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11/10/2001 | LUXEMBOURG | N°12884

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2001, 12884


Tribunal administratif N° 12884 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2001 Audience publique du 11 octobre 2001

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Recours formé par Monsieur et Madame … OSMANOVIC-… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12884 du rôle, déposée le 12 février 2001 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

®tre Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif N° 12884 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2001 Audience publique du 11 octobre 2001

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Recours formé par Monsieur et Madame … OSMANOVIC-… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12884 du rôle, déposée le 12 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … OSMANOVIC, né le … à Kalica/Bérane (Monténégro/Yougoslavie) et … …, née le … à Ivangrad/Bérane, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants …, …, …, … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 octobre 2000, notifiée le 28 novembre 2000, portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux du même ministre datant du 5 janvier 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 juillet 1998, Monsieur … OSMANOVIC et son épouse, Madame … …, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants …, …, …, … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux OSMANOVIC-… furent entendus séparément en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur leur identité.

En date du 10 février 1999, Monsieur … OSMANOVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile. De même, Madame … … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur ses motifs et ceci en date du 16 février 1999.

Le ministre de la Justice informa Monsieur et Madame … OSMANOVIC-…, par lettre du 3 octobre 2000, leur notifiée en date du 28 novembre 2000, que leur demande d’asile avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans leur chef.

A l’encontre de cette décision, Monsieur et Madame … OSMANOVIC-… introduisirent un recours gracieux par courrier de leur mandataire datant du 26 décembre 2000. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 5 janvier 2001, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 3 octobre 2000 et 5 janvier 2001 par requête déposée en date du 12 février 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’ils appartiendraient à la minorité bosniaque du Kosovo et qu’ils seraient de confession musulmane, que partant ils feraient partie d’une minorité ethnique sujette à de nombreux actes de persécution de la part des Albanais. Dans ce contexte, ils relèvent qu’un membre de leur famille aurait été assassiné par les Albanais de même qu’un voisin, un avocat serbe. Les demandeurs relèvent de même leur crainte face aux Serbes. En général, les demandeurs estiment que les tensions ethniques actuelles seraient de nature à constituer un danger imminent pour leur vie et que l’autorité en place serait incapable d’offrir une protection appropriée.

Le délégué du gouvernement relève que la situation générale du pays d’origine ne justifierait pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié et qu’il conviendrait d’examiner la situation particulière des demandeurs et de vérifier concrètement et individuellement si ceux-ci ont raison de craindre d’y être persécutés. Le représentant étatique estime encore qu’une persécution émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne saurait être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié et que par ailleurs une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées par les autorités en place respectivement que celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée pour l’hypothèse où les demandeurs auraient sollicité pareille protection. Le délégué du gouvernement relève encore qu’il ne serait 2 nullement établi que les forces onusiennes seraient incapables d’offrir une protection appropriée et que les demandeurs resteraient en défaut d’établir qu’ils seraient dans l’impossibilité de s’établir dans une autre partie du Kosovo. De même le délégué du Gouvernement estime qu’un risque de persécution par les autorités yougoslaves n’existerait plus à l’heure actuelle. Finalement le représentant étatique estime que la situation des minorités au Kosovo se serait nettement améliorée depuis 1999 et plus particulièrement depuis les élections d’automne 2000.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Etrangers, C. Convention de Genève, n° 29).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives des 10 et 16 février 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble avec les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant d’abord les craintes de persécutions des demandeurs en raison de leur appartenance à la minorité bosniaque et de leur confession musulmane, il convient de constater que ces craintes constituent plutôt l’expression d’un sentiment général de peur sans qu’ils n’établissent concrètement en quoi, à l’heure actuelle, ils seraient encore exposés à un risque de persécution tel que leur vie serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine.

Concernant l’argument en relation avec le meurtre d’un membre de leur famille et l’assassinat d’un voisin serbe par des Albanais, force est de constater que les faits relatés, 3 même à les supposer établis, ne sont pas d’une gravité suffisante dans le chef des demandeurs pour constituer à l’heure actuelle un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 11 octobre 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12884
Date de la décision : 11/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-11;12884 ?

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