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08/10/2001 | LUXEMBOURG | N°13049

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 octobre 2001, 13049


Tribunal administratif N° 13049 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2001 Audience publique du 8 octobre 2001 Recours formé par Monsieur … KUC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13049 du rôle et déposée le 12 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Olivier TOTH, avocat, tous les deux inscrits au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KUC, né le … à Rozaje (Monté...

Tribunal administratif N° 13049 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2001 Audience publique du 8 octobre 2001 Recours formé par Monsieur … KUC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13049 du rôle et déposée le 12 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Olivier TOTH, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KUC, né le … à Rozaje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 16 janvier 2001, lui notifiée en date du 12 février 2001, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2001 par Maître Yann BADEN pour compte de Monsieur KUC ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier TOTH et Madame le délégué du Gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 septembre 2001.

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Le 7 mai 1998, Monsieur … KUC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur KUC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur KUC fut entendu en date du 24 juin 1998 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur KUC par lettre du 16 janvier 2001, lui notifiée en date du 12 février 2001, de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que la seule crainte de peines du chef d’insoumission ne serait pas constitutive d’un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève et que par ailleurs le régime en Yougoslavie aurait changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement.

Par requête déposée en date du 12 mars 2001, Monsieur KUC a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 16 janvier 2001.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

A l’appui de son recours, Monsieur KUC expose qu’il est originaire du Monténégro et de confession musulmane, et que la crainte objective qu’il éprouverait serait démontrée à suffisance par le seul fait de la situation régnant dans sa région d’origine laquelle, avec les tensions ethniques et religieuses et les affrontements qui accompagnent ces tensions, serait connue par chacun de par les récits de la presse quotidienne. Il fait valoir que, même si à l’heure actuelle il semble que cette situation se serait améliorée en ce sens qu’il y a, officiellement, cessation de la guerre, il n’en demeurerait pas moins que l’espoir de la scène politique internationale et la bonne volonté de la part du nouveau régime politique en Yougoslavie ne suffiraient pas à eux seuls pour garantir la paix et pour rendre la dignité à la vie humaine en ex-Yougoslavie. Il relève à cet égard plus particulièrement que même si la guerre est terminée, les affrontements armés resteraient à l’ordre du jour et que ce serait pour cette raison qu’il aurait peur d’être recruté dans l’armée serbe laquelle recruterait de préférence des personnes de religion musulmane pour les envoyer dans les situations les plus périlleuses. Le demandeur reproche ainsi aux autorités chargées de l’examen de son dossier de ne pas avoir vérifié concrètement, en plus de la situation générale de son pays d’origine et de sa situation particulière, s’il avait raison de craindre d’y être persécuté, alors que les circonstances de l’espèce seraient de nature à justifier dans son chef l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

2 Le délégué du Gouvernement rétorque que ce serait pour de justes motifs que le ministre a refusé de faire droit à la demande de Monsieur KUC et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas.

adm. 1/2001, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur KUC lors de son audition en date du 24 juin 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le moyen du demandeur basé sur sa situation d’insoumis, le tribunal constate que la décision ministérielle déférée est légalement justifiée par le fait que la paix s’est établie dans la région d’origine du demandeur, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur KUC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Force est encore de constater relativement à la crainte invoquée de sanctions disproportionnées par rapport à la gravité de l’infraction d’insoumission, que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, le demandeur n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement au regard de la loi d’amnistie votée par le parlement yougoslave et entrée en vigueur le 3 mars 2001, visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

Les craintes de persécution en raison de son appartenance à la communauté religieuse musulmane et de la situation politique générale dans son pays d’origine invoquées pour le surplus par le demandeur, constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que le demandeur n’ait établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

3 Le demandeur a par ailleurs lui-même signalé lors de son audition qu’au-delà de son refus de suivre l’appel pour le service militaire lui adressé il n’avait encore jamais eu de problèmes avec les autorités dans son pays d’origine.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 8 octobre 2001 par :

Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13049
Date de la décision : 08/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-08;13049 ?

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