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17/10/2001 | LUXEMBOURG | N°13258

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 octobre 2001, 13258


Numéro 13258 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 17 octobre 2001 Recours formé par Madame … MURATOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13258 du rôle, déposée le 12 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Paul THEVES, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MURATOVIC, née le … à Pet...

Numéro 13258 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 17 octobre 2001 Recours formé par Madame … MURATOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13258 du rôle, déposée le 12 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Paul THEVES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MURATOVIC, née le … à Petnjica (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, née le … à Niksic (Monténégro/Yougoslavie), …, née le … à Niksic, et …, née le … à Niksic, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 février 2001 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 août 2001 par Maître Paul THEVES pour compte de Madame MURATOVIC;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Carine ALTMEIER, en remplacement de Maître Paul THEVES, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er octobre 2001.

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Le 28 mars 2000, Madame … MURATOVIC, susqualifiée, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, … et …, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame MURATOVIC fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame MURATOVIC fut entendue en date du 20 juin 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame MURATOVIC, par lettre du 9 février 2001, notifiée en date du 16 mars 2001, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécutions susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécutions en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 9 février 2001, Madame MURATOVIC a fait introduire un recours en réformation par requête déposée en date du 12 avril 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, originaire du Monténégro et de confession musulmane, fait exposer qu’elle-même et son époux, Monsieur … …, auraient divorcé mais seraient de nouveau ensemble. Elle fait valoir que Monsieur …, ayant revêtu le rang de sergent dans l’armée yougoslave, aurait déserté des rangs de cette dernière au moment où son unité aurait été stationnée près de Golubovac au Monténégro afin d’éviter les provocations et persécutions subies de la part des Serbes du fait de sa religion musulmane.

Dans la mesure où Monsieur … risquerait d’encourir une « punition très sévère » et de se voir arrêter en raison de sa désertion, la demanderesse, souhaitant rester avec lui, estime qu’elle « encourt par extension le même danger » en cas de retour au Monténégro. Elle soutient que sa vie et celle de ses enfants seraient partant en danger dans son pays d’origine pour conclure à la réformation de la décision ministérielle entreprise pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

2 Le délégué du Gouvernement rétorque que la désertion ne constituerait pas à elle seule un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié, qu’une loi d’amnistie aurait été adoptée au mois de mars 2001 par le parlement yougoslave et que le UNHCR aurait en substance confirmé ne pas avoir connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs qui n’auraient pu bénéficier de cette loi. Le représentant étatique renvoie encore à la nouvelle situation politique régnant en Yougoslavie suite à l’élection d’un nouveau président et à la constitution d’un nouveau gouvernement démocratiquement élu.

La demanderesse fait répliquer qu’elle aurait constamment subi des provocations, insultes et humiliations de la part de soldats serbes en raison de sa religion musulmane et qu’elle ferait partant valoir une persécution effective en considération de sa religion. Elle estime que la désertion de Monsieur … de l’armée yougoslave serait « punie très sévèrement », d’autant plus qu’il aurait été un gradé, et elle renvoie à cet égard à un article paru dans le journal « VESTI » du 13 mars 2001 relatant l’arrestation et la mise en prison d’un sous-officier de l’armée yougoslave qui tentait de franchir la frontière. Concernant la loi d’amnistie invoquée par le délégué du Gouvernement, elle fait valoir qu’elle ne serait pas de nature à exclure un risque de poursuites dans le chef de Monsieur … et que l’amnistie ne serait pas encore effective, de sorte qu’elle pourrait craindre avec raison un danger pour sa personne et celle de ses enfants alors que sa situation serait liée indissociablement avec celle de Monsieur ….

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 5 avril 2001, Durakovic, n° 12801C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 20 juin 2000, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa 3 nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il ressort d’un jugement du tribunal du 17 octobre 2001 (n° 13259 du rôle) que Monsieur … reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance et que c’est partant à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique. Il s’ensuit que la demande d’asile de la demanderesse laisse pareillement d’être fondée dans la mesure où elle se base sur la situation de Monsieur … et la communauté de vie qu’elle entretient avec ce dernier pour conclure qu’elle « encourt par extension le même danger » en cas de retour au Monténégro.

Concernant les provocations, insultes et humiliations que la demanderesse prétend avoir subies, force est de relever qu’elle a déclaré lors de son audition ne pas avoir subi personnellement des persécutions hormis des insultes de la part des voisins. Or, de tels faits, non autrement précisés, ne sont pas d’une gravité suffisante pour fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13258
Date de la décision : 17/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-17;13258 ?

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