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11/10/2001 | LUXEMBOURG | N°12729

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2001, 12729


Tribunal administratif N° 12729 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 janvier 2001 Audience publique du 11 octobre 2001

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Recours formé par la société à responsabilité limitée TOITURE GENERALE s. à r.l., … contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Garnich et contre une décision du conseil communal de la commune de Garnich en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tr

ibunal administratif en date du 4 janvier 2001 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit a...

Tribunal administratif N° 12729 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 janvier 2001 Audience publique du 11 octobre 2001

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Recours formé par la société à responsabilité limitée TOITURE GENERALE s. à r.l., … contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Garnich et contre une décision du conseil communal de la commune de Garnich en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2001 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée TOITURE GENERALE s. à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation de deux décisions du bourgmestre de la commune de Garnich des 9 et 16 août 2000 et d’une décision du conseil communal de la commune de Garnich du 9 octobre 2000, lesdites décisions portant retrait sinon modification d’une décision du bourgmestre de la commune de Garnich du 7 mars 2000 portant autorisation d’installer une barrière devant le chemin longeant le hall de l’immeuble de la requérante sis à Dahlem ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 9 janvier 2001, par lequel cette requête a été signifiée à l’administration communale de Garnich ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 avril 2001 par Maître Marco NOSBUSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Garnich ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 3 avril 2001, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à la société à responsabilité limitée TOITURE GENERALE s. à r.l. ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Roland ASSA au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2001 au nom de la demanderesse ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, préqualifié, du 3 mai 2001, par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de Garnich ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Robert BEVER, en remplacement de Maître Roland ASSA et Maître Frank ROLLINGER, en remplacement de Maître Marco NOSBUSCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 septembre 2001.

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Par lettre du 7 mars 2000, le bourgmestre de la commune de Garnich accorda à la société à responsabilité limitée TOITURE GENERALE s. à r.l. l’autorisation d’installer une barrière devant le chemin longeant le hall de la société TOITURE GENERALE construit sur les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Garnich, section C de Hivange, lieu-dit « auf Bolsemuer », sous les numéros 117/2, 117/801, 117/1447, autorisation assortie des conditions suivantes :

« La barrière laissera assez de place pour permettre le passage de piétons. Elle sera fermée les soirs du lundi au vendredi ainsi que les samedis et dimanches toute la journée.

Vous vous chargez de distribuer des clefs en nombre suffisant à toutes les personnes concernées et notamment à l’administration communale, M. et Mme …-… et M ….

Le 9 août 2000, le bourgmestre de la commune de Garnich écrivit un courrier à la société TOITURE GENERALE de la teneur suivante :

« Monsieur, En date du 7 mars 2000, je vous ai accordé l’autorisation d’ériger une barrière devant le chemin longeant votre hall.

Cette autorisation vous était accordée sous certaines conditions dont notamment celle des heures et jours de fermeture.

En effet, la barrière doit être ouverte les jours ouvrables du matin au soir.

Or, je viens de constater à plusieurs reprises que la barrière était fermée en plein après-midi ou matinée.

Je vous somme d’ouvrir la barrière pendant la journée les jours ouvrables, faute de quoi je me verrais dans l’obligation de vous retirer l’autorisation.

Veuillez agréer, l’expression de mes sentiments distingués.

Le bourgmestre le secrétaire communal ».

En date du 16 août 2000, un nouveau courrier de la teneur suivante fut adressé par le bourgmestre à la société TOITURE GENERALE :

2 « Monsieur, Il m’est revenu que vous ne respectez pas du tout les conditions de fermeture de la barrière en question que je vous ai communiquées dans mon autorisation du 7 mars 2000.

Vu cet état de choses, je me vois obligé de modifier et de préciser par la présente les conditions d’ouverture dans le sens que la barrière doit rester ouverte toutes les journées de 8 à 20 heures.

Au cas où vous ne respecteriez pas cet horaire d’ouverture, je vous retirerai la prédite autorisation jusqu’à ce qu’une nouvelle décision sera prise dans cette affaire.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Le bourgmestre ».

Ce courrier fut de nouveau suivi par un envoi recommandé daté du 23 octobre 2000 et signé par le bourgmestre et le secrétaire communal de la teneur suivante :

« Monsieur, Je me permets de revenir à l’autorisation d’ériger une barrière devant le chemin longeant votre hall.

Cette autorisation vous a été accordée sous la condition que la barrière soit laissée ouverte chaque jour de 8.00 à 20.00 heures.

Le conseil communal vient de confirmer l’autorisation lors de sa réunion du 9.10.2000 tout en insistant à ce que les conditions de l’autorisation soient respectées.

Je vous mets en demeure de vous conformer de suite aux conditions de l’autorisation, c’est-à-dire laisser ouverte la barrière tous les jours de 8.00 à 20.00 heures. A défaut de ce faire de votre part, l’autorisation sera annulée et la barrière sera enlevée.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Le bourgmestre le secrétaire communal ».

Par requête déposée le 4 janvier 2001, la société TOITURE GENERALE a introduit un recours tendant à l’annulation des deux décisions du bourgmestre des 9 et 16 août 2000 et de la décision du conseil communal du 9 octobre 2000 tel que ressortant du courrier recommandé précité du bourgmestre du 23 octobre 2000.

Il convient en premier lieu d’examiner le moyen d’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours sous examen, moyen soulevé par l’administration communale dans son mémoire du 3 avril 2001. L’administration communale soutient en effet que l’autorisation accordée en date du 7 mars 2000 concernerait uniquement l’exercice d’un droit de propriété sur une partie du domaine patrimonial de la commune, partant une 3 contestation à caractère civil, de sorte que le tribunal administratif saisi serait incompétent pour connaître du litige.

La partie demanderesse rétorque que la juridiction administrative resterait compétente pour connaître de la régularité d’un acte de nature administrative intervenant comme préalable ou support nécessaire à la réalisation d’un droit privé, cet acte ayant été posé dans le cadre de l’exercice de la puissance publique et étant attaqué par rapport à sa régularité formelle et juridique et non pas en fonction de sa finalité.

En vertu de l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l’article 95bis, (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives.

La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s’opère, non en fonction des sujets de droit – personnes privées ou autorités administratives – mais en fonction de l’objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge.

Les parties sont d’accord pour admettre qu’elles ne sont pas contractuellement liées par une convention de droit civil conférant à la société TOITURE GENERALE un droit réel ou un droit de jouissance sur les terrains appartenant à la commune. La demanderesse reproche à l’autorité communale d’avoir retiré respectivement modifié l’autorisation d’installer une barrière devant le chemin litigieux.

Lorsqu’un litige porte sur le respect ou le non-respect d’un contrat, l’objet du litige consistant alors dans respectivement la réformation ou l’annulation d’une décision par laquelle un particulier reproche à une autorité administrative d’avoir méconnu des obligations contractuellement assumées par elle, la connaissance de pareil litige relève des tribunaux judiciaires (cf. Cass. b. 27 avril 1961, Pas. b. 1961, I, 920) qui, dans ce cas, en imposant le respect du contrat, ont le pouvoir de procurer au particulier un résultat pratique équivalent à l’annulation de l’acte incriminé (v. Les Novelles, Droit administratif, tome VI, Le Conseil d’Etat, Larcier 1975, n° 814, p.236).

En revanche, le juge administratif reste compétent à l’égard des actes par lesquels, usant de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative prend la décision préalable nécessaire pour que naisse un droit civil. Un tel acte est en effet détachable de l’acte relevant de la compétence du juge du contrat. Dans la mesure où un tel acte détachable lui fait grief, un particulier peut par conséquent l’attaquer devant le juge administratif (cf. trib. adm. 15 décembre 1997, n° 10282 du rôle, Centre commercial de Soleuvre).

En l’espèce, la demanderesse ne demande pas le respect d’une obligation contractuelle, mais elle attaque trois décisions des autorités communales de Garnich lui retirant respectivement modifiant une autorisation d’installer une barrière. L’autorisation initiale du 7 mars 2000, même si elle vise une barrière se situant sur un chemin communal, a été prise en raison de considérations de sécurité et vise non seulement la partie demanderesse mais encore des tiers concernés. Elle ne consacre partant pas simplement un droit subjectif d’ordre privé régi par les règles de droit civil, mais, d’une part, elle comporte une décision administrative préalable à la naissance d’un éventuel droit civil et, d’autre part et surtout, elle s’analyse en une décision administrative prise par les autorités communales dans le cadre de 4 l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique pour faire face et régler des besoins d’intérêt public.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent au regard des dispositions des articles 84 et 95bis, (1) de la Constitution.

L’administration communale conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours pour avoir été signifié au secrétaire communal de l’administration communale de Garnich, alors que seuls le bourgmestre ou son représentant légal auraient qualité pour se voir signifier pareil recours.

D’après l’article 4 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la partie demanderesse est tenue de faire signifier la requête introductive d’instance à la partie défenderesse et aux tiers intéressés, à personne ou à domicile, par exploit d’huissier.

Il est constant que la requête introductive d’instance a été signifiée par exploit d’huissier du 9 janvier 2001 à l’administration communale de Garnich en la maison communale, l’huissier ayant remis l’exploit de signification au secrétaire communal, en l’absence dûment constatée des bourgmestre, échevins et conseillers communaux.

Aux termes de l’article 29 de la même loi, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.

Les modalités de remise d’un exploit d’huissier à domicile relèvent des règles de procédure au sens de l’article 29 précité.

La partie défenderesse n’ayant même pas allégué en quoi la remise faite au secrétaire communal aurait porté atteinte à ses droits de la défense, le moyen d’irrecevabilité invoqué est en toute occurrence à écarter sur base dudit article 29, étant donné qu’il est constant que le but essentiel de la signification en question a été atteint en ce que l’acte de signifier a été effectivement porté à la connaissance des responsables à la commune, laquelle a pu valablement organiser sa défense.

En troisième lieu, l’administration communale soulève l’« exceptio obscuri libelli », alors que dans son recours la société TOITURE GENERALE n’aurait fait qu’invoquer que la décision du 9 octobre 2000 aurait été prise par un organe incompétent sans préciser quel serait cet organe incompétent, pourquoi et sur quelle base légale cet organe serait incompétent et finalement quel serait l’organe compétent.

Il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.

L’ « exceptio obscuri libelli », qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne de nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre aux défendeurs de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense.

Si en règle générale l’exception de libellé obscur admise se résout par l’annulation de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences fixées par le texte légal en 5 question, il convient dans le cadre de la loi du 21 juin 1999 d’avoir égard à son article 29 qui dispose que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense » (cf. trib. adm. 4 avril 2000, n° 11554 du rôle, Becker, Pas. adm. 1/2001, v° Procédure Contentieuse n° 105, p.369).

Il est constant que dans la requête introductive d’instance la partie demanderesse a soutenu que la décision du 9 octobre 2000 confirmant le retrait sinon la modification de la décision du 7 mars 2000 a été prise par un organe incompétent. En se référant à la lettre du 23 octobre 2000, il convient de constater que le seul organe y nommé est le conseil communal de la commune de Garnich. La partie défenderesse n’a partant pas pu se tromper sur l’identité de cet organe, de sorte qu’elle a pu librement discuter si ledit organe avait compétence pour prendre la décision du 9 octobre 2000. Par conséquent, il convient d’écarter le moyen tiré de l’ « obscurum libellum », de sorte que le recours en annulation est à déclarer recevable sous cet angle.

L’administration communale conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en annulation pour « tardiveté » comme n’ayant pas été introduit dans le délai de trois mois, du moins par rapport aux décisions des 9 et 16 août 2000.

L’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes fait obligation à l’administration d’informer l’administré des voies de recours. L’omission, par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir.

Force est de constater qu’en l’espèce ni la décision du 9 août 2000, ni celle du 16 août 2000 n’a indiqué à la société TOITURE GENERALE les voies de recours ouvertes. Partant, aucun délai n’a pu commencer à courir. Il s’ensuit que le recours est à déclarer recevable à l’encontre de toutes les décisions attaquées pour avoir été introduit dans le délai de trois mois.

L’administration communale conclut enfin à l’irrecevabilité du recours en annulation pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse.

Elle fait relever que l’autorisation initiale du 7 mars 2000 se trouverait maintenue dans les décisions attaquées, que l’autorité communale aurait de toute façon pu à tout moment retirer l’autorisation accordée alors qu’il s’agirait d’une simple tolérance, que les modalités de la réglementation de la circulation d’une chaussée pourraient être changées à tout moment par le bourgmestre d’une commune pour des raisons de police ou de sécurité publique, de sorte que la partie demanderesse ne pourrait faire valoir un droit juridiquement protégé.

Il est constant en cause que l’autorisation initiale du 7 mars 2000 avait accordé à la société TOITURE GENERALE l’autorisation d’installer une barrière avec comme obligation de fermer cette barrière les soirs du lundi au vendredi, ainsi que les samedis et dimanches toute la journée. L’autorisation initiale n’a pas imposé à la société TOITURE GENERALE le devoir d’ouvrir la barrière litigieuse tous les jours ouvrables. Pareille obligation à charge de la société TOITURE GENERALE n’était d’ailleurs pas nécessaire, alors que l’autorisation initiale avait également obligé la partie demanderesse à distribuer des clefs en nombre suffisant à toutes les personnes concernées. La décision du 9 août 2000 oblige cependant la société TOITURE GENERALE à ouvrir la barrière litigieuse tous les jours ouvrables à 8.00 6 heures du matin et à la maintenir ouverte jusqu’à 20.00 heures du soir. Les décisions subséquentes des 16 août et 9 octobre 2000 obligent même la société TOITURE GENERALE à veiller à l’ouverture de la barrière également le samedi et le dimanche entre 8.00 heures du matin et 20.00 heures du soir.

Dans la mesure où les décisions attaquées imposent des obligations supplémentaires à charge de la société TOITURE GENERALE par rapport à l’autorisation initiale du 7 mars 2000, cette dernière peut faire valoir un intérêt personnel et légitime suffisant pour en faire vérifier la légalité. En effet, elle peut retirer de l’annulation éventuelle des décisions attaquées une satisfaction certaine et personnelle consistant dans le fait de ne pas devoir veiller tous les jours à l’ouverture de la barrière litigieuse.

Le recours en annulation est à déclarer recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes de la loi.

Au fond, la demanderesse soulève la violation des articles 6, 8 et 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, au motif que dans les décisions attaquées, les autorités communales auraient révoqué respectivement modifié une situation administrative antérieure sans indication de motifs, que pareille décision constituerait un retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits et qu’en procédant de cette sorte, les autorités communales n’auraient pas respecté le caractère contradictoire de la procédure administrative non contentieuse. Finalement la demanderesse soutient encore que la décision du conseil communal du 9 octobre 2000 aurait été prise par un organe incompétent.

L’administration communale conclut en premier lieu à l’illégalité du règlement grand-

ducal précité du 8 juin 1979 conduisant à l’inapplicabilité dudit règlement grand-ducal, au motif que les chambres professionnelles à base élective telles qu’instaurées par la loi modifiée du 24 avril 1924, ainsi que la Chambre des artisans telle que réorganisée par l’arrêté grand-

ducal du 8 octobre 1945 n’auraient pas été demandées en leur avis préalablement à l’adoption du prédit règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Sous ce point, l’administration communale conclut encore à l’illégalité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au motif que le Conseil économique et social n’aurait pas été consulté préalablement à l’adoption dudit règlement grand-ducal, exigence qui serait pourtant requise aux termes de l’article 2 point 3 de la loi du 21 mars 1966 portant institution d’un Conseil économique et social.

Finalement l’administration communale conclut à l’illégalité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au motif que ledit règlement ne contiendrait pas la preuve intrinsèque que le Conseil d’Etat aurait émis un avis conforme, de sorte que le règlement grand-ducal litigieux ne contiendrait pas la preuve de sa régularité formelle.

En ce qui concerne les moyens tirés de la prétendue violation de la prédite loi du 24 avril 1924, du prédit arrêté grand-ducal du 8 octobre 1945 et de la prédite loi du 21 mars 1966, le tribunal tient à relever qu’il ressort des travaux préparatoires à la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et au règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, que lesdites normes visent les administrés en général et non pas les membres de plusieurs chambres professionnelles en particulier, respectivement plusieurs domaines économiques ou groupes professionnels.

7 Ainsi l’on peut lire à l’exposé des motifs que : « Le règlement grand-ducal de codification générale aura vocation générale à s’appliquer dans tout le domaine administratif » (doc. parl. n° 2209, p. 5). Le Conseil d’Etat, en son avis du 6 juin 1978 relatif au projet de loi réglant la procédure administrative non contentieuse, s’est exprimé comme suit : « Le projet sous rubrique a pour but d’institutionnaliser le dialogue et la collaboration entre administrés et administration lors de l’édiction des décisions administratives individuelles » (doc. parl. n° 2209, p. 17). En son avis du 6 juillet 1978, visant le projet de règlement grand-ducal, le Conseil d’Etat s’est encore exprimé comme suit : « L’article 1er de la loi de base dispose que le Grand-Duc est habilité à édicter un corps de règles générales destiné à réglementer la procédure administrative non contentieuse. Ce texte ne prévoit pas expressis verbis que la nouvelle réglementation est applicable à d’autres administrations que celle de l’Etat. Mais il est à interpréter en ce sens qu’il a une portée générale et qu’il vise toute personne morale, toute administration et tout service pouvant prendre une décision administrative à caractère individuel » (doc. parl. n° 2209, p. 20).

Il s’ensuit qu’il ne ressort d’aucune disposition légale ou réglementaire que le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ne pouvait être émis que sur avis des chambres professionnelles à base élective, de la Chambre des artisans et du Conseil économique et social.

Partant ledit règlement grand-ducal n’encourt aucune illégalité de ce chef. Le moyen afférant est à écarter.

Pour le surplus, aux termes de l’article 3 de la loi précitée du 1er décembre 1978, « les règlements grand-ducaux prévus par la présente loi sont à prendre sur avis du Conseil d’Etat et de l’assentiment de la commission de travail de la Chambre des Députés ». En son préambule le règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, constate ce qui suit : « Notre Conseil d’Etat entendu ;

de l’assentiment de la Chambre des Députés par l’organe de sa commission de travail ; » Partant, contrairement à l’affirmation de l’administration communale, le prédit article 3 de la loi du 1er décembre 1978 n’exige pas un avis conforme du Conseil d’Etat préalable à l’adoption des règlements grand-ducaux subséquents.

Concernant la problématique de la régularité formelle du règlement, il est admis que « en ce qui concerne les avis et les délibérations obligatoires qui doivent précéder la sanction du règlement par l’organe exécutif, la constatation de ces formalités est requise à peine de nullité » (Alfred Loesch, Le pouvoir réglementaire du Grand-Duc, P.15, p. 69).

Le règlement doit cependant constater, sous peine d’illégalité, les formalités qui supposent, pour chaque règlement, des avis et des délibérations précédant la sanction souveraine (Alfred Loesch, op. cit., p. 70).

Le règlement n’est légal qu’à la condition d’observer les formes qui sont substantielles. Ainsi, le règlement est illégal, s’il omet de constater que le Conseil d’Etat a été entendu en son avis ou, à défaut de cette consultation, que l’urgence est invoquée (Alfred Loesch, op. cit., p. 80).

8 Partant la constatation que le Conseil d’Etat a été entendu en son avis est suffisante par rapport à la régularité formelle d’un règlement, de sorte que ce moyen est également à écarter.

En ce qui concerne les violations alléguées par la demanderesse de certaines dispositions du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, force est de constater qu’il incombe au pouvoir communal de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et voies publiques, ainsi que de la commodité de passage dans les rues, quais, places et voies publiques. Le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police. Il a, à titre personnel, le droit et le devoir d’assurer l’exécution des lois de police et de la législation sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire (trib. adm. 15 avril 1997, n° 9510 du rôle, Pas.

adm. 1/2001, V° Urbanisme, n° 127, p. 473 et autres décisions y citées). Partant, c’est le bourgmestre qui a compétence exclusive pour modifier les conditions accessoires à l’autorisation d’installation d’une barrière qu’il avait accordée préalablement.

En l’espèce, la décision confirmative du conseil communal de la commune de Garnich du 9 octobre 2000, d’ailleurs superflue eu égard aux termes de la décision préalable du bourgmestre du 16 août 2000, est partant à annuler comme étant prise par un organe incompétent.

Il reste dès lors à analyser si les deux décisions des 9 et 16 août 2000 prises par le bourgmestre de la commune de Garnich sont susceptibles d’encourir la sanction de l’annulation, en raison des prétendues violations des articles 6, 8 et 9 du règlement grand-

ducal précité du 8 juin 1979.

Dans son autorisation initiale du 7 mars 2000, le bourgmestre de la commune de Garnich avait accordé à la demanderesse l’autorisation d’installer une barrière avec la condition litigieuse actuellement en discussion, à savoir que la barrière serait fermée les soirs du lundi au vendredi ainsi que les samedis et dimanches toute la journée. Par la suite, le bourgmestre, dans sa décision entreprise du 9 août 2000, a précisé que la barrière doit être ouverte les jours ouvrables du matin au soir, et dans sa décision entreprise du 16 août 2000 toutes les journées de 8.00 à 20.00 heures.

Ces décisions doivent être examinées comme décisions affectant la situation antérieure de la demanderesse, alors que cette dernière s’était initialement vue accorder l’autorisation d’ériger une barrière avec comme condition de veiller à ce que la barrière soit fermée les soirs des jours ouvrables ainsi que les samedis et dimanches, tandis qu’elle se voit imposer à l’heure actuelle des contraintes supplémentaires, à savoir ouvrir la barrière tous les jours à 8.00 heures et fermer la barrière tous les soirs à 20.00 heures.

Au regard des termes de l’autorisation initiale, la demanderesse pouvait légitimement croire qu’il suffirait qu’elle veille à la fermeture de la barrière le soir et ceci en raison de considérations de sécurité évidentes, d’autant plus que la totalité des tiers concernés s’était vue délivrer des clefs. Or, les termes de l’autorisation, dans sa teneur actuelle, l’obligent à ouvrir systématiquement tous les jours la barrière, ce qui, à l’évidence, constitue un changement non sollicité par la demanderesse des conditions d’ouverture initiales de la barrière autorisée, exposant cette dernière à des contraintes supplémentaires, consistant à veiller en cours de journée à l’ouverture permanente de la barrière et à déléguer un responsable les samedis et dimanches pour procéder à l’ouverture et à la fermeture de la barrière litigieuse.

9 L’administration communale ne saurait pas non plus se réfugier derrière son droit de propriété, ce droit ne la libérant pas du respect des formalités inscrites au règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, précité.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l’article 8 du règlement grand-

ducal, précité, il y a lieu de rejeter ce moyen, étant donné que les décisions attaquées n’entendent pas procéder à un retrait avec effet rétroactif de l’autorisation initiale du 7 mars 2000.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l’article 9 du règlement grand-

ducal, précité, force est de constater que l’autorité communale a tenté d’imposer un nouvel horaire d’ouverture et de fermeture de la barrière litigieuse à la demanderesse en procédant en dehors de toute initiative de celle-ci et sans l’informer de son intention par la communication des éléments de fait et de droit à la base de ces décisions.

Il s’ensuit que les deux décisions attaquées des 9 et 16 août 2000 du bourgmestre de la commune de Garnich encourent l’annulation du chef de violation de l’article 9 du règlement grand-ducal, précité, du 8 juin 1979.

Les décisions encourant l’annulation sur base des développements qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens d’annulation proposés par la partie demanderesse, cet examen devenant surabondant.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 50.000.-

francs, formulée par la demanderesse pour frais non compris dans les dépens, est à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit justifié ;

partant, annule les trois décisions attaquées ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la commune de Garnich aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge 10 et lu à l’audience publique du 11 octobre 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12729
Date de la décision : 11/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-11;12729 ?

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