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01/10/2001 | LUXEMBOURG | N°13175

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 octobre 2001, 13175


Tribunal administratif N° 13175 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2001 Audience publique du 1er octobre 2001 Recours formé par Madame … CATOVIC-MEHOVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13175 du rôle et déposée le 5 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame … CATOVIC-MEHOVIC, née le … à Berane (MonténÃ

©gro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la ...

Tribunal administratif N° 13175 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2001 Audience publique du 1er octobre 2001 Recours formé par Madame … CATOVIC-MEHOVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13175 du rôle et déposée le 5 avril 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame … CATOVIC-MEHOVIC, née le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 janvier 2001, lui notifiée en date du 30 janvier 2001, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux du même ministre du 14 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Carole BESCH, en remplacement de Maître Jean-Paul WILTZIUS, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 septembre 2001.

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Le 17 août 1999, Madame … CATOVIC-MEHOVIC, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame CATOVIC-MEHOVIC fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame CATOVIC-MEHOVIC fut en outre entendue en date du 21 octobre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame CATOVIC-MEHOVIC, par lettre du 5 janvier 2001, lui notifiée en date du 30 janvier 2001, de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au motif que les problèmes par elle invoqués, même à les supposer établis, ne sauraient être considérés comme suffisamment graves pour justifier l’octroi du statut de réfugié et que par ailleurs, le régime politique en Yougoslavie aurait changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement.

Par courrier de son mandataire datant du 27 février 2001, Madame CATOVIC-

MEHOVIC a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 14 mars 2001, elle a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 5 janvier et 14 mars 2001 par requête déposée en date du 5 avril 2001.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation, au motif que les dispositions légales applicables prévoiraient un recours au fond.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que ce serait à tort que le ministre de la Justice a rejeté sa demande, alors qu’il se dégagerait de ses déclarations qu’elle serait à considérer comme réfugiée au sens de la Convention de Genève. Elle se réfère plus particulièrement à cet égard aux provocations de la part de réservistes serbes et musulmans par elle invoquées à l’appui de sa demande, ainsi qu’au fait qu’elle n’a plus eu de nouvelles de son époux depuis juin 1999.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que ces faits, même à les supposer établis, quod non, ne seraient pas d’une gravité suffisante pour justifier dans le chef de la demanderesse l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, tout en relevant qu’une persécution émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne pourrait de toute façon pas être reconnue, en principe, comme motif d’octroi dudit statut.

Concernant la référence de la demanderesse à sa situation de femme seule dans son pays d’origine, restée sans nouvelles de son époux depuis juin 1999, le représentant étatique conclut également que même à supposer ce fait établi, il ne serait pas de nature à justifier l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il relève finalement que le 2 gouvernement yougoslave aurait montré sa volonté de tourner la page sur le passé et de favoriser le processus de démocratisation, pour conclure que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame CATOVIC-MEHOVIC lors de son audition en date du 21 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, ses déclarations relatives aux provocations par des réservistes sont très vagues, de sorte qu’en l’absence de toute précision relative à leur ampleur et à leur cadence, les faits invoqués ne sauraient être considérés comme suffisamment grave pour justifier dans son chef l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. La peur afférente de la demanderesse, même si elle se trouve accentuée par le fait qu’elle est restée sans nouvelles de son époux, constitue en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que la demanderesse n’ait établi un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d'origine.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé à la demanderesse la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, 3 déclare le recours en annulation irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er octobre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13175
Date de la décision : 01/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-01;13175 ?

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