Tribunal administratif N° 13244 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2001 Audience publique du 17 octobre 2001 Recours formé par Monsieur … DEDEIC, … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’homologation des titres et grades étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 13244 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 avril 2001 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DEDEIC, né le … à Koljeno (Yougoslavie), demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 16 janvier 2001 refusant l’homologation de son diplôme de docteur en stomatologie, lui décerné en date du 20 février 1990 par la faculté de Stomatologie de l’Université de Sarajevo ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juillet 2001 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 9 août 2001 par Maître Eyal GRUMBERG au nom du demandeur ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Eyal GRUMBERG et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er octobre 2001.
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Monsieur … DEDEIC s’est vu délivrer en date du 20 février 1990 le diplôme de docteur en stomatologie par l’Université de Sarajevo.
Désireux de s’établir au Luxembourg, il présenta ledit diplôme à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après appelée « la ministre », en vue de son homologation.
Par arrêté du 6 janvier 2001, la ministre, se basant sur un avis défavorable de la commission d’homologation pour la médecine dentaire du 20 novembre 2000, refusa d’accorder l’homologation sollicitée aux motifs suivants :
« Considérant que l’analyse détaillée du curriculum universitaire de Monsieur … DEDEIC révèle que l’intéressé n’a pas suivi les matières suivantes des matières obligatoires énumérées à l’annexe du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d’homologation des titres et grades en médecine dentaire :
b) matières médico-biologiques et matières médicales générales :
physiothérapie, épidémiologie anesthésiologie ;
c) matières spécifiquement odonto-stomatologiques :
sédentation en dentisterie, clinique odonto-stomatologique, parodontologie, fonction masticatrice, déontologie et législation, aspects sociaux de la pratique odontologique ;
Considérant que certaines matières énumérées du cursus de Monsieur … DEDEIC n’ont aucun rapport avec la médecine dentaire :
- 1er année : Allgemeine Volksverteidigung Soziale Selbstverteidigung der SFRJ ;
- 2e année : Allgemeine Volksverteidigung soziale Selbstverteidigung der SFRJ Grundlagen des Marxismus mit Theorie und Praxis Der soz. Selbstverwaltung ;
Que le relevé des notes et matières ne montre pas non plus le suivi d’un cours de radio-protection en rapport avec la directive 97/43/Euratom du Conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466/Euratom ».
Par requête déposée le 12 avril 2001, Monsieur DEDEIC a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 16 janvier 2001.
Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.
Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur expose avoir obtenu la nationalité allemande suivant « Einbürgerungsurkunde » du 20 août 1996, ainsi que l’autorisation d’exercer son 2 métier en Allemagne en date du 18 mars 1999. Il critique la décision déférée en faisant valoir qu’elle contreviendrait aux principes de droit communautaire applicables en matière de demandes d’autorisation d’exercer une profession dont l’accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle, ou encore de périodes d’expérience pratique, en se prévalant plus particulièrement à cet égard des dispositions de l’article 52 du Traité CE, devenu, après modification, l’article 43 CE. Il estime que la ministre n’aurait pas pris en considération à leur juste valeur l’ensemble de ses diplômes, certificats et autres titres, ainsi que son expérience professionnelle et fait valoir qu’elle aurait notamment dû tenir compte de la « Approbationsurkunde » du 18 mars 1999 versée au dossier, ainsi que de son expérience professionnelle acquise depuis décembre 1992 et documentée par les pièces soumises.
Subsidiairement, le demandeur fait valoir que les motifs à la base de l’arrêté ministériel déféré seraient erronés, étant donné qu’il résulterait des certificats versés au dossier qu’il aurait suivi des cours de physiothérapie, d’épidémiologie et anestésiologie, de même que des matières odonto-stomatologiques. Il relève en outre qu’aucune disposition légale ne saurait interdire le suivi de cours ne figurant pas sur l’annexe à laquelle s’est référée la ministre pour refuser l’homologation de son diplôme, étant donné que cet article énumère un minimum de matières à suivre et n’interdirait pas le suivi d’autres matières.
Quant au cours de radioprotection, le demandeur se réfère à un certificat par lui versé au dossier daté du 4 novembre 1992 lequel établirait qu’il a suivi un cours de « Stomatologische Radiologie », de sorte que ce serait à tort que la ministre a considéré que ce cours n’a pas été suivi.
Le délégué du Gouvernement estime que l’arrêté ministériel déféré serait conforme à la réglementation luxembourgeoise applicable en la matière, laquelle fixe, outre la durée des études, également des dispositions ayant trait au contenu du curriculum et il fait valoir que le contenu du cycle universitaire suivi par le demandeur à l’Université de Sarajevo ne cadrerait pas avec l’annexe du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en médecine dentaire, lesquels fixent les matières sur lesquelles les études afférentes doivent porter. Quant au certificat versé au dossier attestant la fréquentation par le demandeur d’un cours de « Stomatologische Radiologie », le représentant étatique soutient que ce cours ne correspondrait point au cours de radio-protection en rapport avec la directive 97/43/Euratom. Relativement au moyen basé sur le droit communautaire en matière de droit d’établissement, le représentant étatique fait valoir que le droit d’établissement n’aurait pas été sollicité en l’espèce et ne relèverait par ailleurs pas de la compétence de la ministre de l’Enseignement supérieur, laquelle n’aurait partant pas pu se prononcer y relativement sous peine de statuer ultra petita.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait valoir que nul ne peut être admis à la profession de médecin dentiste s’il ne justifie avoir obtenu l’homologation, de sorte que l’homologation ferait partie intégrale et indispensable du droit d’établissement au Luxembourg et que le droit communautaire, d’application directe, aurait partant dû être considéré en l’espèce.
Le demandeur est détenteur d’un diplôme de docteur en stomatologie délivré dans un pays non-membre de l’Union Européenne ou de l’Espace Economique Européen (E.E.E.), de sorte que, conformément aux dispositions de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement 3 supérieur, ce diplôme doit être homologué par la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Aux termes de l’article 4 de la loi du 18 juin 1969 précitée, les autorités luxembourgeoises n’accordent l’homologation que si les études supérieures des postulants et leur diplôme au titre d’examen final étranger répondent à certains critères généraux établis.
Dans la discipline spécifique de la médecine dentaire, ces critères généraux sont fixés par le règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en médecine dentaire.
Quant à la validité des motifs de refus de la demande d’homologation présentée par le demandeur, il y a lieu de se référer aux termes de l’article 3 du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité d’après lesquels « la formation dentaire doit conférer les compétences nécessaires pour l’ensemble des activités de prévention, de diagnostic et de traitement concernant les anomalies et maladies de dents, de la bouche, des mâchoires et des tissus attenants. Elle doit porter au moins sur les matières énumérées à l’annexe (…) ».
Si c’est certes à juste titre que le demandeur signale que certaines des matières que la ministre a retenues comme n’ayant pas été suivies du tout, en l’occurrence les cours de physiothérapie, d’épidémiologie, ainsi que de paradontologie, sont pourtant documentées comme ayant été suivies par Monsieur DEDEIC à travers les certificats versés au dossier, il n’en reste pas moins que c’est à bon droit que la ministre, de même que la commission consultative pour la médecine dentaire, ont relevé que les pièces produites par Monsieur DEDEIC ne documentent pas que son diplôme sanctionne toutes les matières prévues à l’annexe au prédit règlement grand-ducal de 1994. En effet, lesdites pièces ne documentent pas à suffisance de droit que l’enseignement du demandeur ait compris, directement ou indirectement, dans le cadre d’autres disciplines ou en liaison avec celle-ci, parmi les matières médico-biologiques et médicales générales, notamment l’anestésiologie, ainsi que, parmi les matières spécifiquement odonto-stomatologiques, la sédentation en dentisterie, la clinique odonto-stomatologique, la fonction masticatrice, la déontologie et la législation ainsi que les aspects sociaux de la pratique odontologique.
En effet, dans la mesure où le demandeur reste en défaut d’établir que les matières par lui suivies sous un intitulé distinct correspondraient néanmoins en substance à celles spécifiquement requises, la décision ministérielle de refus litigieuse se trouve légalement justifiée pour non-respect des conditions fixées par l’article 3 du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité.
Cette conclusion ne saurait être énervée par les considérations avancées par le demandeur tenant au droit communautaire et plus particulièrement au droit d’établissement, basées sur le fait qu’il a été autorisé à exercer sa profession en Allemagne. En effet, au-delà du fait que le demandeur ne précise pas en quoi et à travers quelles dispositions spécifiques la réglementation nationale appliquée par la ministre contreviendrait à une norme communautaire d’essence supérieure, de manière à mettre la juridiction saisie dans l’impossibilité d’effectuer un contrôle afférent, il y a lieu de relever qu’en tout état de cause les règles communautaires en matière de reconnaissance des diplômes respectent l’autonomie des Etats de la Communauté ou de l’E.E.E. quant à l’acceptation sur leur territoire de diplômes qui ont été délivrés dans un Etat tiers. Aussi, l’exercice de la faculté pour les Etats membres d’accorder aux titulaires de tels diplômes la possibilité d’accéder à la profession 4 correspondante et de l’exercer dans les mêmes conditions que ses nationaux, n’emporte aucune conséquence obligatoire pour les autres Etats membres, de sorte que dans les relations avec des Etats tiers, en l’absence de convention conclue entre les Etats concernés et de garantie de l’application de critères minimaux communs de formations imposés, la reconnaissance par un Etat membre d’un titre délivré par un Etat tiers, n’engage pas les autres Etats membres (cf. Jacques Pertek, L’Europe des diplômes et des professions, Bruylant, 1994, p. 29 et ss).
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2001 par :
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 5