Numéro 12865 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 février 2001 Audience publique du 24 octobre 2001 Recours formé par la société à responsabilité limitée RESTAURATION FACADES, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation de faire le commerce
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 12865 du rôle, déposée le 6 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée RESTAURATION FACADES, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 17 novembre 2000 portant rejet de sa demande en extension de son autorisation de faire le commerce aux activités de maçon, façadier et de plafonneur sous la gérance technique de Monsieur G.D.;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2001;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2001 par Maître Gérard A. TURPEL pour compte de la société RESTAURATION FACADES s.à r.l.;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Vincent ISITMEZ et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 septembre 2001.
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Suivant autorisation d’établissement n° 65970/A du 8 août 1995, la société à responsabilité limitée RESTAURATION FACADES, préqualifiée, fut autorisée à exercer les métiers de nettoyeur de bâtiments sous condition que la gérance soit assurée par Monsieur S.
C..
Par courrier du 19 juillet 2000, la société RESTAURATION FACADES s. à r.l.
s’adressa au ministère des Classes moyennes afin de se voir autoriser à exercer complémentairement les activités de maçon, façadier et plafonneur, tout en précisant qu’elle aurait engagé le 1er juillet 2000 en qualité de gérant technique Monsieur G.D. qui serait détenteur des brevets nécessaires pour lesdites activités.
Le ministre refusa de faire droit à cette demande par décision du 17 novembre 2000 aux motifs que « de l’avis de la commission prévue à l’article 2 susvisé, Monsieur G.D. est à considérer comme personne interposée, pratique interdite par l’article 5 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 ; en effet ce texte stipule que « nul ne peut exercer une des activités ou professions visées par la présente loi sous le couvert d’une autre personne ou servir de personne interposée dans le but d’en éluder les dispositions ». Comme je me rallie à la prise de position de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir réserver une suite à votre demande dans l’état actuel du dossier ».
A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet, la société RESTAURATION FACADES s.à r.l. a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 6 février 2001.
Etant donné que l’article 2, alinéa 6 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « la loi d’établissement », dans la teneur lui conférée par la loi modificative du 4 novembre 1997, dispose expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation, compétence ne lui est pas conférée par la loi pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la société demanderesse reproche au ministre d’avoir commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits et fait valoir que, contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, Monsieur D. ne pourrait être qualifié de personne interposée. La société demanderesse soutient à cet égard qu’il ressortirait des termes de l’article 5, alinéa 3 de la loi d’établissement que la personne rapportant la preuve de son engagement par un contrat de travail ne serait pas à considérer comme personne interposée.
La société demanderesse estime avoir suffi à cette charge de la preuve en renvoyant au contrat d’engagement à durée indéterminée conclu avec Monsieur D. le 1er juillet 2000, à l’affiliation de ce dernier à la sécurité sociale ainsi qu’aux salaires lui effectivement payés depuis le mois de juillet 2000.
Le délégué du Gouvernement rétorque que Monsieur D., âgé de 74 ans, bénéficierait d’une pension de vieillesse depuis 1984 et n’aurait plus exercé d’activités professionnelles depuis cette date. Il fait encore valoir que la prétendue qualité de dirigeant de Monsieur D.
2 au sein de la société demanderesse ne serait corroborée ni par un document social, ni par une décision des associés portant une telle nomination en sa faveur, de sorte qu’aucun pouvoir de direction ne lui aurait été dévolu. Le représentant étatique fait encore remarquer que le contrat de travail du 1er juillet 2000 versé en cause ne respecterait pas les conditions prévues par l’article 5 de la loi d’établissement en ce que plus particulièrement la rémunération y inscrite ne serait pas au moins égale au salaire social minimum d’un ouvrier qualifié. Après avoir signalé que l’article 14 de la loi modifiée du 24 décembre 1977 autorisant le Gouvernement à prendre les mesures destinées à stimuler la croissance économique et à maintenir le plein emploi interdit en principe l’exercice d’une activité salariée aux personnes jouissant d’une pension de vieillesse, le délégué du Gouvernement conclut au rejet du recours.
La société demanderesse fait répliquer que la loi d’établissement ne comporterait, au-
delà des exigences de qualification professionnelles remplies par Monsieur D., aucune disposition instaurant une limite d’âge ou soumettant l’autorisation d’établissement à la non-
perception d’une pension de vieillesse ou à la continuité antérieure de l’activité professionnelle, de manière que ces motifs nouvellement avancés par le délégué du Gouvernement ne sauraient suffire à eux seuls pour conclure que Monsieur D. servirait comme personne interposée. Pour rencontrer l’argument du représentant étatique quant au défaut d’une nomination de Monsieur D. en tant que dirigeant, la société demanderesse renvoie au procès-verbal d’une assemblée générale de ses associés dont il ressortirait que Monsieur D. a acquis 125 parts sur 1250 et qu’il aurait été nommé gérant par les associés. La société demanderesse argue encore que l’indication du salaire dans le contrat de travail du 1er juillet 2000 serait le résultat d’une erreur de son comptable et que les fiches de salaires de Monsieur D. versées en cause établiraient que la rémunération mensuelle effectivement payée à ce dernier serait en réalité au moins égale au salaire social minimum. Concernant l’interdiction de principe de l’exercice d’une activité salariée à partir de la date d’octroi d’une pension de vieillesse, telle qu’invoquée par le représentant étatique, la société demanderesse fait valoir en premier lieu que les dispositions de cette loi auraient cessé leur effet le 1er janvier 1980 et que, même si elles étaient restées applicables, la seule sanction du non-respect de cette interdiction consisterait en une amende, laquelle serait complètement étrangère à la question de savoir si Monsieur D. sert comme personne interposée.
Aux termes de l’article 5 de la loi d’établissement, « l’autorisation d’établissement est strictement personnelle. Nul ne peut exercer une des activités ou professions visées par la présente loi sous le couvert d’une autre personne ou servir de personne interposée dans le but d’éluder les dispositions de la présente loi. L’engagement par une société d’un gérant qualifié doit être prouvé par la production d’un contrat de louage de services en due forme, définissant les droits et obligations du gérant, son horaire de travail, ainsi que sa rémunération qui doit être au moins égale au salaire social minimum d’un employé qualifié ».
En l’espèce, afin de qualifier Monsieur D. de personne interposée, le délégué du Gouvernement renvoie notamment au contrat de travail conclu le 1er juillet 2000 entre Monsieur D. et la société demanderesse pour constater que la rémunération mensuelle de 49.250 LUF pour une durée normale de travail hebdomadaire de 40 heures ne correspond pas au moins au salaire social minimum d’un employé qualifié qui se serait élevé à 59.100 LUF à cette date.
Pour contrer cette argumentation du représentant étatique, la société demanderesse soutient d’une part que le montant inscrit audit contrat de travail serait le résultat d’une 3 erreur de son comptable et, d’autre part, que les rémunérations effectivement versées à Monsieur D. répondraient aux exigences légales.
Outre le fait que la prétendue erreur du comptable n’est étayée par aucun élément versé au dossier, force est de constater que le salaire social minimum d’un employé qualifié s’élevait au 1er juillet 2000 à 59.100 LUF, conformément aux dispositions de la loi modifiée du 12 mars 1973 portant réforme du salaire social minimum. Les fiches de salaires de Monsieur D. pour les mois de juillet à octobre 2000, versées par la société demanderesse renseignent par contre une rémunération de 49.250 LUF pour l’accomplissement d’une tâche complète de 168 heures de travail mensuelles. Il y a encore lieu de relever qu’il résulte des fiches de salaires pour les mois de novembre et décembre 2000 que Monsieur D. n’a presté durant ces mois que des demi-tâches de 84 heures de travail mensuelles.
En outre, la société demanderesse entend combler le défaut d’une décision de ses associés sur la nomination de Monsieur D. en tant que gérant, tel que critiqué par le représentant étatique, par une pièce versée en annexe au mémoire en réplique déposé en son nom. Ce procès-verbal d’une assemblée générale extraordinaire des associés de la société demanderesse constitue cependant un simple projet d’acte comportant comme date la seule mention « L’an deux mil un ». Etant partant en toute occurrence postérieur à la décision critiquée et ne constituant pas un acte notarié effectivement reçu au moment de la prise de la décision déférée, ledit procès-verbal ne saurait dès lors établir la qualité de gérant dans le chef de Monsieur D. à l’époque sur laquelle porte l’analyse du tribunal dans le cadre du recours en annulation.
Il ressort encore d’un certificat d’affiliation de Monsieur D. versé en cause que ce dernier n’était plus affilié à la sécurité sociale du chef d’une activité professionnelle depuis la fin de l’année 1983, que né le 17 mai 1927, il était âgé de 73 ans au moment de la prise de la décision ministérielle litigieuse et bénéficiait d’une pension de vieillesse.
En se basant sur ces faits et incohérences constants en cause, le ministre n’a pas excédé les confins de son pouvoir d’appréciation en estimant que l’indication de Monsieur D. comme gérant technique responsable de l’exécution des activités visées dans la demande d’autorisation ne correspondrait pas à un engagement effectif de ce dernier et ne présenterait partant pas les garanties requises par la loi concernant l’exécution et la surveillance des tâches techniques impliquées par lesdites activités.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.
4 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 octobre 2001 par:
M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.
SCHMIT DELAPORTE 5