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17/10/2001 | LUXEMBOURG | N°13401

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 octobre 2001, 13401


Tribunal administratif N° 13401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2001 Audience publique du 17 octobre 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13401 et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2001 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Sylvain L’HOTE, avocat, tous l

es deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC,...

Tribunal administratif N° 13401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mai 2001 Audience publique du 17 octobre 2001

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Recours formé par Monsieur … ADROVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13401 et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2001 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Sylvain L’HOTE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADROVIC, né le … à Veles (Macédoine), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 11 janvier 2001, lui notifiée le 15 février 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par ledit ministre en date du 3 avril 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2001 par Maître Jos STOFFEL au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Sylvain L’HOTE, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries à l’audience publique du 8 octobre 2001.

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Le 24 juin 1999, Monsieur … ADROVIC, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur ADROVIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 28 juin 1999, Monsieur ADROVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 11 janvier 2001, notifiée le 15 février 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur ADROVIC de ce que sa demande d’asile avait été rejetée au motif que les maltraitances et les injures par lui invoquées, de même à les supposer établies, ne seraient pas de nature à justifier dans son chef l’existence d’une crainte de persécution pour un des motifs énoncés à la Convention de Genève, mais traduiraient plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité, lequel ne saurait être utilement invoqué pour illustrer une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par courrier de son mandataire datant du 14 mars 2001, Monsieur ADROVIC introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 11 janvier 2001.

Par décision du 3 avril 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 4 mai 2001, Monsieur ADROVIC a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du ministre de la Justice des 11 janvier et 3 avril 2001.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation, au motif que les dispositions légales applicables en la matière prévoiraient un recours au fond.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il est originaire de Macédoine et de confession musulmane, et qu’il aurait décidé de fuir son pays en raison des persécutions qu’il aurait dû subir de la part des autorités serbes présentes dans son pays. Il fait valoir que la situation en Macédoine serait à l’heure actuelle très préoccupante du fait de l’opposition de l’armée macédonienne à d’anciens membres de l’UCK souhaitant disposer d’un territoire autonome au confins de l’Albanie, empiétant sur le Kosovo et la Macédoine, afin de créer un territoire albanophone unique voisin de l’Albanie. Il signale plus particulièrement avoir été 2 contraint par la police macédonienne de quitter son village, que son père se serait fait battre par les Serbes et que d’autres exactions se seraient produites dans son village en toute impunité et discrétion en raison de la situation géographique isolée de ce dernier. Dans la mesure où ce village se situerait dans la zone peuplée d’une minorité albanaise, les combats s’y dérouleraient à l’heure actuelle, de sorte qu’en retournant dans son village, il serait exposé à de graves risques pour sa vie en raison de son origine albanaise et de sa nationalité macédonienne. Le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir apprécié à sa juste valeur sa situation personnelle caractérisée par ses origines ethniques et son lieu de résidence en Macédoine, et fait valoir que la situation générale de la République de Macédoine et plus particulièrement de ses habitants de confession musulmane aurait plaidé en faveur de l’octroi du statut de réfugié dans son chef.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la simple appartenance à une minorité religieuse en tant que telle ne saurait suffire pour se voir accorder le bénéfice du statut de réfugié et conteste par ailleurs formellement les explications du demandeur quant à son origine ethnique en faisant valoir que non seulement l’audition de Monsieur ADROVIC aurait été faite en langue serbo-croate et non pas en langue albanaise, mais qu’il serait encore impossible qu’un dénommé … ADROVIC soit d’origine albanaise, étant donné qu’il s’agirait d’un nom à consonnance serbo-croate.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur ADROVIC lors de son audition en date du 28 juin 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le demandeur fait en effet état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre en raison de son appartenance à la minorité musulmane de Macédoine, sans qu’il n’ait établi un état de persécution vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, étant relevé dans ce contexte que, lors de son audition, il est resté très vague dans ses déclarations, qu’il a précisé ne pas avoir été persécuté physiquement, et que par ailleurs les évènements relatés par le demandeur se cristallisent essentiellement autour de la situation dans son village d’origine. - Dans ce contexte, il convient 3 de relever que la Convention de Genève, vise le pays d’origine ou de nationalité sans restrictions territoriales, de manière à exclure la référence à des considérations tenant à une région géographiquement limitée du pays d’origine et que par ailleurs les insultes ou les menaces verbales invoquées, à les supposer établies, ne constituent pas des actes d’une gravité suffisante justifiant une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant la référence à la situation générale en Macédoine, force est encore de constater qu’une situation de conflit interne, même violent ou généralisé, ne peut, à elle seule, justifier la reconnaissance de la qualité de réfugié, étant donné que la crainte de persécution, outre de devoir toujours être fondée sur l’un des motifs de l’article 1er, A de la Convention de Genève, doit également avoir un caractère personnalisé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13401
Date de la décision : 17/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-17;13401 ?

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