La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2001 | LUXEMBOURG | N°12724

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2001, 12724


Tribunal administratif N° 12724 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 janvier 2001 Audience publique du 11 octobre 2001

==============================

Recours formé par Monsieur … BAHOR, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12724 du rôle, déposée le 2 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BAHOR, né le … à Pe...

Tribunal administratif N° 12724 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 janvier 2001 Audience publique du 11 octobre 2001

==============================

Recours formé par Monsieur … BAHOR, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12724 du rôle, déposée le 2 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BAHOR, né le … à Pec (Kosovo/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 septembre 2000, notifiée le 7 novembre 2000, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative prise sur recours gracieux par ledit ministre en date du 13 décembre 2000 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 10 mai 1999, Monsieur … BAHOR, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

En date du 14 septembre 1999, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur BAHOR par lettre du 29 septembre 2000, lui notifiée en date du 7 novembre 2000, que sa demande d’asile avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

A l’encontre de cette décision, Monsieur BAHOR fit introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 7 décembre 2000. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 13 décembre 2000, il a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 29 septembre 2000 et 13 décembre 2000 par requête déposée en date du 2 janvier 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il serait de religion musulmane et qu’il appartiendrait à la minorité bosniaque, qu’il ne pourrait retourner vivre au Kosovo n’étant pas Albanais, que la force internationale agissant sous l’égide des Nations Unies ne s’acquitterait pas efficacement de sa mission, que les minorités non albanaises seraient systématiquement exposées à des représailles et des actes de persécution. Il relève dans ce contexte que sa maison aurait été détruite, qu’un ami à lui aurait été tué par les Albanais et qu’il aurait peur des Albanais en raison du fait qu’il aurait été marchand vendant beaucoup aux Serbes, ce qui ne serait pas apprécié par les Albanais.

Sur base des faits ainsi soumis, le demandeur estime avoir établi des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il risquerait de se voir exposer à des exactions en cas de retour dans son pays d’origine, de sorte à devoir bénéficier de la protection prévue par la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement relève que la situation générale du pays d’origine ne justifierait pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié et qu’il conviendrait d’examiner la situation particulière du demandeur et de vérifier concrètement et individuellement si celui-ci a raison de craindre d’y être persécuté. Le représentant étatique estime encore qu’une persécution émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population, ne saurait être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié et que par ailleurs une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées par les autorités en place respectivement où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée pour l’hypothèse où le demandeur a sollicité pareille protection. Il fait valoir qu’un sentiment général de crainte ou d’insécurité ne saurait constituer une crainte au sens de la Convention de Genève. Le représentant étatique estime encore que la situation des minorités au Kosovo se serait nettement améliorée depuis l’année 1999 et depuis les élections d’automne 2000 et que le demandeur resterait en défaut de prouver qu’il lui est impossible de s’installer dans une autre partie du Kosovo ou de la République fédérale yougoslave, ce qui permettrait d’exclure une persécution systématique.

2 Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, Pas. adm. 2001,V° Etrangers, C. Convention de Genève, n°29).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 14 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble avec les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant d’abord les craintes de persécution du demandeur en raison de son appartenance à la minorité bosniaque et de sa confession musulmane, il convient de constater que ses craintes constituent plutôt l’expression d’un sentiment général de peur sans qu’il n’établit concrètement en quoi à l’heure actuelle il serait encore exposé à un risque de persécution tel que sa vie serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Concernant le moyen du recours basé sur la destruction de sa maison, le meurtre d’un ami et son passé professionnel non-apprécié par des Albanais, force est de constater que les faits relatés, même à les supposer établis, ne sont pas d’une gravité suffisante dans le chef du demandeur pour constituer à l’heure actuelle un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié.

3 Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 11 octobre 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12724
Date de la décision : 11/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-11;12724 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award