Tribunal administratif N° 12411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2000 Audience publique du 27 septembre 2001
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Recours formé par Madame … TRKULJA contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail
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JUGEMENT
Vu la requête déposée le 19 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … TRKULJA, serveuse, de nationalité bosniaque, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 25 septembre 2000 lui refusant la délivrance d’un permis de travail ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 18 octobre 2000 déclarant non justifiée une requête présentée par Madame TRKULJA tendant à obtenir une abréviation des délais légaux, tels que prévus par l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2001 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse au greffe du tribunal administratif le 2 février 2001 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Monique CLEMENT, en remplacement de Maître Jean-Georges GREMLING ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.
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Par arrêté du 16 février 2000, le ministre du Travail et de l’Emploi, dénommé ci-
après le « ministre », délivra un permis de travail à Madame … TRKULJA, préqualifiée, en vue de prendre un emploi auprès de Madame E. M.-M., demeurant à L-…, en qualité de serveuse, avec l’indication que ledit permis de travail était valable jusqu’au 31 août 2000.
Par déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail, signée par Madame E. M.-M. en date du 17 août 2000, adressée à l’administration de l’Emploi, dénommée ci-après l’« ADEM », elle sollicita la délivrance d’un permis de travail pour un poste de serveuse en faveur de Madame TRKULJA, en spécifiant que la date d’entrée en service avait eu lieu le 22 février 2000, avec une durée d’engagement indéterminée, ladite déclaration d’engagement valant demande en prolongation du permis de travail précité, délivré en date du 16 février 2000.
Par arrêté du 25 septembre 2000, le ministre refusa le permis de travail à Madame TRKULJA « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :
- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 188 serveurs/serveuses inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - la durée de validité de l’autorisation de travail avait été expressément limitée au 31.08.2000 - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’emploi durant les six dernières années : 3526 en 1993 / 5351 en 1999 ».
Par requête déposée en date du 19 octobre 2000, Madame TRKULJA a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle de refus prérelatée du 25 septembre 2000.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’aucun texte légal ne prévoirait un tel recours en la présente matière.
Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.
En l’espèce, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire attribuant compétence au tribunal administratif pour connaître au fond des recours introduits en matière de permis de travail. Il s’ensuit que le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.
En vertu de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements. Comme en la présente matière, le tribunal est incompétent pour statuer sur le recours en réformation, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’acte incriminé.
2 Le recours en annulation, introduit à titre principal, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse estime que la motivation de la décision incriminée consisterait dans des formules standards et qu’elle se limiterait à reprendre de manière abstraite les motifs prévus par la loi, sans préciser exactement les conditions particulières sur base desquelles la décision a été prise. Cette insuffisance de motivation équivaudrait à une absence de motivation devant conduire à l’annulation de la décision en question dans la mesure où notamment le tribunal aurait été mis dans l’impossibilité d’exercer son contrôle sur l’existence et la légalité des motifs qui seraient à la base de la décision sous analyse.
C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen comme n’étant pas fondé. En effet, une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.
En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.
En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 25 septembre 2000 énonce quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant utilement été complétée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.
L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée.
La demanderesse reproche encore au ministre de ne pas avoir indiqué avec précision la situation et l’organisation du marché de l’emploi existant au moment où la décision a été prise ni la situation particulière ayant existé à ce moment dans la profession dans laquelle le permis a été sollicité, de sorte que le ministre n’aurait pas pu valablement se référer au principe de la priorité à l’embauche de ressortissants de l’Espace Economique Européen pour refuser le permis de travail.
En ce qui concerne le motif tiré de la durée de validité d’un permis de travail délivré antérieurement, elle fait valoir que la loi précitée du 28 mars 1972 ne lui interdirait pas de solliciter la prolongation d’un tel permis de travail.
3 Quant au motif tiré de l’augmentation de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de l’ADEM, la demanderesse soutient que ce motif serait vague et imprécis, dans la mesure où il ne ferait aucune référence au cas d’espèce ainsi qu’au poste au sujet duquel un permis de travail a été sollicité.
Finalement, elle expose qu’il lui aurait été indiqué oralement « que la décision aurait été prise car elle se trouverait en instance de divorce ». Elle conteste toutefois la légalité de ce motif en soutenant que « cette argumentation est humainement et juridiquement intolérable ».
Le délégué du gouvernement rétorque, en ce qui concerne l’argumentation de la demanderesse tirée d’une prétendue prolongation d’un permis de travail antérieurement émis par le ministre, que dès l’expiration de la validité d’un permis de travail antérieur, le ministre serait rétabli dans son droit de refuser le « renouvellement » en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi. Ainsi, le fait qu’une autorisation de travail a été émise antérieurement serait indifférent en l’espèce. En outre, il expose qu’il serait vrai que le ministre s’abstiendrait d’invoquer la priorité à l’emploi des ressortissants communautaires dès lors qu’un non-communautaire est en possession d’une autorisation de séjour valable délivrée en raison de son mariage avec une personne légalement établie sur le territoire du Grand-Duché.
En l’espèce, comme le ministre de la Justice, après avoir constaté que la communauté de vie entre la demanderesse et son époux n’aurait plus existé à la date du 22 août 2000, aurait informé la demanderesse que son autorisation de séjour ne pourrait être prolongée qu’au cas où elle rapporterait la preuve d’être en possession de moyens d’existence personnels et suffisants légalement acquis, le ministre aurait à nouveau été en droit de se référer à la prédite priorité des ressortissants communautaires en refusant le permis de travail au motif que 188 serveurs/serveuses auraient été inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’ADEM au moment du refus du permis de travail. En outre, ces personnes auraient été concrètement disponibles sur le marché de l’emploi, d’autant plus que la disponibilité pour le marché de l’emploi serait une condition essentielle pour pouvoir être inscrit auprès de l’ADEM.
Le représentant étatique soutient encore que le ministre aurait le pouvoir de refuser un permis de travail pour des raisons liées à la situation, à l’évolution et à l’organisation du marché du travail. Or, les statistiques officielles renseigneraient que la situation du marché de l’emploi aurait été et serait toujours mauvaise, et que l’accès à l’emploi devrait être réservé aux demandeurs qui bénéficient d’une priorité. Quant à ces derniers, il précise qu’au moment où la décision litigieuse a été prise, 188 serveurs/serveuses auraient été disponibles auprès des bureaux de placement de l’ADEM. Il en conclut qu’à cette époque, des chômeurs étaient à la recherche d’un emploi comme serveur/serveuse et qu’ils étaient partant disponibles sur place en vue d’occuper le poste vacant auprès de Madame MUHOVIC-MURATOVIC. Le ministre aurait partant rapporté la preuve de leur disponibilité concrète.
Il estime encore que l’assignation effective par l’ADEM de ces personnes prétendument disponibles n’était pas nécessaire au motif qu’au moment où la demande de prolongation du permis de travail a été refusée, le poste était déjà occupé par la demanderesse et que l’employeur aurait manifesté son intention de la garder à ses services. Dans ces conditions « l’assignation d’un demandeur d’emploi aurait été une 4 opération gratuite d’autant plus que l’ADEM pouvait raisonnablement croire à la prolongation de l’autorisation de séjour ».
Il soutient par ailleurs que tous les chômeurs seraient par définition concrètement disponibles sur le marché de l’emploi à partir du moment où ils sont inscrits auprès des bureaux de placement de l’ADEM.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse reproche au ministre de ne pas avoir expliqué en quoi les demandeurs d’emploi auxquels il fait référence seraient appropriés au poste ni en quoi ils correspondraient aux attentes et exigences de l’employeur pour le poste en question au sujet duquel un permis de travail a été sollicité en sa faveur. Ainsi, il n’aurait fourni aucune indication précise quant à l’identité et au profil de ces personnes prétendument disponibles sur le marché de l’emploi et qui seraient aptes à occuper le poste en question. De ce fait, l’administration n’aurait pas rapporté la preuve de la disponibilité concrète de demandeurs d’emploi sur le marché du travail luxembourgeois en vue de l’occupation du poste précité.
Elle reproche encore au ministre de s’être immiscé d’une manière illégale dans le libre choix des salariés par un employeur.
Enfin, elle exprime des doutes quant à la réalité de l’argument tiré de l’augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi, alors que la plupart des personnes qui seraient normalement assignées par l’administration en vue d’occuper un poste déclaré vacant seraient « parfaitement désintéressées de plaire à leur éventuel futur employeur » en essayant « de faire la plus mauvaise impression possible » afin d’éviter d’être recruté au poste de travail. De ce fait, l’administration, du fait de son défaut d’assigner des demandeurs d’emploi à l’employeur, n’aurait pas rapporté la preuve de la disponibilité concrète de main-d’œuvre disponible et prioritaire.
L’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».
Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE précité n° 1612/68, qui dispose que « 1) tout ressortissant d’un Etat membre quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2) Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».
5 Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, Exposé des motifs, p. 2).
Au vœu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen sont dispensés de la formalité du permis de travail.
En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’Espace Economique Européen se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité bosniaque, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen.
Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’Espace Economique Européen est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.
Le ministre doit partant établir, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé.
Pour refuser l’octroi d’un permis de travail à un ressortissant étranger non ressortissant d’un pays de l’Espace Economique Européen, l’ADEM, sous peine de rester en défaut de prouver la présence de main-d’œuvre disponible et prioritaire, ne saurait se borner à faire état de personnes inscrites comme demandeurs d’emploi pour en conclure que parmi ces personnes se trouvait une personne apte et qualifiée et se dispenser dès lors de faire des assignations de candidats auxquels une priorité à l’emploi aurait dû être accordée. En agissant ainsi, sans assigner à l’employeur des candidats bénéficiant de la priorité à l’embauche, l’ADEM reste en défaut de rapporter la preuve de la présence de main-d’œuvre disponible et prioritaire.
En l’espèce, il est constant que l’ADEM n’a pas, à la suite de l’introduction de la déclaration d’engagement précitée datée du 17 août 2000, assigné à l’employeur des personnes aptes au poste de travail et disponibles à l’occuper. Par ailleurs, le ministre s’est borné à faire référence, dans la décision déférée, à une prétendue disponibilité de 188 serveurs/serveuses, sans qu’il ait établi la disponibilité concrète de ces travailleurs, en vue de leur occupation par Madame MUHOVIC-MURATOVIC.
6 L’administration qui, en l’espèce, était tenue d’assigner des candidats à l’employeur, en vue d’établir la disponibilité concrète de main-d’œuvre devant bénéficier de la priorité à l’emploi, n’a partant pas établi, concrètement, au plus tard au moment de la date de prise d’effet du nouveau permis de travail dont la délivrance a été sollicitée par la demanderesse, l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place, qui auraient pu bénéficier d’une priorité à l’emploi en leur qualité de ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique européen, et elle n’a partant pas rempli ses obligations légales. Il s’y rajoute que l’administration n’était pas déliée de ses obligations légales du seul fait qu’en vertu d’un permis de travail lui délivré antérieurement, la demanderesse occupait, au moment de l’introduction de la déclaration d’engagement, qui s’est faite à une date antérieure à l’entrée en service prévue en vue de la prolongation de son permis de travail à obtenir, le poste de travail au sujet duquel ladite prolongation a été sollicitée, d’autant plus qu’il ne résulte d’aucune pièce et d’aucun élément du dossier que l’employeur de la demanderesse avait manifesté sa volonté de garder la demanderesse ou de refuser l’engagement de tout autre demandeur d’emploi devant bénéficier de la priorité à l’emploi réservée aux ressortissants de l’Union européenne et de l’Espace Economique Européen.
Il suit des considérations qui précèdent que les motifs tirés de la disponibilité sur place de demandeurs d’emploi, de la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen ainsi que de l’augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d'emploi ne sauraient justifier la décision incriminée.
En ce qui concerne le motif tiré du fait qu’un permis de travail délivré antérieurement spécifiait que sa durée de validité était limitée au 31 août 2000, il ne saurait, à lui seul, justifier le refus de prolongation du prédit permis de travail, un tel motif n’étant pas prévu par les dispositions légales et réglementaires applicables.
Enfin, en ce qui concerne un autre motif sousjacent au refus du permis de travail, qui aurait été indiqué oralement à la demanderesse et qui ressort d’une manière indirecte du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, tiré de la séparation de la demanderesse avec son mari, il ne saurait justifier le refus de la délivrance du permis de travail, un tel motif n’étant pas non plus prévu par les dispositions légales et réglementaires applicables.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer fondé et la décision ministérielle de refus du 25 septembre 2000 encourt l’annulation.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié et partant annule l’arrêté ministériel précité du 25 septembre 2000 ;
7 renvoie le dossier au ministre du Travail et de l’Emploi pour prosécution de cause ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 27 septembre 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 8