temporaire, de statuer comme juge du fond en matière de demandes d'asile déclarées non fondées, et le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose qu'elle a été contrainte de quitter son pays parce qu'elle vivait au Monténégro dans la peur perpétuelle d'être persécutée en raison de sa religion musulmane, qu'elle n'a notamment plus osé sortir de la maison de ses parents, de peur d'être violée. Elle estime que son jeune âge et son sexe la placent dans une position dangereuse au regard des répercussions résultant de la haine interethnique qui, selon son avis, n'est pas de nature à être endiguée par le changement de pouvoir à la tête de la Yougoslavie. Elle souligne par ailleurs que les conditions de vie de la minorité musulmane au nord du pays sont très difficiles.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation de Madame LEDINIC, de sorte que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations faites.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame LEDINIC lors de son audition, telles que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, elle fait état, de manière théorique, de son jeune âge et de son sexe féminin pour affirmer une crainte de subir des viols de la part de membres de la population serbe de son pays. Cette affirmation est trop générale pour porter à conséquence. La demanderesse ne fait pas état de faits concrets qui lui auraient pu faire craindre personnellement des mauvais traitements.

Il se dégage de l'ensemble de ses déclarations qu'elle fait état d'un climat général d'insécurité dans son pays, une telle circonstance ne constituant cependant pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 5 novembre 2001 par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, Mme Lamesch, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13070
Date de la décision : 05/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-11-05;13070 ?

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