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01/10/2001 | LUXEMBOURG | N°12879

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 octobre 2001, 12879


Numéro 12879 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2001 Audience publique du 1er octobre 2001 Recours formé par Monsieur … GRAVARE, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12879 du rôle, déposée le 12 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DE

CKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

Numéro 12879 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2001 Audience publique du 1er octobre 2001 Recours formé par Monsieur … GRAVARE, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12879 du rôle, déposée le 12 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … GRAVARE, employé privé, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 15 novembre 2000 déclarant irrecevable sa réclamation du 12 septembre 2000 dirigée contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l’année 1999, émis le 13 juillet 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2001 par Maître DECKER pour compte de Monsieur GRAVARE;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 septembre 2001.

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En date du 12 septembre 2000, Madame C.S., pour compte de la fiduciaire C.S., introduisit au nom de Monsieur … GRAVARE, préqualifié, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », contre le bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1999, émis le 13 juillet 2000 par le bureau d'imposition Luxembourg 4 à l’encontre de Monsieur GRAVARE.

Suivant courrier datant du 30 octobre 2000, le secrétaire de la division du contentieux de la direction des Contributions adressa à Madame S. une demande de régularisation de la procédure par elle introduite en lui demandant de verser au dossier dans un délai de quinze jours la procuration qui établit son mandat exprès et spécial pour l’instance introduite, « étant entendu qu’une société est inhabile à postuler devant une juridiction des impôts ou devant le directeur des contributions ».

Comme suite à cette demande, Madame S. renvoya en annexe à un courrier daté au 7 novembre 2000 une procuration émise à Luxembourg le 1er novembre 2000 par Monsieur GRAVARE et libellée comme suit :

« Je soussigné, Monsieur … GRAVARE, demeurant à L-…, donne par la présente mandat à madame C.S., demeurant à L-…, pour introduire en son nom auprès de l’administration des contributions directes à Luxembourg, une réclamation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu 1999 du 13/07/2000 ».

Par décision du 15 novembre 2000, le directeur déclara la réclamation introduite par Madame S. au nom de Monsieur GRAVARE irrecevable faute de qualité aux motifs suivants :

« Considérant qu’en toutes matières pour pouvoir exercer l’action d’autrui, il faut avoir reçu mandat exprès à cette fin ;

Considérant qu’en l’espèce, faute de procuration jointe à la requête, le déposant a dû être invité par lettre du 30 octobre 2000 à justifier de son pouvoir d’agir en versant au dossier une procuration qui établit son mandat exprès et spécial pour l’instance introduite ;

Considérant que l’écrit produit suite à cette demande est daté au 1er novembre 2000, soit postérieurement non seulement à l’introduction de la requête, mais aussi à l’expiration du délai contentieux ;

qu’en conséquence l’existence d’un mandat ad litem répondant aux conditions légales à l’époque où la requête a été introduite n’a pas été établie ;

qu’il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable (cf. Conseil d’Etat, arrêt du 14.01.1986, n° 6514) ».

A l’encontre de cette décision directoriale, Monsieur GRAVARE a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée en date du 12 février 2001.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 2 1. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l'impôt sur le revenu. Le recours en réformation est dès lors recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que le paragraphe 102 AO renverrait aux dispositions du code civil pour la représentation et le mandat devant l’administration et que, conformément aux articles 1984 et suivants du code civil, le mandat pourrait être donné par écrit ou verbalement sans que la validité d’un mandat ad litem ne soit subordonnée à la formalité de l’écrit. Il reproche encore au directeur d’avoir enfreint le principe de la légitime confiance en déclarant la remise du mandat tardive et il renvoie à cet égard au dépôt afférent effectué par Madame S. dans le délai imparti par le courrier du 30 octobre 2000. Il fait préciser enfin qu’en vertu des règles du code civil, tout acte accompli par un tiers sans pouvoir peut être ratifié par le mandant, cette ratification opérant ab initio, de manière que ce serait en tout cas à tort que le directeur a déclaré la réclamation introduite en son nom irrecevable.

Le délégué du Gouvernement rétorque d’abord, en renvoyant à la jurisprudence, qu’on pourrait considérer que le demandeur n’a pas été partie à l’instance de réclamation. Il ajoute qu’il faudrait avoir un mandat à la fois exprès et spécial pour réclamer au nom d’un contribuable et que ce mandat devrait dater d’une époque antérieure à l’expiration du délai de réclamation « si l’on ne veut pas que le respect du délai soit abandonné au bon vouloir du contribuable ». La question de la preuve d’un mandat verbal antérieur ne se poserait dès lors pas, d’autant plus que la dispense de preuve dont jouiraient les avocats ne saurait être étendue à des tiers qui ne sauraient être admis au bénéfice des mêmes présomptions que des auxiliaires de justice. Dans la mesure où le mandat délivré en l’espèce daterait du 1er novembre 2000, il ne répondrait pas à ces exigences. Le représentant étatique estime encore qu’en présence des termes clairs et précis du mandat litigieux, la question d’une éventuelle ratification ex post ne se poserait pas, abstraction faite de ce que cette ratification ne saurait non plus être postérieure à l’expiration du délai de forclusion.

Le demandeur fait répliquer que la jurisprudence référencée par le délégué du Gouvernement ne serait pas pertinente en l’espèce, alors que Madame S. aurait disposé d’une procuration spécifique, laquelle aurait été transmise dans le délai fixé à l’administration, de manière que l’existence d’un mandat ne saurait être déniée.

Le paragraphe 102 (2) AO renvoie aux règles du code civil sur le mandat en l’absence de dispositions spécifiques dans l’AO.

L’acte d’introduire une réclamation devant le directeur, eu égard plus particulièrement au risque y inhérent de voir l’imposition revue le cas échéant in pejus, présente un risque de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé. Une procuration afférente doit dès lors être expresse et spéciale et renseigner clairement l’intention du mandant d’investir le mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise (Trib.

adm. 8 mai 2000, GTA s. à r.l., n° 11431, Pas. adm. 1/2001, v° Impôts, n° 243).

Il y a partant lieu d’examiner le libellé de la procuration du 1er novembre 2000 pour déterminer si Madame S. était effectivement investie du pouvoir d’introduire une réclamation pour compte du demandeur contre le bulletin d’impôt du 13 juillet 2000 émis à l’égard de ce dernier.

3 Dans la mesure où la procuration en cause émise par le demandeur en date du 1er novembre 2000 investit Madame S. du pouvoir « d’introduire en son nom auprès de l’administration des contributions directes à Luxembourg une réclamation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu 1999 du 13/07/2000 », elle doit être considérée comme étant spéciale au sens de l’article 1987 du code civil et expresse au sens de l’article 1988 du même code, de manière à avoir conféré à Madame S. le pouvoir de réclamer pour compte du demandeur devant le directeur contre le bulletin d’impôt en cause du 13 juillet 2000.

Concernant ensuite l’objection du directeur tirée du libellé de la procuration donnée en date du 1er novembre 2000 à Madame S., en ce que le mandat ne serait donné que postérieurement non seulement à la date de l’introduction de la réclamation, mais également à celle de l’expiration du délai contentieux ouvert contre le bulletin d’impôt déféré, il y a lieu de constater d’abord que par sa demande du 30 octobre 2000 le directeur a agi sur base du paragraphe 254 alinéa 2 AO suivant lequel « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen » pour voir produire devant lui une procuration documentant qu’à la date de l’introduction de la réclamation, en l’occurrence le 12 septembre 2000, la signataire de celle-ci fut déjà investie d’un mandat valable.

Or, il résulte du libellé susrelaté de la procuration litigieuse du 1er novembre 2000 non autrement sujet à interprétation qu’elle est appelée à produire ses effets seulement à partir de sa date d’émission et ne comporte aucun élément habilitant à l’introduction de ladite réclamation antérieure en date (cf. trib. adm. 16 juin 1999, Thorn-Muller, n° 10724, confirmé par Cour adm. 21 décembre 1999, n° 11382C, Pas. adm. 1/2001, v° Impôts, n° 241, et autres décisions y citées).

Il ne se dégage non plus du même libellé de la procuration en cause du 1er novembre 2000 que le demandeur ait entendu ratifier ex post en connaissance de cause l’introduction antérieure en date de la réclamation du 12 septembre 2000 par Madame S..

Si le contribuable est en effet en droit de produire matériellement une procuration, même suite à la demande du directeur en vue de la soumission d’une preuve écrite du mandat dans le chef de celui qui a introduit une réclamation, ce mandat doit néanmoins avoir existé dès l’introduction de la réclamation auprès du directeur et cette antériorité au dépôt de la réclamation, voire l’intention de ratification d’un tel acte déjà accompli, doit ressortir clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.

A défaut de la preuve de l’existence d’un mandat conféré par le demandeur à Madame S. au moment de l’introduction par cette dernière de la réclamation en cause du 12 septembre 2000 ou d’une ratification expresse ultérieure concernant cette même réclamation, c’est dès lors à bon droit que le directeur a déclaré ladite réclamation irrecevable faute de qualité. Il s’ensuit que le recours est à déclarer non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, 4 déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er octobre 2001 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12879
Date de la décision : 01/10/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-10-01;12879 ?

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