Tribunal administratif N° 12970 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 février 2001 Audience publique du 17 octobre 2001
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Recours formé par les époux … MUSOVIC et … … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 12970 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2001 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … MUSOVIC, né le … à Djakovica (Kosovo/Yougoslavie), et … …, née le … à Pec (Kosovo/Yougoslavie), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants …, … et … MUSOVIC, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 janvier 2001, leur notifiée le 24 janvier 2001, portant refus de leur demande en obtention du statut de réfugié et leur ordonnant de quitter le territoire du Luxembourg ;
Vu le courrier déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2001 par Maître Guy THOMAS et informant le tribunal de ce que les consorts MUSOVIC-… ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2001;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2001 par Maître Guy THOMAS, pour compte des demandeurs ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2001 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie HAGER, en remplacement de Maître Guy THOMAS, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er octobre 2001.
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1 Le 22 septembre 1998, les époux … MUSOVIC et … …, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants …, … et … MUSOVIC, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
En date du même jour, les époux MUSOVIC-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-
ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
En date du 9 novembre 1999, les époux MUSOVIC-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.
Par décision du 3 janvier 2001, leur notifiée en date du 24 janvier 2001, le ministre de la Justice informa les époux MUSOVIC-… de ce que leur demande avait été rejetée aux motifs que la situation des musulmans slaves du Kosovo ne serait pas telle que du seul fait de sa confession ou de son appartenance à une ethnie, tout musulman slave du Kosovo aurait raison de craindre d’être exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, que force serait par ailleurs de constater que le conflit armé au Kosovo est terminé et qu’une force armée internationale agissant sous l’égide des Nations Unies y est installée, de même qu’une administration civile, placée sous les mêmes autorités a été mise en place, et que par ailleurs les groupements d’Albanais ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Sur ce, le ministre a retenu que les demandeurs n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans leur chef.
Par la même décision, le ministre invita les époux MUSOVIC-… à quitter le territoire dans le mois suivant la notification de sa décision, sinon, au cas où ils exerceraient un recours devant les juridictions administratives, dans le mois suivant le jour où la décision confirmative des juridictions administratives aura acquis le caractère de force de chose jugée.
Par requête déposée en date du 26 février 2001, les époux MUSOVIC-… ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 3 janvier 2001.
Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée pour autant qu’elle a refusé de faire droit à leur demande d’asile. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable dans cette mesure.
Concernant le volet de la décision déférée ayant trait à l’invitation de quitter le territoire adressée aux demandeurs, seul un recours en annulation a pu être introduit, étant 2 donné qu’un recours au fond n’est pas prévu en cette matière. Le recours subsidiaire en annulation est dès lors recevable pour autant que ledit volet de la décision déférée est concerné pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable pour le surplus.
Quant au fond, les demandeurs exposent que le ministre aurait gravement méconnu la situation de la minorité des musulmans slaves du Kosovo en général, ainsi que leur situation personnelle, en tant que bochniaques, en particulier. Ils font valoir à cet égard qu’avant l’arrivée des troupes KFOR au Kosovo, les autorités yougoslaves auraient pratiqué une politique d’épuration ethnique en terrorisant les bochniaques à un tel point qu’ils auraient préféré quitter leur pays et se réfugier à l’étranger. Tout en relevant qu’au moment de leur fuite, ils se seraient trouvés dans une situation particulièrement dangereuse, alors que Monsieur MUSOVIC aurait été convoqué pour la réserve et que tant lui-même que son épouse auraient été membres du parti politique SDA, les réunions de ce parti ayant eu lieu dans leur maison et le père de Madame … ayant été emmené au ministère de l’Intérieur pour subir un interrogatoire de plusieurs heures, ils exposent avoir décidé de fuir leur pays d’origine pour se mettre à l’abri du risque de persécutions afférentes. Ils signalent encore à cet égard que les persécutions par eux alléguées ne toucheraient pas uniquement les militants du parti SDA, mais également les simples membres dépourvus de responsabilités, et relèvent par ailleurs qu’ils auraient fait l’objet de provocations permanentes de nationalistes serbes venus chanter des chansons tchetniques dans leur cafétéria et les ayant ainsi obligé de fermer leur commerce. Estimant que depuis la guerre menée par l’OTAN en Yougoslavie, la situation des musulmans slaves du Kosovo aurait été rendue encore plus précaire que tel n’avait été le cas auparavant et que les troupes de la KFOR seraient actuellement impuissantes à assurer l’ordre sur place, les demandeurs font valoir qu’ils sont éligibles au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève pour être exposés au risque de représailles en raison de leur appartenance à la minorité ethnique et religieuse des bochniaques. Ils ajoutent que le fait de l’insoumission à l’armée fédérale yougoslave de Monsieur MUSOVIC risquerait de lui valoir une peine d’emprisonnement de cinq à vingt années, eu égard surtout à son appartenance à une minorité ethnique et religieuse, tout en signalant que cette insoumission aurait eu pour motif l’un de ceux qui sont énumérés par la Convention de Genève, à savoir le refus de servir sous les drapeaux de l’oppresseur serbe pour participer à des violences contre des civils musulmans, de manière à devoir conduire à la reconnaissance du statut de réfugié. Les demandeurs font valoir en outre que le risque de persécutions par eux invoqué ne serait pas purement théorique et renvoient à cet égard aux déclarations de Monsieur MUSOVIC relatives au fait que son cousin Berat MUSOVIC aurait été assassiné le 27 juin 2000 sur le seuil de sa maison à Djakovica par des extrémistes albanais et que la famille de ce cousin, dernière famille bochniaque à être restée dans cette ville malgré les incessantes menaces de mort, aurait finalement dû s’enfuir également du Kosovo, de même qu’un autre des cousins de Monsieur MUSOVIC, Harun MUSOVIC, aurait été chassé de sa maison par des extrémistes serbes comme la quasi-totalité des bochniaques du village.
En ordre subsidiaire, les demandeurs concluent à l’annulation de la décision déférée en ce que qu’elle les invite à quitter le territoire en faisant valoir que le principe de non-
refoulement s’opposerait à ce qu’ils soient obligés de retourner dans leur pays d’origine, étant donné que leur vie et leur intégrité physique et morale y seraient en danger.
Le délégué du Gouvernement rétorque en ce qui concerne les persécutions invoquées par des Albanais du Kosovo que celles-ci émaneraient non pas de l’Etat, mais de groupes de la 3 population et que même si des incidents isolés ne sauraient être niés, on ne saurait accuser les forces onusiennes d’être dans l’incapacité absolue de protéger les bochniaques du Kosovo, voire d’encourager d’éventuelles exactions à leur encontre, de même que les requérants resteraient en défaut de démontrer qu’ils seraient dans l’impossibilité absolue de s’installer dans une autre partie du Kosovo et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne. Quant à l’assassinat allégué d’un cousin de Monsieur MUSOVIC, le représentant étatique signale que suivant le rapport dressé par l’UNMIK, ledit cousin aurait été victime des suites malencontreuses d’une bagarre, de sorte que ce fait ne saurait constituer un motif d’octroi du statut de réfugié politique pour ne pas être établi à suffisance au dossier. Concernant la situation d’insoumis de Monsieur MUSOVIC, le représentant étatique relève qu’elle ne constituerait pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié tout en rappelant qu’une loi d’amnistie devrait être votée sous peu. Quant au principe de non refoulement invoqué par les demandeurs, le représentant étatique estime que ces derniers resteraient en défaut d’établir des raisons sérieuses faisant qu’en raison de la nature-même du régime dans leur pays d’origine ou de la situation particulière qui y règne ils seraient exposés à un risque réel d’être soumis à un traitement prévu à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs insistent sur la motivation à la base de l’acte d’insoumission de Monsieur MUSOVIC, ainsi que sur les traitements discriminatoires et le caractère excessif de la condamnation qu’il risquerait d’encourir en raison de sa religion musulmane et de son insoumission. Relativement à la possibilité d’une fuite interne leur opposée, les demandeurs relèvent que tant l’UNHCR que l’ensemble des ONG disposant d’antennes au Kosovo concorderaient à dire que les minorités ethniques du Kosovo feraient actuellement toujours l’objet de persécutions de la part des autorités et des extrémistes et qu’il n’existerait aucune possibilité de fuite interne dans leur chef, étant entendu que celle-ci ne serait envisageable que dans les hypothèses où, compte tenu de l’ensemble des circonstances, elle serait raisonnable, tant politiquement que socialement et économiquement, c’est-à-dire conforme à la dignité humaine, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Ils font encore relever que dans la mesure où l’inaptitude du dispositif de sécurité mis en place au Kosovo à assurer une protection tant soit peu suffisante pour les minorités ethniques se dégagerait de nombreux rapports unanimes d’organismes reconnus, il serait excessif d’obliger des réfugiés à retourner dans leur pays pour « tester » en quelque sorte, au péril de leur vie, l’efficacité de ce dispositif de sécurité.
Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.
4 En l’espèce, les demandeurs font état de leur crainte de voir commettre des actes de violence à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité bochniaque du Kosovo, tout en admettant que les persécutions par eux invoquées émanent non pas de l’Etat, mais de groupes de la population, en l’espèce surtout de la population albanaise du Kosovo. Ils estiment néanmoins que leur crainte afférente peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié, étant donné que les autorités en place seraient dans l’impossibilité de leur accorder une protection adéquate.
S’il est certes vrai que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, il reste cependant pas moins qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s).
En l’espèce, les demandeurs entendent d’abord établir cette incapacité des autorités en place de leur offrir une protection appropriée en se référant à des pièces qui sont de nature à conforter l’existence dans leur pays d’origine d’un climat général d’insécurité particulièrement accentué par rapport aux minorités ethniques, partant également par rapport aux musulmans slaves, dits bochniaques, dont ils font partie.
Il y a cependant lieu de relever, dans ce contexte, en ce qui concerne la situation des membres de minorités au Kosovo, notamment de celle des « bochniaques », que s’il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait automatiquement exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des traitements discriminatoires. Une situation de conflit interne violent ou généralisé ne peut en effet, à elle seule, justifier la reconnaissance de la qualité de réfugié étant donné que la crainte de persécution, outre de devoir toujours être fondée sur l’un des motifs de l’article 1er A de la Convention de Genève, doit également avoir un caractère personnalisé.
En l’espèce, les demandeurs au-delà de se référer à des évènements illustrant le climat général d’insécurité au Kosovo, se sont référés à des éléments particuliers les touchant directement dans leur situation personnelle et tenant au fait non contesté en cause que des membres de leur famille ont été victimes d’actes de persécution très graves, que les demandeurs ont légitimement pu percevoir comme illustrant concrètement l’incapacité des autorités en place d’offrir une protection appropriée à la population bochniaque au Kosovo.
Compte tenu de leur situation personnelle, les demandeurs ont dès lors raisonnablement pu interpréter lesdits évènements comme traduisant des persécutions au sens de la Convention de Genève et éprouver eux-mêmes, en tant que proches de ces victimes, une crainte légitime de persécution en cas de retour au Kosovo.
Il convient toutefois de relever que les craintes de persécution invoquées en l’espèce se cristallisent autour de la seule situation au Kosovo, et que les demandeurs restent en défaut 5 d’établir qu’ils ne peuvent trouver refuge dans une autre partie de leur pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité sans restriction territoriale.
Cette conclusion ne saurait être énervée par les considérations tenant aux difficultés d’ordre économique susceptibles de se poser en cas de fuite interne, étant donné que ces dernières, faute de résulter directement d’une persécution au sens de la Convention de Genève, ne sauraient être utilement pris en considération dans ce contexte.
Force est de constater encore que l’insoumission invoquée à l’appui du recours n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef d’un demandeur d’asile une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A de la Convention de Genève. Il ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier que Monsieur MUSOVIC risque encore actuellement de devoir participer à des actions miliaires contraires à des raisons de conscience valables et les demandeurs restent en défaut d’expliquer et d’établir l’existence, à l’heure actuelle, d’un risque de persécution dans leur chef en raison de l’insoumission alléguée de Monsieur MUSOVIC.
Il convient en effet d’ajouter à cet égard que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, les demandeurs n’établissent, pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement en raison de la loi d’amnistie votée par le Parlement Yougoslave et entrée en vigueur le 3 mars 2001, visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, versée en cours d’instance au dossier par le représentant étatique, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés seraient encore effectivement exécutés.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme non fondé pour autant que le volet de la décision déférée ayant trait à la demande d’asile des époux MUSOVIC-… est concerné.
Il convient d’examiner ensuite le bien-fondé du recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire adressé aux demandeurs.
Conformément aux dispositions de l’article 14 alinéa 3 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, « l’étranger ne peut être expulsé, ni éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacés ou qu’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Si c’est certes à juste titre que les demandeurs signalent que la jurisprudence européenne a étendu le champ d’application de l’interdiction des mauvais traitements visés à l’article 3 de la Convention européenne en ce sens qu’il n’est pas possible de limiter le champ d’application de cet article aux seuls cas de traitements inhumains ou dégradants d’origine 6 étatique et que partant il doit pouvoir s’appliquer même si le danger émane de personnes ou de groupes de personnes qui ne relèvent pas de la fonction publique, il n’en reste pas moins que la notion de risque applicable est celle du risque réel et que le risque catégoriel n’est pas pris en considération, le requérant devant prouver non seulement la réalité d’une situation particulière dans l’Etat d’accueil, mais aussi l’existence d’un risque individuel dans son chef (cf. Jean-
François Renucci, Droit européen des droits de l’homme, 2e édition, L.G.D.J, p. 82).
La charge de la preuve incombant par ailleurs exclusivement au requérant en matière d’éloignement des étrangers, force est de constater en l’espèce que les demandeurs restent en défaut d’établir l’existence dans leur chef d’un risque concret et individuel de menace grave à leur vie ou à leur liberté voire à l’intérêt de leurs enfants dans leur pays d’origine. Tel que relevé ci-avant, les craintes par eux invoquées reposent en effet exclusivement sur la situation générale des bochniaques au Kosovo sans qu’ils ne fournissent des éléments permettant de dégager que considérés individuellement ils seraient exposés à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent, que le recours en annulation sous examen laisse également d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
donne acte aux demandeurs de ce qu’ils ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire ;
reçoit le recours en réformation en la forme pour autant que dirigé contre le refus d’octroi du statut de réfugié ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
se déclare incompétent pour en connaître pour le surplus ;
reçoit le recours en annulation pour autant que dirigé contre l’ordre de quitter le territoire en la forme ;
au fond le dit non justifié et en déboute ;
déclare ledit recours irrecevable pour le surplus ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2001 par :
Mme Lenert, premier juge 7 M. Schroeder, juge Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Lenert 8