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01/10/2001 | LUXEMBOURG | N°13030

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 octobre 2001, 13030


Tribunal administratif N° 13030 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2001 Audience publique du 1er octobre 2001

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Recours formé par Monsieur … AZEMI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13030 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2001 par Maître Brigitte POCHON, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AZEMI, né le … à Mitrovica (Kosovo/Yougosl...

Tribunal administratif N° 13030 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2001 Audience publique du 1er octobre 2001

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Recours formé par Monsieur … AZEMI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13030 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2001 par Maître Brigitte POCHON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … AZEMI, né le … à Mitrovica (Kosovo/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 janvier 2001, lui notifiée en date du 5 mars 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Brigitte PONCHON et Madame le délégué du Gouvernement Malou HAMMELMANN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 septembre 2001.

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Le 17 novembre 1998, Monsieur … AZEMI, préqualifié, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur AZEMI fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 27 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 23 janvier 2001, lui notifiée en date du 5 mars 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur AZEMI de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que la seule crainte d’une peine du chef d’insoumission invoquée à l’appui de sa demande ne serait pas constitutive d’un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève, que par ailleurs l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et des exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire et qu’actuellement une force internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée dans la région pour permettre le retour des réfugiés et assurer la coexistence pacifique des différentes communautés ethniques, et que les faits invoqués par le demandeur concernant sa mère ne sauraient pas non plus fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Par requête déposée en date du 9 mars 2001, Monsieur AZEMI a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 23 janvier 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Kosovo, de confession musulmane et que, étant issu d’une famille d’enseignants et ayant lui même été enseignant dans son pays d’origine, il aurait dû fuir son pays pour des motifs politiques. Il précise à cet égard que sa mère aurait été condamnée pour avoir commencé à protester contre l’abolition de l’autonomie du Kosovo et qu’afin d’éviter d’être soumis, à son tour, à une sentence juridictionnelle, il aurait décidé de quitter son pays d’origine. Estimant que ces faits seraient de nature à prouver que sa vie serait en danger dans son pays d’origine, le demandeur fait valoir que ce serait à tort que le ministre lui a refusé l’octroi du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement rétorque que même si des persécutions pour une des raisons énoncées à l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève contre des proches parents pouvaient, compte tenu des circonstances particulières, justifier une crainte légitime de subir le même sort, force serait de constater en l’espèce que la persécution alléguée de la mère du demandeur ne serait pas établie et que, eu égard au fait que cette dernière vit toujours au Kosovo à l’heure actuelle, il serait permis de douter quant à la réalité des craintes de persécution invoquées. Le représentant étatique estime dès lors que faute par le demandeur 2 d’établir une crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays, son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur AZEMI, lors de son audition en date du 27 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En l’espèce c’est à bon droit que le ministre de la Justice a relevé que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place. Il suit du constat qui précède que le demandeur n’a, à l’heure actuelle, plus de raison de craindre une persécution de la part des autorités serbes au Kosovo.

C’est encore à juste titre que le ministre de la Justice a relevé que le demandeur reste en défaut d’établir en quoi les persécutions alléguées subies par sa mère seraient encore à l’heure actuelle susceptibles de justifier dans son chef l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné d’abord que la situation politique a changé depuis au Kosovo et que par ailleurs sa mère continue d’y résider, sans que le demandeur ne fasse état de problèmes spécifiques auxquels elle aurait encore à faire face à l’heure actuelle.

3 Dans la mesure où le demandeur n’a pas invoqué d’autres faits susceptibles de documenter un état de persécution personnel vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, c’est partant à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à sa demande d’asile, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er octobre 2001 par:

Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13030
Date de la décision : 01/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-01;13030 ?

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