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27/09/2001 | LUXEMBOURG | N°12211

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 septembre 2001, 12211


Tribunal administratif N° 12211 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2000 Audience publique du 27 septembre 2001

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Recours formé par Monsieur … POHL et son épouse, Madame … NOIREL contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête déposée en date du 7 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc FISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … POHL et de son épouse, Madame … NOIREL, demeura...

Tribunal administratif N° 12211 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2000 Audience publique du 27 septembre 2001

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Recours formé par Monsieur … POHL et son épouse, Madame … NOIREL contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête déposée en date du 7 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc FISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … POHL et de son épouse, Madame … NOIREL, demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 mai 2000 déclarant irrecevable leur réclamation introduite en date du 8 décembre 1999 dirigée contre deux bulletins rectificatifs portant sur l’impôt sur le revenu des années 1992 et 1993, établis en date du 11 novembre 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Luc FISCH ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 29 novembre 1999, réceptionnée par l’administration des Contributions directes en date du 8 décembre de la même année, la société anonyme Fiduciaire C. S.A., agissant sous la signature de Monsieur A. D. sur la base d’une procuration signée par Monsieur … POHL, préqualifié, en date du 29 novembre 1999, par laquelle celui-ci donna « procuration à la Fiduciaire C. S.A. pour réclamer pour [son] compte contre les bulletins d’impôt sur le revenu 1992 et 1993 », avec la précision que ladite « procuration est valable pour effectuer toutes les autres formalités utiles de représentation à l’égard de l’Administration des Contributions Directes », introduisit au nom de Monsieur … POHL et de son épouse, Madame … NOIREL, préqualifiée, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1992 et 1993, tous les deux émis en date du 11 novembre 1999.

Cette réclamation fut complétée, à la suite d’un courrier du 24 mars 2000 adressé par la division du contentieux de la direction des Contributions directes à Monsieur A. D., le priant « de justifier de [son] pouvoir d’agir en versant au dossier la procuration qui établit [son] mandat exprès et spécial pour l’instance introduite, étant entendu qu’une société est inhabile à postuler devant une juridiction des impôts ou devant le directeur des Contributions » par une « procuration spéciale » datée du 20 septembre 1999 et libellée comme suit : « Le soussigné, Monsieur … POHL, n° fiscal : 1940 0108 474 demeurant à L-1232 Howald, 117, rue Ernest Beres constitue par la présente pour son mandataire spécial Monsieur A. D.

représentant légal de la Fiduciaire C. S.A., sise à L-2530 Luxembourg, 4, rue Henri Schnadt, auquel il donne pouvoir à l’effet de le représenter auprès de l’Administration des Contributions Directes et de traiter valablement en son nom.

La présente procuration vaut également pour l’exécution de toutes les démarches administratives liées à la bonne gestion de ses intérêts ainsi qu’au respect des exigences fiscales.

En outre, Monsieur A. D., représentant légal de la Fiduciaire C. S.A. est désigné par Monsieur … Pohl comme le seul interlocuteur auprès de l’Administration des Contributions Directes et donc comme unique destinataire de l’ensemble du courrier.

La présente procuration vaut jusqu’à sa révocation expresse ».

En date du 8 mai 2000, le directeur statua sur la réclamation datée du 29 novembre 1999, introduite le 8 décembre 1999 en la déclarant irrecevable faute de qualité, au motif que 1) la procuration du 29 novembre 1999 jointe à la réclamation et par laquelle la société anonyme Fiduciaire C. S.A., ci-après dénommée « la Fiduciaire C. », a été nommée comme mandataire, ne répondrait pas aux conditions légales en ce que cette société ne serait « qu’une abstraction inhabile à postuler et donc insusceptible de recevoir un mandat ad litem » et que 2) le mandat produit daté du 20 septembre 1999 documenterait seulement que le « contribuable a donné un mandat général au signataire de la requête (réclamation) afin de le représenter auprès de l’administration des Contributions et de recevoir l’ensemble du courrier », de sorte que « l’existence d’un mandat ad litem répondant aux conditions légales à l’époque où la requête (réclamation) a été introduite n’a pas été établie ».

A l’encontre de cette décision sur réclamation, les époux POHL-NOIREL ont fait introduire en date du 7 août 2000 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la prédite décision du directeur du 8 mai 2000.

Le recours étant dirigé contre une décision directoriale statuant sur une réclamation introduite à l’encontre de bulletins de l’impôt sur le revenu, le tribunal est compétent, en vertu des dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale sur les impôts, appelée « Abgabenordnung », dénommée ci-après « AO » et de l’article 8 (3) 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre 2 administratif, pour statuer en tant que juge du fond. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que la procuration donnée en date du 29 novembre 1999 répondrait aux exigences légales et notamment au paragraphe 254 AO dans la mesure où la Fiduciaire C. aurait par ce biais reçu un mandat exprès en vue d’introduire une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1992 et 1993. Ils reprochent au directeur d’avoir refusé ladite procuration au motif qu’une personne morale serait insusceptible d’introduire en nom et pour compte d’un mandataire une réclamation, alors que la loi générale des impôts ne ferait, en matière de représentation, aucune distinction entre les personnes morales et les personnes physiques.

Dans ce contexte, ils se réfèrent encore au paragraphe 102 AO en ce que celui-ci fait référence aux dispositions applicables en droit civil notamment en ce qui concerne la représentation et les procurations. Or, l’article 1984 du code civil, contenant une définition de la procuration, viserait tant la personne physique que la personne morale, en ce que cette disposition légale utilise le terme de « personne », ce terme devant nécessairement viser la personne morale qui, dotée de la personnalité juridique, constituerait également une « personne » au sens dudit article 1984.

A titre subsidiaire, et pour le cas où la procuration accordée à la Fiduciaire C.

serait déclarée non conforme aux dispositions légales applicables, les demandeurs estiment que le directeur aurait dû, au-delà de la terminologie utilisée dans la procuration précitée du 29 novembre 1999, prendre en considération l’intention y exprimée par le signataire de ladite procuration en ce que celui-ci aurait eu l’intention d’accorder une procuration à Monsieur A. D., pris en son nom personnel. Ainsi, Monsieur D. aurait disposé d’un mandat valable l’autorisant à introduire en leur nom une réclamation devant le directeur. Ils soutiennent encore dans ce contexte qu’en tout état de cause leur volonté de réclamer contre les bulletins d’impôt relatifs à l’impôt sur le revenu pour les années 1992 et 1993 n’aurait pas pu être mise en doute et le directeur, au lieu de s’attarder à un formalisme trop strict, aurait dû interpréter les règles de procédure de manière à sauvegarder leurs droits en prenant la prédite procuration en compte dans la mesure où elle aurait été émise en faveur de Monsieur D. à titre personnel.

Le délégué du gouvernement rétorque que le recours ne serait pas fondé, en se référant au motif développé par le directeur dans la décision incriminée du 8 mai 2000.

Il échet tout d’abord de relever que les demandeurs reprochent uniquement au directeur de ne pas avoir pris en considération la procuration précitée du 29 novembre 1999 et qu’ils ne lui reprochent pas le fait de ne pas avoir pris en considération celle antérieure du 20 septembre 1999 également écartée par le directeur dans sa décision incriminée du 8 mai 2000. La seule question qu’il appartient partant au tribunal de trancher est celle de savoir si c’est à bon droit que le directeur a déclaré irrecevable la réclamation introduite en date du 8 décembre 1999 en refusant de reconnaître comme procuration valable celle précitée du 29 novembre 1999.

Il se dégage du paragraphe 228 AO qu’un bulletin de l’impôt sur le revenu peut être attaqué dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur.

3 En vertu du paragraphe 254 AO, le contribuable peut se faire représenter par un mandataire dans le cadre de la réclamation à introduire auprès du directeur. La même disposition légale prévoit encore que des représentants professionnels peuvent être déclarés inaptes à introduire une réclamation, à l’exception toutefois de ceux visés au paragraphe 107, alinéa (3) AO.

Le droit de se faire représenter d’une manière générale dans le cadre de son imposition est encore accordé au contribuable par le paragraphe 107, alinéa (1) AO qui dispose que : « Wer durch Abwesenheit oder sonst verhindert ist, Pflichten zu erfüllen, die ihm im Interesse der Besteuerung obliegen oder Rechte wahr zu nehmen, die ihm nach den Steuergesetzen zustehen, kann dies durch Bevollmächtigte tun ». S’il est vrai que cette disposition légale ne définit pas autrement ce qu’il faut entendre par « Bevollmächtigte » et qu’il ne fait aucune distinction entre les personnes physiques et les personnes morales qui, au vu de la généralité du terme utilisé, devraient toutes être susceptibles de représenter un contribuable notamment à l’occasion de l’introduction d’une réclamation auprès du directeur, dirigée contre des bulletins de l’impôt sur le revenu, il n’en demeure pas moins que l’alinéa (2) du même paragraphe 107 permet notamment au directeur de rejeter des réclamations introduites par des mandataires professionnels, « die aus der Erteilung von Rat und Hilfe in Steuersachen ein Geschäft machen ».

Ni cette disposition légale ni une quelconque autre disposition légale ne prévoient des critères sur lesquels le directeur peut se baser en vue de déclarer irrecevables des réclamations introduites par de tels professionnels, en leur qualité de mandataires d’un contribuable.

Le paragraphe 238 AO, qui prévoit notamment que le destinataire d’un bulletin de l’impôt est autorisé à introduire une réclamation contre celui-ci, dispose que ce destinataire du bulletin de l’impôt peut se faire représenter conformément au paragraphe 102, alinéa 2 AO. Cette dernière disposition légale fait référence, au sujet des mandats et procurations à l’alinéa 1er du même paragraphe 102, celui-ci disposant que les règles du droit civil sont applicables en droit fiscal quant à la capacité d’agir des personnes privées.

Dans la mesure où les paragraphes 103 à 111 AO ne prévoient aucune disposition contraire, il y a lieu de conclure que, en ce qui concerne les personnes morales auxquelles une procuration a été donnée en vue de représenter un contribuable notamment dans le cadre d’une réclamation à introduire devant le directeur, les règles du droit civil sont applicables au mandat et à la procuration ainsi émis en faveur de ladite personne morale.

L’article 1984 du code civil définit le mandat ou la procuration comme étant « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Cette définition légale ne comporte aucune distinction entre les personnes physiques ou morales ni en ce qui concerne le mandant ni en ce qui concerne le mandataire.

Partant, dans la mesure où le paragraphe 102 AO se réfère expressément aux dispositions du code civil et notamment à l’article 1984 précité, il autorise valablement les contribuables à se faire représenter par un mandataire, que ce dernier constitue une personne physique ou une personne morale, dans le cadre notamment de l’introduction d’une réclamation devant le directeur, dirigée contre un bulletin d’impôt sur le revenu.

4 Ainsi, s’il est vrai qu’une personne morale peut être considérée comme une abstraction en ce sens qu’elle ne peut agir non pas personnellement, au sens strict du terme, mais uniquement par l’intermédiaire de ses organes investis du pouvoir de la représenter, et que cette particularité au niveau de sa manière d’agir la distingue à cet égard d’une personne physique, il n’en reste pas moins que cette particularité ne permet pas de la rendre, de ce seul fait, insusceptible de recevoir un mandat, spécial et exprès, en vue d’introduire une réclamation à l’encontre d’un bulletin de l’impôt sur le revenu, étant donné que, comme ni le paragraphe 102 AO ni l’article 1984 du code civil ne distinguent, à propos du mandataire, entre les personnes physiques et morales, il n’y a pas lieu d’introduire une telle distinction non légalement prévue.

Il suit de ce qui précède qu’un contribuable peut donner un mandat ou une procuration à une personne morale, valablement constituée, en vue de l’introduction d’une réclamation devant le directeur. Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que les paragraphes 254 et 107, alinéa (2) autorisent notamment le directeur de refuser de prendre en considération des actes lui soumis par des représentants professionnels qui exercent le métier de conseiller en matière fiscale, au motif, d’une part, que les dispositions claires et précises du paragraphe 102 AO et de l’article 1984 du code civil ne permettent pas au directeur de ne pas prendre en considération les actes lui soumis par une personne morale du seul fait de la qualité de personne morale du mandataire d’un contribuable et, d’autre part, que les dispositions afférentes des paragraphes 254 et 107 précités ne font pas non plus une distinction quant aux mandataires y visés entre les personnes physiques et morales et qu’il n’appartient de ce fait pas au directeur d’introduire une discrimination non justifiée par une disposition légale ou réglementaire entre les deux types de personnes.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que le directeur a déclaré irrecevable la réclamation introduite auprès de lui en date du 8 décembre 1999 par la Fiduciaire C. et il n’y a pas lieu d’analyser les autres moyens présentés par les demandeurs puisque le directeur ne s’est pas encore prononcé quant au fond de l’affaire. Il y a partant lieu de réformer la décision incriminée du 8 mai 2000 et de renvoyer le dossier au directeur pour prosécution de cause.

Il y a encore lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 100.000.- francs présentée par les demandeurs, erronément basée sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, pouvant toutefois être prise en considération par référence à l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

5 au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision précitée du 8 mai 2000, dit que le directeur a, à tort, déclaré irrecevable, faute de qualité, la réclamation introduite auprès de lui en date du 8 décembre 1999 par la Fiduciaire C. ;

renvoie le dossier pour prosécution de cause devant ledit directeur ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 27 septembre 2001 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12211
Date de la décision : 27/09/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-09-27;12211 ?

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